Depuis le jeudi 24 février 2022, la Russie a décidé d'envahir militairement le territoire de l'Ukraine. L'objectif de cette opération militaire qualifiée par l'Occident (pays membres de l'OTAN et de l'Union européenne) d'agression physique d'un État démocratique est la dénazification. C'est-à-dire : l'épuration des milices d'extrême droite qui noyautent les forces armées ukrainiennes et parasitent le fonctionnement du pays. Ce qui est clair, l'intervention militaire russe résulte de l'incapacité de l'Ukraine à bâtir un État-Nation fort de l'intérieur et libre de l'extérieur. Un État-Nation substantiellement fondé sur un vivre-ensemble collectif qui cimente les relations intercommunautaires et favorise la paix et l'harmonie, la fraternité et la solidarité entre ses différentes communautés.
Le conflit russo-ukrainien
Quelles répercussions en Afrique ?
‘‘Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui souffrent.’’
Jean-Paul Sartre
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Depuis le jeudi 24 février 2022, la crise russo-ukrainienne dont les tensions exacerbées par les différentes parties protagonistes[i] ont véritablement atteint leur paroxysme et, surtout, un point de non-retour, a finalement emprunté la voie étroite de la conflagration armée. Sur le terrain des hostilités, bien entendu armées, cette confrontation militaire est très nettement marquée par l’invasion de l’Ukraine – un État pourtant souverain et indépendant sis au cœur du continent européen – par des troupes russes au motif – oh ! Combien noble – de démilitarisation des factions extrémistes et de dénazification des pans entiers structurels ou institutionnels de l’État ukrainien. Si le conflit russo-ukrainien produit, incontestablement, des effets nocifs en Europe avec la mise en péril du marché ‘‘gazier’’ et ‘‘pétrolier’’ et – aussi la volatilité du secteur économico-financier –, quelles répercussions pourrait-elle manifestement avoir par ricochet cette crise militaire sur le continent le moins nanti du monde entier qu’est, certes, l’Afrique[ii] ?
Force est de souligner que l’Ukraine est, par essence, un État européen directement issu de décombres de l’ancienne union des républiques socialistes et soviétiques (URSS). Cette entité étatique a, donc, vu le jour lors du démembrement de ce mastodonte communiste dont le certificat de décès est corroboré par le démantèlement du régime ‘‘verrouillé’’ des soviets par Mikhail Sergeyevich Gorbachev et la fin du collectivisme idéologique ou socialisme scientifique. Il sied de relever que ce jeune et nouvel État ukrainien qui émerge dans le sillage de la chute du mur de Berlin, ne diffère pratiquement point de la plupart des États du Tiers-Monde, entre autres des pays africains directement issus de la fameuse décolonisation des années soixante.
En effet, l’Ukraine contemporaine est, par définition, un État ‘‘plurinational’’. Ce pays de l’Europe orientale, à plus forte raison slave, est, par nature, un État composite. C’est-à-dire : Un État composé d’éléments variés et différents. En l’occurrence des communautés humaines dont les cultures et les mentalités puisent leurs racines dans des traditions fort contrastées[iii]. Donc, l’Ukraine est, à vrai dire, ‘‘une entité publique qui renferme maintes composantes sociologiques’’. Celles-ci font réellement d’elle une mosaïque de cultures et de traditions, un kaléidoscope de Peuples et Nations.
En d’autres termes, l’Ukraine s’avère un patchwork national. Elle se veut un assemblage artificiel de Peuples qui vivent également dans des pays frontaliers. Parmi ces Peuples et Nations qui composent cet État convoité par des intérêts divergents, l’on distingue des Polonais concentrés à l’Ouest, des Hongrois magyars au Sud, des Ukrainiens, par essence autochtones du pays, au Centre, ainsi que des populations russophones ou russophiles au Nord-est, à l’Est et au Sud-Est.
Délimitations territoriales et existence des communautés transnationales
Cette répartition nationale de différents Peuples ukrainiens sur le sol territorial pose, en réalité, la problématique des frontières. Celle-ci peut aisément devenir une poudrière à la fois politique et sociale lorsque moult minorités vivant dans les périphéries revendiquent sans complexe et sans retenue leur appartenance culturelle au sein de pays limitrophes. C’est ce cas de figure qui est, visiblement, arrivé à l’Ukraine dès lors que les minorités russophones ou russophiles du Nord, du Sud et de l’Est se sont senties complètement rejetées par des politiques publiques tout à fait discriminatoires[iv], d’ailleurs, pratiquées sans états d’âme par le gouvernement de Kyïv[v].
