Dans un État digne et respectable, c'est le droit de vote qui traduit le mieux la démocratie au sens de libre choix des gouvernants.
La démocratie signifie le droit de manifester en faveur de ses opinions les plus légitimes, de défendre pacifiquement ses intérêts primordiaux.
Banqueroute de la Démocratie et strangulation de la Liberté
La traite esclavagiste des ‘‘Citoyens’’
‘‘La démocratie, c’est la liberté de dire qu’on en manque’’
Grégoire Lacroix, Écrivain, journaliste, poète et parolier français, Le Penseur malgré lui, 2012
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
La démocratie en tant que phénomène sociopolitique a fait son apparition au même moment que l’État. Cet autre phénomène sociopolitique se définit comme une entité publique. Celle-ci peut être dirigée par un individu que ses pairs choisissent préalablement pour conduire les affaires de la Cité. Dans cette perspective unique, ses Concitoyens décident de lui déléguer le souverain pouvoir de les sécuriser. Donc, à la base de la démocratie, s’imprime le choix du gouvernant bénéficiant de la confiance de ses égaux dans la société. En d’autres termes, il s’agit d’un être humain jouissant de l’onction populaire via le fameux phénomène électoral du suffrage universel.
Ce choix s’opère, en fait, librement. C’est-à-dire : ‘‘sans contrainte morale’’ et ‘‘sans entrave matérielle ou physique’’. En d’autres termes, la démocratie postule en vérité un choix exercé sans pression aucune. Donc un choix indubitablement éclairé. Somme toute judicieux. Après une réflexion mûrement approfondie. Comme l’exige, d’ailleurs, le principe fondamental de cette opération électorale et démocratique, eu égard à la notion de compétition idéologique ou de concurrence politique.
Il sied de relever que la démocratie repose substantiellement sur la notion de marchandage. Donc, à la base de ce phénomène sociopolitique, il y a la règle ‘‘mercantile’’ de négoce ou de deal commercial entre le pouvoir sensé assurer tous azimuts la sécurité à l’ensemble de la population et le Citoyen transformé en sujet des droits humains fondamentaux et libertés publiques. En échange de sécurité en termes de services publics octroyés aux sujets de l’État, celui-ci participe activement à la défense et au rayonnement de l’État en tant que Collectivité publique. Il participe, donc, à sa prospérité et à sa grandeur (splendeur) en tant que Maison commune. Pour ce faire, celui-ci acquitte des charges lui juridiquement dévolues en termes d’imposition fiscale et parafiscale.
Le choix du Citoyen porté sur le gouvernant s’opère à travers un mécanisme démocratique qualifié de votation. Pour jeter son dévolu sur un candidat précis, une liste de concurrents lui est présentée dans le cadre de la compétition électorale. Son rôle primordial consiste donc à départager les concurrents en tant qu’arbitre. Cet exercice démocratique fait éminemment de lui le juge de la compétition électorale. Ici, il est question de la concurrence et non point du contentieux qui relève du seul juge. C’est-à-dire : un magistrat qui siège solennellement dans une cour appartenant à un ordre juridique et institutionnel, manifestement doté d’un pouvoir de coercition et de sanction légale.
Pour arbitrer ce combat électoral opposant plusieurs formations politiques par le biais de leurs représentants, le Citoyen se pose, normalement, la question de savoir lequel des partis visiblement engagés dans la lutte électorale est à même de défendre réellement ses intérêts primordiaux. C’est-à-dire : ‘‘ses droits légitimes en qualité d’individu ou d’être humain mais également en tant que membre d’une corporation ou d’une communauté’’. Ce dernier a-t-il vraiment toujours des réponses claires à cette question ?
Dans le contexte de la pratique politique manifestement fondée sur la confusion idéologique et la pollution médiatique savamment entretenue par les détenteurs du pouvoir, quel qu’il soit, il n’est pas du tout garanti que le Citoyen devenu arbitre dispose de tous les atouts pour mieux déchiffrer les discours partisans et décrypter leur représentation idéologique. Et, par voie de conséquence, il n’est véritablement point acquis que celui-ci maîtrise parfaitement tous les enjeux fondamentaux d’une campagne électorale.
Cela est d’autant plus vrai que toutes les entreprises partisanes activement engagées dans la course électorale tiennent, en vue d’engranger des voix et, ainsi, satisfaire un vaste électorat, bon nombre de promesses politiques qu’elles n’honorent malheureusement pas une fois aux manettes de l’État. Cela est d’autant plus vrai que, depuis le démantèlement du communisme dont la traduction factuelle est la démolition du mur de Berlin, il n’existe pratiquement plus de fracture idéologique ou de fossé politique béant entre les différentes formations partisanes. Cet abattage ou cette chute du mur de la honte a eu pour corollaire immédiat la transformation de la politique en un vaste marché de dupe où la totalité des vendeurs patentés proposent pratiquement, et comme par miracle d’ailleurs, le même produit. Mais sous des appellations différentes…
Avant l’avènement du mur de Berlin, il y avait déjà deux tendances idéologiques aux points de vue somme toute irréconciliables. Celles-ci s’affrontaient violemment. Elles guerroyaient au péril même de leurs adhérents ou militants. D’un côté, la droite s’appuyant sur la religion, la famille et le travail en tant que moteur de la société. Et, de l’autre, la gauche progressiste dont le discours reposait substantiellement sur la solidarité des travailleurs, la fraternité universelle des peuples, le partage équitable des richesses au sein de la société, ainsi que l’octroi des droits sociaux aux plus démunis ou plus défavorisés. Force est d’admettre que ce pan constitue à lui tout seul la très vaste majorité de la population.
