Après le prononcé du verdict de culpabilité par le jury, l’ex-constable de Minneapolis Derek Chauvin est sorti menotté dans le dos de la cour d’assises.
Guilty
Derek Chauvin reconnu ‘‘coupable’’ du meurtre de George Perry Floyd
Par Joël Asher Lévy-Cohen
Au terme d’un procès qui a mobilisé une couverture médiatique sans précédent et, surtout, tenu en haleine les États-Unis pendant trois semaines, l’ex-constable de police de Minneapolis Derek Chauvin a été finalement reconnu coupable de meurtre au second degré et d’homicide involontaire sur la personne de George Perry Floyd par le jury du comté de Hennepin.
À cet effet, l’ex-policier qui est sorti menotté de la cour d’assises, encourt 12 ½ ans de prison selon la législation moins contraignante de l’État du Minnesota.
Cette peine pourrait être aggravée si le Juge Peter Cahill de la Cour de Hennepin estime dans son pouvoir qu’il existe bel et bien des circonstances aggravantes à charge de l’ex-policier.
Toutefois, le prononcé de cette sentence par le magistrat interviendra dans les jours ou semaines à venir.
Dans ce procès où la dynamique raciale était, sans l’ombre d’un doute, partie prenante, le jury chargé de déterminer le sort peu enviable de l’ex-constable était composé de 6 Blancs caucasiens, 4 Africains-américains et 2 personnes métissées[i].
Réparti de manière assez équilibrée dans les différentes tranches d’âge, le jury qui a, réellement, mis moins de 24 heures pour délibérer et arriver à un verdict unanime, a pratiquement suivi à la lettre le réquisitoire du ministère public (Steve Schleicher et Jerry Blackwell).
Au cours de ce procès manifestement émouvant où la très grande majorité des témoins appelés à la barre ne cessaient d’accabler Derek Chauvin, les procureurs ont naturellement estimé que ‘‘l’ex-constable dont le comportement professionnel a été, à maintes reprises, remis en cause dans diverses affaires de violence policière, avait largement outrepassé la loi’’. Aussi ont-ils estimé que l’accusé avait, surtout, enfreint de manière non seulement outrancière mais délibérée les règles en matière d’intervention et d’interpellation en situation de crise’’.
Dans les circonstances ayant fatalement entraîné la mort de George Perry Floyd soupçonné d’avoir écoulé un faux billet de 20 $ dans une supérette, les magistrats de la poursuite ont jugé que ‘‘Derek Chauvin avait utilisé une force excessive voire même non nécessaire en vue de maîtriser la victime effondrée sous la pression de son genou lourdement exercée sur le cou de celle-ci, et l’empêchant ainsi de respirer convenablement’’.
Cela est d’autant plus vrai que George Perry Floyd très solidement maîtrisé à terre par deux autres constables, d’ailleurs licenciés par la Municipalité de Minnesota, – Alexander Kueng, Thomas Lane – a bel et bien crié [27 fois] et d’une voix complètement étouffée : ‘‘ I Can’t Breathe’’[ii].
Le ‘‘procès pour complicité de meurtre’’ de ces deux autres ex-policiers de carrière et équipiers de Derek Chauvin, y compris un troisième également impliqué – Thou Tao[iii] – dans ce meurtre sordide qui a révolté la majorité des Américains, interviendra, sans nul doute, en août prochain.
Ce qui est sûr et certain, malgré les nombreuses supplications de la victime en plein étouffement, et jusqu’à son agonie, à son tout dernier souffle, Derek Chauvin n’a jamais fait preuve de moindre compassion, ni de remords. Durant toute son intervention sujette à caution, il était resté glacial, de marbre.
Pendant neuf minutes, le policier a même continué, comme si de rien n’était, à presser son genou sur le cou de sa victime visiblement évanouie, sans véritablement se soucier de son état de santé physique.
Pourtant, en ce moment tragique, George Perry Floyd nécessitait un massage cardiaque au titre de réanimation. Chose que le constable en service a ‘‘pleinement’’ et ‘‘consciemment’’ refusé à accomplir avant, pendant et après l’arrivée des ambulanciers.
Cette attitude inexplicable de Derek Chauvin a été jugée par les procureurs du comté de Hennepin non seulement de négligence criminelle ayant entraîné la mort de la victime mais de déshonneur à l’endroit même de l’uniforme des policiers, d’affront à la police.
Dans ce procès qui consistait à séduire par des arguments choc les 12 jurés, Me Eric Nelson a tenté le tout pour le tout en vue de faire croire que George Perry Floyd aurait succombé non pas à la suite de l’intervention musclée du policier Derek Chauvin mais plutôt à la suite de la consommation des drogues dures [iv] - auxquelles la victime était pratiquement accro – conjuguée à des défaillances cardiaques.
Cet avocat expérimenté a, à maintes reprises, insisté que son client, pourtant accablé par bien des témoignages émanant des spécialistes et collègues, avait eu un comportement irréprochable[v] dans ces circonstances tragiques.
Ce qui est clair, le verdict du jury au procès de l’ex-policier Derek Chauvin devrait avoir pour effet de dissuader énormément les forces constabulaires dans leurs interactions avec les Citoyens et, surtout, membres de minorités visibles.
En effet, il est de notoriété publique que les policiers aux États-Unis, généralement des constables blancs, abusent outrageusement de leurs pouvoirs face aux minorités. Ils tendent à les maltraiter, à les opprimer sauvagement parce qu’ils ont nettement l’assurance de ne pas être poursuivis ni condamnés devant la justice dès lors que leur responsabilité est sérieusement mise en cause.
Il y a lieu de mentionner qu’un tel verdict de culpabilité à l’encontre d’un policier blanc qui a, sans appel, brimé les droits d’un citoyen africain-américain, a été rendu possible dans un État plutôt réputé ultraprogressiste, à plus forte raison démocrate.
Cependant, qu’en sera-t-il vraiment des États ultraconservateurs et, de surcroît, postesclavagistes, républicains par nature, où la justice et la police en tant qu’institutions publiques sont fortement noyautées par des intérêts obscurs et forces d’extrême-droite ?
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
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[i] 7 femmes et cinq hommes.
[ii] Je ne peux pas respirer.
[iii] Il s’est limité à disperser les foules.
[iv] Le fentanyl, un opiacé, et la méthamphétamine, un stimulant.
[v] Il a effectivement utilisé plusieurs fois le terme ‘‘raisonnable’’ pour qualifier l’attitude professionnelle du policier face à cet événement tragique.