Ce qui est clair, tous ces aspects ‘‘politiques’’ et ‘‘sociologiques’’ du conflit russo-ukrainien relatifs aux ‘‘bornes territoriales’’ et à la ‘‘présence physique’’ des minorités linguistiques et périphériques caractérisent bon nombre d’États africains. Ce qui entraîne logiquement que la très grande majorité de ces pays dont les limites ont été, d’ailleurs, définies par les puissances coloniales européennes, ne sont pratiquement pas à l’abri d’une crise de cette envergure ou d’un conflit militaire dicté par les mêmes motivations ou prétentions. Il ne fait aucun doute que bien des États d’Afrique dont les communautés ethniques et tribales vivent à cheval entre divers territoires voisins, suivent de très près la crise militaire russo-ukrainienne et ses différentes phases ou évolutions dans le temps.
De l’issue de ce conflit armé meurtrier dépend forcément et logiquement le comportement d’une kyrielle de pays africains dont les appétits territoriaux – à la limite [gloutons] – ne sont pas du tout à négliger sur le Continent. De l’issue de cette intervention militaire russe dépend, naturellement, l’attitude de bien des États d’Afrique dont les communautés physiquement installées dans les diverses contrées voisines présentent des revendications identitaires foncièrement aiguës[vi]. Ces doléances pointues sont évidemment susceptibles de modifier substantiellement la cartographie du Continent et, par voie de conséquence, les bornes territoriales. Comme quoi le conflit russo-ukrainien peut assurément avoir de profondes répercussions pour l’Afrique dans la mesure où cette crise violente implique les frontières en tant que limites territoriales et également la présence matérielle de diverses communautés transnationales qui ont, en vérité, de sérieux différends politiques avec un État central.
En effet, l’existence des populations transnationales sur un territoire déterminé, d’ailleurs compromise par l’oppression musclée ou écrasée par des politiques d’exclusion arbitraire, peut générer de très fortes tensions entre deux pays limitrophes. Ces frictions dépendent généralement des liens affectifs et des discours nationalitaires entretenus par instinct de survie par ces différentes communautés avec un État tiers ou intéressé. Dans le cas très particulier et très singulier de l’Ukraine dont le pluralisme est culturel, c’est bel et bien ‘‘la politique discriminatoire d’ukrainisation tous azimuts des minorités culturelles et linguistiques, a fortiori russes, qui a mis le feu aux poudres’’.
À ce niveau, des parallélismes peuvent être évidemment établis avec le continent africain. Des similarités peuvent être dégagées, soulignées, avec des drames vécus par des groupes africains affectés négativement par des politiques d’exclusion ou d’assimilation forcée. En effet, la marginalisation politique, économique et sociale des communautés culturelles ou linguistiques installées dans un pays donné peut fort aisément dégénérer en guerre civile. C’est, certes, l’exemple du Cameroun qui a dernièrement connu de sérieuses frictions avec les populations anglophones de l’Ouest. En réalité, ces groupes ethnoculturels se sentent beaucoup plus proches du Nigeria : Un pays de surcroît limitrophe et puissant, qui lorgne cette partie du Cameroun en raison de ses ressources vitales, matérielles dont le pétrole.
Par ailleurs, la stigmatisation de certaines groupes ethniques ou tribaux peut facilement entraîner la détérioration des rapports de bon voisinage entre deux États. C’est, bien sûr, l’exemple de la République démocratique du Congo. Ce pays à la fois géant et richissime de l’Afrique centrale et de la région des Grands Lacs africains a visiblement maille à partir avec les populations nilotiques – communément appelées ‘‘tutsies’’ ou ‘‘banyamulenge’’ –. Celles-ci sont, d’ailleurs, établies depuis de nombreuses années dans l’Est du territoire national.
Il convient de mentionner que l’exacerbation de cette crise politique, sociale et culturelle entre ressortissants autochtones et sujets allophones en République démocratique du Congo a provoqué à maintes reprises l’intervention militaire – ‘‘déguisée’’ ou ‘‘réelle’’ – du Rwanda limitrophe duquel sont pratiquement originaires ces communautés tutsies autrement désignées ‘‘Banyamulenge’’. Ce qui a plus que contribué à son aggravation sur le terrain ! Ce qui a plus que contribué à la pollution générale des relations politiques et diplomatiques entre des États de la région des Grands Lacs africains.
