Lettre ouverte au Peuple congolais
‘‘Choisir le dialogue, cela veut dire aussi éviter les deux extrêmes que sont le monologue et la guerre’’ Tzvetan Todorov, Nous et les autres, La Réflexion française sur la diversité humaine, Seuil, collection Points Essais, 2004. p. 14
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Peuple congolais,
En septembre 1996, les puissances étatiques et économico-financières d’extraction anglo-saxonne, au premier rang desquelles les États-Unis d’Amérique, rejoints par bon nombre de pays du Commonwealth britannique, dont la volonté manifeste consiste, en fait, à conquérir la planète Terre et assujettir l'ensemble de ses habitants, vous ont artificiellement imposé une ‘‘guerre d’agression’’. À cette époque, cette conflagration armée visait, sans l’ombre de doute, à réduire en charpie la souveraineté internationale et l’indépendance nationale de votre pays. Aussi ces puissances vous ont-elles imposé, au même moment, une guerre violente dont l’objectif primordial fut la partition de votre majestueux territoire national. À ce titre, celles-ci ont directement instrumentalisé trois États limitrophes. À savoir : le Burundi du Major Pierre Buyoya, l’Ouganda de Yoweri Kaguta Museveni et le Rwanda de Pasteur Bizimungu issu directement du moule du Font patriotique rwandais (FPR), d’ailleurs, totalement à la botte du Généralissime Paul Kagame.
Force est de relever que cette instrumentalisation des pays voisins était, en principe, dictée par la volonté mesquine de faire main basse sur vos ressources matérielles, autant minérales et naturelles que précieuses et stratégiques. Aussi importe-t-il de souligner que ce camouflage de réelles intentions de ce vaste conglomérat de geôliers et bourreaux génocidaires fut mis au grand jour lors de la guerre d’occupation et de pillage violemment déclenchée le 2 août 1998. En effet, ce conflit armé, d’ailleurs entrepris par les mêmes belligérants de septembre 1996 au sein des alliances militaires cette fois-ci contre-nature, fut intimement lié à votre refus solennel et catégorique de saper votre souveraineté internationale et, surtout, de saborder votre unité nationale, de brader votre territoire et votre patrimoine matériel.
Peuple congolais,
N’eussent été l’amour patriotique et la vision politique de véritables filles et fils du pays épris de paix et de justice, d'amour et de sagesse, le conflit militaire vous injustement imposé par de puissants intérêts internationaux n’aurait probablement pas connu une fin. Il ne vous aurait même pas permis d’avoir du répit et, par conséquent, pousser un grand ouf de soulagement. En effet, les fameux accords de Lusaka des 30, 31 juillet et 31 août 1999, lesquels ont mis en parenthèse cette guerre ayant malheureusement embrasé la majeure partie de votre territoire national et, surtout, décimé une très grande portion de votre population, sont abondamment inspirés par un plan de paix salvateur. Il sied de mentionner que celui-ci fut incontestablement concocté par la véritable Opposition politique et démocratique. Il importe de relever que cette force est - ce qui est curieux voire révoltant - aujourd’hui complètement marginalisée au sein de toutes Institutions politiques et administratives de l’État grâce à la volonté de puissants intérêts maffieux locaux et étrangers.
Pendant ce temps, les belligérants, d’ailleurs obéissant strictement au doigt et à l’œil de leurs maîtres et sponsors, avaient naturellement réussi à balkaniser votre territoire national en trois entités distinctes. À savoir : le Nord devenu, comme par enchantement, le fief incontesté et incontestable des Mobutistes prévaricateurs dont vous avez récusé, à juste titre, la gestion catastrophique de l’État, l’Ouest dirigé par des mercenaires de tout poil et divorcé d’avec le fameux Gotha international et l’Est visiblement livré aux pires exactions humaines et au pillage macabre des richesses nationales par des soi-disant hérauts de la démocratisation politique et de la libération nationale de la dictature révolutionnaire.
Pendant ce temps, ces apprentis sorciers, devenus pour la circonstance des va-t-en-guerre sans qualification aucune dans l'art martial, avaient néanmoins trouvé une toute autre vocation ou occupation professionnelle. Enfermés dans la spirale d’un conflit armé sans issue et même sans lendemain meilleur pour leurs carrières funestes, ceux-ci s’étaient, très rapidement, convertis les uns en trafiquants certifiés de matières premières et les autres en abominables anthropophages. Cette nouvelle promotion permettait, d’ailleurs, d’alimenter, çà et là, les chroniques d’une guerre atroce, pourtant, délibérément oubliée par l’opinion publique internationale en raison de la trop forte pression exercée sur les médias de masse ou entreprises de presse par les sponsors du génocide en République démocratique du Congo.