Après la fameuse ‘‘chute du mur de Berlin’’, la gauche en tant que tendance idéologique et discours politique a complètement disparu des radars politiques et médiatiques. Elle a, donc, complètement disparu de l’espace national. Il y a lieu de reconnaître que cette idéologie d’antan portée aux nues par des masses laborieuses ne fait pratiquement plus recette dans l’univers public et étatique. Ce courant, pourtant dominant à une certaine époque, ne laisse plus place de nos jours qu’à la droite. Toutefois, cette tendance idéologique qui s’accapare, gloutonnement, à elle seule, le marché politique, connaît également à son tour un phénomène d’émiettement.
En effet, la droite classique connaît un éclatement entre deux tendances. D’une part, la droite néolibérale qui défend énergiquement les détenteurs des moyens de production considérés urbi et orbi comme les seuls et uniques garants de la puissance et de la sécurité de la Nation. D’autre part, l’extrême-droite dont le discours idéologique est certes la défense de la Nation. Celle-ci est sustentée par l’exaltation de la pureté raciale au sens phénotypique du terme et la promotion de la pureté civilisatrice qui doit irrémédiablement entacher la culture en tant que tradition et morale dans la société.
En d’autres termes, le fonds de commerce de ce courant à la fois politique et idéologique est l’immigration. Ce phénomène de déplacement massif d’individus ou de populations en quête de liberté ou d’abri à l’échelle du globe terrestre est, d’ailleurs, présenté à l’opinion publique comme une invasion de la Nation. Cet envahissement préjudiciable s'opère par le truchement des hordes d’étrangers qu’il faut, selon cette logique de la défense nationale, pratiquement exclure, et au besoin même éradiquer, sous peine de disparaître complètement en tant que groupe social, culturel et humain.
Dans cette chasse au migrant dépeint comme la source de tous les problèmes voire dysfonctionnements de la société, dans cette farouche volonté de gommer l’immigration, il y a, certes, l’idée de ne pas corrompre tous azimuts la ‘‘race’’ et de ne pas bouleverser ou tuer la ‘‘culture’’.
Remplaçant les communistes et les socialistes dans leur mission de défense des travailleurs opprimés par l’élite économique soutenue par la classe dirigeante, l’extrême-droite dénonce virulemment les politiques néolibérales. Celles-ci ont pour effet d’enrichir scandaleusement les riches entrepreneurs, et ce au détriment de la Collectivité publique. Aussi ont-elles pour effet d’appauvrir outrageusement les masses populaires et nationales. Elles ont, en effet, pour corollaire immédiat de réduire les sans-dents au niveau de laissés pour compte par un système économique dont l’injustice n’a vraiment d’égale que sa propension à produire de façon criante et épouvantable la ‘‘pauvreté’’, la ‘‘misère’’ infrahumaine ou les ‘‘inégalités’’ sociales.
En effet, dans le nouveau régime néolibéral où le patron est le véritable roi, et tandis que le titulaire du pouvoir de l’État, quoi que élu par ses pairs citoyens, est son écuyer, on assiste rien de moins qu’au recul permanent de l’État qui, pourtant, garantit l’intérêt général. Cette démission s’opère au profit exclusif du grand patronat. On assiste au démantèlement de divers programmes sociaux qui favorisent, cependant, la resocialisation des plus démunis et des plus défavorisés. On assiste, surtout, au démantèlement des services publics au nom de l’orthodoxie fondée substantiellement sur la rentabilité économique. Au nom de ce principe de profitabilité économique, leur gestion jugée certes déficitaire par les tenants du pouvoir est carrément confiée à des entreprises privées dont la seule et unique préoccupation est le gain économique, dont le seul et unique souci est l’accroissement du pouvoir financier.
Le propre du néolibéralisme est, n’en point douter, l’affaiblissement, puis le démantèlement tous azimuts, de l’État et de la démocratie. Ces deux phénomènes sociopolitiques sont en fait interprétés et, surtout, jugés comme de sérieux et graves obstacles à son expansion autant internationalement que localement. En effet, le régime néolibéral doit normalement, en vue d’asseoir sa suprématie dans la société, ôter impérativement à la démocratie sa dimension de justice sociale et économique. Ce système dont la perversité n’a d’égale que sa toxicité doit immanquablement, dans le but d'affirmer sa toute-puissance, ôter à l’État sa dimension d’intérêt général. Sinon, il ne peut ni s’imposer aisément ni crier très largement victoire.
