Maniant à leur guise le Sabre et le Coran, les Talibans du Mollah Muhammad Omar ont brutalement gouverné l'Afghanistan de 1996 à 2001. Une période vraiment sombre pour un pays surgi du passé brumeux et totalement en dehors du temps moderne. Associés aux activistes terroristes d'Al Qaeda, les Talibans formés au Pakistan limitrophe ont été violemment chassés du pouvoir par les États-Unis à la suite des attentats odieux du 11 septembre 2001.
Les Talibans constituent, à n'en point douter, un drame pour l'Afghanistan tout entier. Ils sont, à vrai dire, une lourde catastrophe pour les droits des femmes, lesquels sont appelés à disparaître d'un trait de plume en dépit de quelques timides avancées depuis 2001.
Le come-back des Talibans
La prise militaire de Kaboul par les Barbus religieux suscite d’énormes inquiétudes au sein de la population afghane
À qui profite-t-il sérieusement le crime ?
‘‘La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures’’ Noam Chomsky
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Les Talibans sont, en principe, des étudiants en religion musulmane. Ils sont considérés par leurs pairs comme des chercheurs de la foi islamique. Pour ce faire, ceux-ci fréquentent réellement les Médersas, en arabe ‘‘Madrasa’’. Ce sont, en fait, des écoles d’apprentissage du Coran au Pakistan voisin de l’actuel Afghanistan.
Dans ces structures qui ont, véritablement, une fonction religieuse, les Talibans étudient par cœur les préceptes islamiques en vue de s’armer sur les plans spirituel et moral, d’une part. Et, d’autre part, ils maîtrisent tous ces enseignements à caractère purement religieux pour les appliquer rigoureusement dans la vie pratique, donc courante. Ils les apprennent pour les faire respecter de manière stricte dans leur entourage. En effet, l’objectif primordial de l’étude des Talibans dans ces circuits religieux est de garantir la santé robuste de l’ordre moral au sein de la société.
Faisant pratiquement partie des liens de socialisation, ces écoles pullulent, à vrai dire, au Proche-Orient. Tout comme, elles fleurissent dans l’ensemble du Moyen-Orient et une grande partie de l’Asie centrale. De ce fait, elles font intégralement partie du paysage socioculturel de l’Afghanistan. Ce qui est en soi une normalité.
À la fin des années soixante-dix (1978), l’Afghanistan qui est, réellement, synonyme d’instabilité politique, connaît, bien sûr, l’avènement d’un régime politique assujetti au socialisme scientifique sur le terrain doctrinal[i]. De ce fait, dans le cadre de la guerre froide issue directement de l’ordre bipolaire de Yalta, cet État se rapproche, – ce qui est en soi fort logique – idéologiquement de l’union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Fort du soutien stratégique des dirigeants marxistes-léninistes ou marxistes-stalinistes de Moscou, le parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA) qui a, naturellement, pris les rênes à Kaboul, applique, sans ménagement, toute une série de réformes politiques collectivistes.
Sur le plan social, cette entreprise politique, d’ailleurs, favorable au progrès à la fois matériel et mental de la population afghane considérée comme arriérée, engage immédiatement le pays sur la voie étroite des réformes agraires. Sur le plan religieux, celle-ci impose politiquement un athéisme d’État qui nie, évidemment, la place de la religion musulmane au sein de la société. Elle bouleverse, surtout, les mœurs autochtones lorsqu’elle impose systématiquement, et même unilatéralement, le droit des femmes, l’alphabétisation.
À ce propos, il importe d’admettre que cette option socioculturelle énerve les mentalités locales. Elle irrite très violemment le conservatisme local. Cette vue indigène ou interprétation culturelle est profondément enracinée dans des traditions paysannes. Celles-ci sont fortement influencées par un esprit médiéval. Elles sont accrochées à des valeurs et principes moyenâgeux de l’Islam.
Ainsi cette vision progressiste du parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA) entraîne-t-elle que ce nouveau régime très proche de Moscou ne connaît point de répit. Il est, sans cesse, menacé par une rébellion armée très décidée à renverser militairement le système communiste. Par conséquent, confrontée à cette nouvelle donne susceptible de défaire ses alliances stratégiques sur le plan géopolitique, l’URSS de Léonid Brejnev décide d’intervenir militairement pour protéger le régime satellite de Kaboul.