Peuple congolais,
Les objectifs du protocole d’accords de Lusaka, du point de vue congolais, et notamment de la véritable Opposition politique et démocratique, consistaient, en réalité, à remettre sur les rails un État visiblement devenu fantôme par la conjonction des volontés internationales et régionales. Ils consistaient, effectivement, à rétablir son autorité doublement politique et administrative sur l’ensemble du territoire et à arrêter l’hémorragie de sa population et de ses immenses richesses matérielles. C’est la raison pour laquelle ils préconisaient, évidemment, le fameux Dialogue entre belligérants, auxquels venaient s’adjoindre, par solidarité et patriotisme, l'Opposition non-armée et non-violente, la Société civile ainsi que les Forces vives de la Nation.
Il convient de mentionner que les pourparlers politiques, d’ailleurs initiés en 2002 et 2003 en Afrique du Sud, n’ont jusqu’à présent pas permis à la République démocratique du Congo de s’émanciper totalement de l’emprise des va-t-en-guerre. Ces négociations pourtant parrainées par des intérêts internationaux mus par l’idée de paix ne lui ont guère permis de se soustraire définitivement au double langage et à la griffe des belligérants. Cela est d’autant plus vrai que ces acteurs qui bénéficient quasiment tous de l’impunité sur le plan international, considèrent dans leur logique vénale ce pays comme un simple marchepied, une sorte de caverne d’Ali Baba. Ils le considèrent comme un gâteau à partager entre groupes maffieux et kleptomanes devant respecter scrupuleusement la part revenant de droit à chacun.
Peuple congolais,
Le fameux processus de Pretoria (2002) et de Sun City (2003) a naturellement créé une classe politique qui ne diffère nullement de l’ordre tyrannique visiblement inspiré par le Mobutisme triomphant. Ce qui n’était, pourtant, point votre vœu, et ce dès le départ. Comme sous l’empire du despotisme éclairé, cette élite compradore, souffrant indéniablement d’atrophie mentale, s’appuie substantiellement sur l’idéologie de la ‘‘Manducation’’ ou ‘‘Manducratie’’ en vue de saper, systématiquement et automatiquement, les fondements d’un État voué au développement économique de la Collectivité publique et au progrès social du Citoyen.
À cet égard, faut-il remarquer, les sujets pratiquement épluchés dans le cadre de négociations politiques intercongolaises, depuis Pretoria et Sun City, relèvent strictement de l’accessoire. Ils sont, réellement, de l’ordre du secondaire, doit-on admettre. En effet, ce qui prime, certes pour l’ensemble des participants à tous ces sommets qui s’enchaînent les uns après les autres, c’est l’éternel partage des postes à la fois gouvernementaux et administratifs. Point autre chose ! À preuve, les tenants de l’ordre issu de Sun City et de Pretoria passent la majeure partie de leurs temps à fabriquer artificiellement des crises. Celles-ci ont, ultimement, pour incidence immédiate la distribution des portefeuilles et la paralysie de l’État logiquement et forcément devenu la vache à lait de la mafia extérieure autant que locale.
Peuple congolais,
Le Dialogue made in Kabila qui s’est tenu, il y a un an, dans un camp militaire de Kinshasa et que l’on cherche par tous les moyens à récidiver, à reproduire de nos jours, en impliquant cette fois-ci directement la vraie Opposition politique et démocratique, en est une parfaite illustration. Sa finalité n’est pas l’avancement positif de la République démocratique du Congo en tant que État indépendant assurant à l'ensemble de sa population la liberté et la démocratie, la dignité et la justice. Loin de là ! Son objectif primordial est, effectivement, le partage des maroquins ministériels dans le strict dessein de continuer à siphonner les finances publiques, à détruire tous azimuts la Nation en tant que groupe politique, communauté vivante et entité unifiée.
Une telle perspective funeste, préjudiciable à la Collectivité publique ne peut que conduire à de vives convulsions relativement à l’absence totale de satisfaction des aspirations populaires. Elle ne peut que logiquement conduire au soulèvement d’une population totalement excédée par les frasques d’un régime totalement aux abois. À terme, une telle courte vue ne peut que forcément mener à une conflagration armée aux conséquences imprévisibles et dramatiques autant pour toute la sous-région de l’Afrique centrale que l’ensemble de la région des Grands Lacs.
Par conséquent, qui a manifestement intérêt à ce que le chaos et l’anarchie puissent s’installer violemment dans cette partie vitale de la planète Terre ?