En effet, la démocratie a été instaurée dans le but de faire de l’être humain le seul acteur de sa destinée. De ce point de vue, il est plutôt question d’un individu responsable puisque doté de jugement et, par voie de conséquence, doté de raison éclairée. Il s’agit, donc, d’un individu qui pose des actes par conviction. Donc un individu qui marche d’un pas évidemment décidé. Il ne s’agit point d’un individu qui a un comportement dicté par le brouillard de la confusion.
Ce phénomène sociopolitique procède normalement de ce principe cardinal que l’Homme est un être majeur. Il dérive de cette idée fondamentale qu’un individu définit son destin en fonction de ses intérêts légitimes. Toutefois, cet idéal progressiste a été totalement détourné de ce fondement et de cette vision, dès la mise en orbite de grandes révolutions politiques et sociales de la fin du 18è siècle.
Dans leur marche, tous ces grands mouvements historiques ont, en effet, reconnu que l’être humain ne pouvait totalement s’autogouverner. Pour ce faire, celui-ci avait nécessairement besoin, tel un pupille, d’un tuteur politique dont la mission consisterait certes à prendre des décisions à sa place, à arrêter des choix pour lui. À l’image d’un parent voire même de toute personne adulte qui agirait exactement pour sa propre progéniture ou des individus placés sous son autorité immédiate. Ce régime confiscatoire des libertés publiques et des droits fondamentaux s’appelle de façon politiquement correcte la ‘‘Représentation nationale’’.
En effet, le propre de la fameuse Représentation nationale est de décider d’autorité de tout ce qui affecte le Citoyen, de tout ce qui participe visiblement de son épanouissement. Celle-ci décide de tout ce que les individus mangent à table ou dans un restaurant, boivent dans un bar ou bistrot, portent sur leurs corps, lisent à l’école et au cours de leurs hobbies, regardent à la télévision ou voient au cinéma. Comble, elle décide même de la manière dont le commun des mortels doit se marier, faire l’amour et élever des enfants… Bref, elle décide des valeurs autant morales et spirituelles que matérielles et intellectuelles auxquelles doivent croire les citoyens et des principes qui doivent normalement les guider dans la vie quotidienne.
Sur le plan international, la démocratie est un vœu pieu et la liberté une véritable chimère. Bien évidemment, censée promouvoir éminemment la liberté qui occasionne le bonheur de l’individu voire même l’épanouissement des communautés, elle se veut plutôt un discours foncièrement creux. À ce niveau, cette thématique quoi que associée au discours civilisateur est pourtant l’arbre qui cache à vrai dire la forêt de mauvaises intentions de la part de leurs initiateurs ou promoteurs. En effet, celle-ci est plutôt usée en vue de placer strictement sous tutelle économique et politique des territoires entiers.
Sous prétexte de promouvoir le pluralisme politique et idéologique, entre autres dans des pays du Tiers-Monde, la démocratie libérale ne favorise rien de moins que l’avènement des régimes politiques par essence faibles et corrompus, éloignés de préoccupations populaires. Ces pouvoirs souventes fois illégitimes sur le terrain national transforment généralement les territoires qu’ils dirigent en comptoirs marchands ou en concessions d’exploitation minière ou naturelle pour les Transnationales. Bien entendu sans aucune garantie de développement économique ou de progrès social. L’exemple-type de cette vision suicidaire qui relève, à n’en point douter, substantiellement, de la supercherie est sans aucun doute l’Afrique, l’Amérique latine ou l’Asie.
Comme quoi l’homme est un loup pour l’homme. Tout ce qui l’intéresse, c’est la domination de l’autre, son prochain, qu’il réduit au rang inférieur d’animal afin de se donner largement une bonne conscience de grandeur et de puissance. Tout ceci à quel prix ?
Ce qui est clair, la citoyenneté démocratique qui fait que l’individu soit un véritable sujet des droits humains fondamentaux et des libertés publiques se réduit davantage. Dans l'univers politique, ce phénomène se déroule au même moment que l’espace démocratique disparaît peu à peu comme une peau de chagrin. Cette citoyenneté démocratique est de plus en plus remplacée par la citoyenneté économique. D'ailleurs, celle-ci réduit systématiquement et automatiquement l’individu à qui l’on fait peser de lourdes charges fiscales et parafiscales au niveau de simple consommateur afin de faire fonctionner l’économie, de doper à tout prix la consommation.
Cela est d’autant plus vrai que les réels citoyens en démocratie sont, de nos jours, les banques et les entreprises. Ces corporations économiques et financières qui bénéficient des largesses fiscales, disposent, en effet, de tous les droits. Y compris celui de faire faillite et de se faire renflouer très rapidement par des États et gouvernements. Sans compter qu’elles ont le droit de se comporter en assisté social par le jeu des subventions décrétées pour elles par les régimes en place et tirées de revenus résultant d’augmentation des impositions fiscales infligées aux personnes privées.
Vive la démocratie !
Force est de constater que ce régime politique est, en effet, considéré par les experts en droit et en politologie comme le moins mauvais des systèmes politiques.
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
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