En effet, le parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA) sert stratégiquement de tampon entre le Pakistan (allié des États-Unis) et la République populaire de Chine, d’une part. Et, d’autre part, cette formation communiste sert de tampon stratégique entre le Pakistan (allié des États-Unis) et l’ex-union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Comme quoi ce parti fantoche sert concrètement de rempart idéologique à la menace absolue de pénétration américaine et de barrière physique aux visées militaires de l’OTAN dans la chasse gardée soviétique et dans les châteaux forts communistes.
Force est de souligner que cette intervention militaire soviétique constitue véritablement, en 1979, un prétexte de taille pour les États-Unis craignant pour son allié pakistanais d’entrer, sans hésiter, dans la danse. C’est également l’occasion espérée pour Washington, d’ailleurs, administré par le parti démocrate (le pasteur méthodiste James Earl – Jimmy – Carter), puis relayé par le parti républicain (Ronald Wilson Reagan), de fournir des quantités d’armes sophistiquées aux combattants ou guerriers saints, généralement plus connus sous le nom martial de ‘‘Moudjahidines[ii]’’. Ces guerriers, à plus forte raison combattants du djihad, sont donc aux premières loges de la lutte violente contre le communisme en Asie centrale, de surcroît en Afghanistan.
Une chose est sûre et certaine, les Talibans qui font réellement partie de l’ethnie pachtoune[iii], sont tout droit issus des centres de conditionnement psychique, d’endoctrinement mental, établis au Pakistan. Ils apparaissent dans le paysage politique de l’Afghanistan au début des années quatre-vingt-dix[iv]. Ce qui correspond pratiquement à la deuxième phase de la guerre civile intra-afghane – de 1992 à 1996[v]. Ce conflit militaire a naturellement pour effet d’emporter violemment le régime communiste du commandant Muhammad Najibullah Ahmadzai qui trouve refuge dans les locaux des Nations unies et dont le pouvoir est taillé en pièces le 29 avril 1992[vi].
Venus du Pakistan limitrophe, les Talibans, aidés par les services de renseignement du même pays, deviennent maîtres de l’Afghanistan lors de la prise de Kaboul en 1996. Leur prise de pouvoir soulage énormément Washington dans la mesure où ils sont résolument, profondément ‘‘anticommunistes’’. Au nom du rejet de cette doctrine fondée sur l’athéisme et la lutte des classes, ces étudiants en religion musulmane s’en prennent violemment à la vie physique du président déchu Muhammad Najibullah Ahmadzai et de son frère Shapur Ahmadzai[vii].
Dès leur prise du pouvoir à Kaboul, les Talibans instaurent un vrai régime de terreur. Ils installent un système oppresseur qui dénie automatiquement aux femmes tout droit fondamental. Celui-ci refuse aux filles le droit de fréquenter l’école. Il leur refuse le droit de s’épanouir comme tout être humain digne de ce nom.
Sur le plan de la géopolitique internationale, les Talibans mettent fin au commerce du pavot qui prolifère en Asie centrale. Cette plante intervient souventes fois dans la fabrication de l’opium et de l'héroïne. Ce produit est, d’ailleurs, très recherché par l’industrie pharmaceutique pour la fabrication des anesthésies médicales.
Sous le régime totalitaire des Talibans, l’Afghanistan est, en fait, un sanctuaire pour les terroristes d’Al Qaeda (la Base). C’est, à n’en point douter, un repaire pour le Saoudien Ossama bin Ladin, l’Égyptien Ayman Al Zawahiri. Néanmoins, dès le départ, Al Qaeda al-askariya fondé en 1988 est issu du mouvement Maktab al-khadamat. Il constituait, de ce fait, la résistance islamique contre la présence militaire soviétique dans ce pays lunaire d’Asie centrale.
À cause des attentats horribles du 11 septembre 2001 ayant littéralement détruit les tours jumelles de World Trade Center à New-York et frappé le Pentagone à Washington, les Talibans du Mollah Muhammad Omar sont violemment chassés du pouvoir à Kaboul par les États-Unis à la tête d’une coalition antiterroriste pour avoir refusé de livrer l’état-major d’Al Qaeda. Ainsi la chute de leur régime arbitraire ouvrait-elle de nouvelles perspectives au pays tout entier et à tous ses habitants persécutés, broyés, par un régime des plus sanguinaire. En effet, l’Afghanistan était normalement censé s’ouvrir très largement à l’expérience démocratique. Celle-ci s’appuyait fondamentalement sur la notion cardinale des droits humains fondamentaux, la libération de la femme des mœurs rétrogrades, le pluripartisme, la concurrence électorale, etc.
Ce qui est clairement évident, le processus démocratique vendu par la propagande occidentale est très rapidement tombé à l’eau dans la mesure où ce pays au paysage lunaire a, contre toute attente, sombré dans l’anarchie et le chaos. Il a vite sombré dans le terrorisme armé qui avale ses propres sujets. Cette dynamique, reliée aux coûts exorbitants de l’invasion conflictuelle américaine, a bel et bien forcé sur le terrain des hostilités les États-Unis et les forces alliées de l’OTAN à plier vite bagage, à abandonner leurs missions[viii]. Il y a lieu d’admettre que leur retrait progressif a, certes, fait voler en éclats tout espoir d’un nouvel Afghanistan démocratique reconfiguré dans le cadre d’un Moyen-Orient tout autant renouvelé que remodelé.
Pour ne point sortir de ce conflit armé déjà fort dispendieux pour le trésor public, la queue entre les jambes et la mine déconfite, les États-Unis, sous l’impulsion de l’administration démocrate de Joe Biden[ix], se résolvent à négocier face à face avec les Talibans. Washington entame, donc, en tête à tête des pourparlers diplomatiques avec ses pires ennemis qu’il avait, pourtant, juré de ne point fréquenter[x]. Ce changement de ton ou ce virage à 3600 s’explique par le fait que le Moyen-Orient, à plus forte raison l’Afghanistan et l’Irak, s’est assurément transformé en bourbier pour le pays de l’Oncle Sam[xi]. Ce qui le conduit, naturellement, à changer de plan de match, de fusil d’épaule, à résolument opter pour le retrait pur et simple de ses troupes armées du sol afghan et même à fermer pratiquement les yeux sur le retour impromptu des Talibans.
Il sied de relever que le come-back inattendu de ces étudiants en religion n’est pas sans provoquer quelques inquiétudes justifiées dans la sous-région qui risque, certes, dans les jours et les semaines à venir de se transformer littéralement en pétaudière. En effet, anticipant la chute imminente de la capitale Kaboul aux mains rebelles des Talibans, la Russie qui, bien entendu, se pose en rempart de la lutte doublement ‘‘antiterroriste’’ et ‘‘anti-islamiste’’, a très récemment entrepris des manœuvres militaires en associant de manière étroite les ex-républiques socialistes soviétiques d’Ouzbékistan et de Tadjikistan. Il convient de mentionner que ces exercices se sont déroulés au Tadjikistan sur le terrain d’entraînement de Kharb-Maïdon, à seulement 20 km de la frontière afghane[xii].
Aussi cette nervosité qui ne cesse de gagner de jour en jour l’Asie centrale explique-t-elle très bien la tournée politique du président chinois Xi Jinping[xiii] dans deux provinces rebelles et même quasi frontalières de l’Afghanistan[xiv]. À savoir : le ‘‘Tibet’’ et le ‘‘Xinjiang[xv]’’. D’ailleurs, militairement occupées par la République populaire de Chine, ces deux entités politiques et administratives réclament très ouvertement une forme d’indépendance qualifiée d’autonomie. En effet, celles-ci subissent actuellement une forte immigration ethnique des Hans intentionnellement favorisée par Beijing. Ce qui pourrait à terme mener à la disparition pure et simple de ces peuples autochtones. Aussi subissent-elles une répression aveugle de la part du parti communiste[xvi] décidé à émasculer toute contestation politique, à rompre toute résistance idéologique.
Par conséquent, quel peut-il bien être l’avenir de l’Asie centrale[xvii] enregistrant depuis peu, et comme dans un rêve éveillé, le retour inespéré des Talibans ? Ce come-back des Barbus endoctrinés remet-il certainement en cause le célèbre tracé de la fameuse route de la soie ? Est-ce, à vrai dire, le point de départ d’une très longue déstabilisation violente du continent asiatique qui est, par essence, le plus populeux de la planète terrestre ?
À y regarder absolument de très près, cette déstabilisation violente de l’Asie centrale pourrait-elle, sans aucun doute, s’étendre de la mer Méditerranée qui a, certes, vu naître de grandes civilisations à la mer de Chine qui a, à vrai dire, connu un essor économique et culturel sans précédent ?
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.centerblog.net
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
www.joelasherlevycohen1.wordpress.com
[i] Le parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA) proclame la république démocratique d’Afghanistan.
[ii] Lors de la guerre de libération nationale contre la présence militaire soviétique de 1979 à 1989, il existe plusieurs factions moudjahidines dirigées par nombre de chefs de guerre, tels les commandants Amin Wardak, Djalâlouddine Haqqani, Gulbuddin Hekmatyar. Mais, la faction la plus renommée est celle dirigée par le commandant Ahmed Shah Massoud.
[iii] Ethnie majoritaire en Afghanistan et au Pakistan.
[iv] Les Talibans reçoivent de ce fait l’assistance logistique et technique des services secrets pakistanais ISI.
[v] Ce conflit militaire entre factions rivales pour le contrôle de la capitale politique et administrative Kaboul oppose violemment Talibans, forces gouvernementales (Ahmed Shah Massoud) et moudjahidines (Gulbuddin Hekmatyar).
[vi] Force est de constater que cette guerre civile qui a duré quatre ans finit par emporter sa vie physique le 27 septembre 1996 après que les Nations unies, pourtant chargées de sa protection physique, aient refusé de l’évacuer à l’étranger. Il est torturé et assassiné par les Talibans de Mollah Omar.
[vii] Les frères Ahmadzaï sont normalement placés sous la protection des Nations unies dont les locaux servant de refuge sont inviolables au même titre que les représentations diplomatiques et consulaires.
[viii] Délaisser les Afghans entre les mains de leurs bourreaux talibans doit-il être considéré comme un acte d’abandon d’un peuple, un acte de non-assistance d’un peuple en danger ? Abandonner les filles et les femmes afghanes à leur triste destin doit-il être regardé comme un acte délibéré de non-assistance ?
[ix] Les redoutables Talibans venus du Pakistan ont manifestement accédé au pouvoir à Kaboul pour la première fois sous l’administration démocrate de William Jefferson (Bill) Clinton en 1996. S’agit-il tout simplement de remake (Bis repetita) avec l’administration démocrate de Joe Biden ?
[x] Dans toutes ces négociations à haut risque, les États-Unis veulent en réalité obtenir l’assurance de ne pas être l’objet d’attentats terroristes islamistes.
[xi] Le Moyen-Orient est un véritable bourbier militaire, économique et financier. Trop de victimes (blessures de guerre) et trop de pertes en vies humaines. Trop de frais engagés pour payer ou rembourser les assurances qui couvrent les appelés au drapeau. Des conflits armés budgétivores. De véritables gouffres financiers (tonneaux de danaïdes).
[xii] Quelque 2500 militaires de Russie, du Tadjikistan et d’Ouzbékistan sont censés y participer, a tout à fait déclaré dans un communiqué le district militaire central de l’armée russe.
[xiii] Le dernier plus haut dignitaire chinois à se rendre physiquement dans ces deux régions séditieuses et très hostiles au pouvoir central de Beijing est Hua Guofeng.
[xiv] Force est de constater que ce déplacement impromptu d’une plus haute autorité chinoise dans ces deux régions s’inscrit, comme par hasard, dans la volonté de Beijing de renforcer l’unité nationale ou l’unité politique du territoire.
[xv] Cette province abrite une population majoritairement musulmane (de confession sunnite) et ouïghoure (de souche turco-mongole).
[xvi] L’installation d’un régime concentrationnaire de camp de travail (laogaï). La promotion d’une politique de génocide culturel doublé de génocide physique.
[xvii] Cette région dispose de plusieurs puissances nucléaires réellement confirmées ou potentielles : La République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), la République populaire de Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, Israël, etc.