C’est pour dire que la crise russo-ukrainienne peut inspirer bon nombre de pays africains tentés de résoudre des conflits acerbes qui impliquent des communautés transnationales. Force est de constater que pour apaiser littéralement des tensions intercommunautaires en Ukraine, le conflit russo-ukrainien a préalablement fait l’objet de maintes négociations politiques et diplomatiques. Celles-ci ont, finalement, abouti à la conclusion de fameux accords de Minsk (Biélorussie)[vii], d’ailleurs, garantis par le Format de Normandie[viii].
Il importe de noter que ces arrangements de Minsk, d’ailleurs, officiellement paraphés en 2014 et 2015 accordent une autonomie aux Oblasts ou provinces rebelles de Donetsk et de Lougansk. Ceci revient à dire que dans le cadre de ces ententes jamais appliquées à ce jour, ‘‘ces deux Républiques séparatistes de la région industrielle du Donbass font encore partie intégrante de l’Ukraine postsoviétique’’. Cela signifie que l’Ukraine conserve toute son intégrité physique. Elle conserve l’entièreté de son immense territoire.
Cependant, dans le contexte très certainement aigu de la conflagration armée actuelle qui a résolument poussé la Fédération de Russie à ‘‘reconnaître formellement l’indépendance politique de ces deux entités séditieuses’’, cela signifie que ‘‘les deux Oblasts de Donetsk et de Lougansk ne font effectivement plus partie de l’Ukraine’’. Ce sont à part entière des Républiques indépendantes et souveraines. À cet effet, elles ne dépendent formellement plus de Kyïv. Dans cette manière d’interpréter bien sûr la réalité politique sur le terrain, l’Ukraine aurait, donc, subi fort littéralement un véritable ‘‘processus de démembrement de ses régions utiles et prospères. Elle aurait, donc, subi un ‘‘mécanisme de balkanisation territoriale[ix]’’.
Ce qui est, dans l’esprit africain, tout à fait contraire à la charte de l’Unité continentale adoptée en 1963 à Addis-Abeba, la capitale politique et administrative de l’Éthiopie. En effet, ‘‘ce texte de référence idéologique et doctrinale en matière de frontière ou de délimitation territoriale proclame, expressément, « l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation » en vue de garantir pleinement la sécurité et la stabilité, l’harmonie et la paix sur l’ensemble du Continent’’.
Comme toute crise majeure qui met réellement aux prises deux entités étatiques ou deux collectivités nationales, le conflit militaire russo-ukrainien a rapidement généré à l’échelle du globe terrestre deux camps de partisans favorables aux belligérants. D’un côté, les pro-Ukrainiens. Ce bloc est piloté par l’Occident chrétien sur lequel viennent sans conteste se greffer bon nombre de pays asiatiques rompus au capitalisme économico-financier et convertis au libéralisme démocratique[x].
Et, de l’autre, les pro-Russes. Font généralement partie de cette famille d’anciens États ou des ex-membres du bloc de pays non-alignés. Ceux-ci sont réputés fortement opposés voire considérés totalement réfractaires aux intérêts occidentaux pour leur propension à écraser sans états d’âme les pays du Tiers-Monde. En d’autres termes, ce conflit militaire qui met, certes, en lumière le choix cornélien entre l’unilatéralisme et le multilatéralisme, a fait remonter à la surface la logique binaire de la guerre froide issue de l’ordre bipolaire de Yalta.
L’Afrique à l’épreuve du choix entre ‘‘Unilatéralisme’’ et ‘‘Multilatéralisme’’
Dans ce contexte idéologique d’opposition viscérale et guerrière entre ‘‘Unilatéralisme’’ et ‘‘Multilatéralisme’’, l’Afrique vraiment soucieuse de définir sa place dans le concert des Nations, est finalement obligée de déterminer les termes exacts de son ‘‘indépendance politique et économique’’ autant que sociale et culturelle. Ce qui implique forcément et logiquement le choix d’un camp[xi]. Et le simple fait de jeter son dévolu sur un bloc ou de prendre fait et cause pour un belligérant entraîne, par conséquent, son lot de sanctions contre l’Afrique. En réalité, celles-ci peuvent carrément prendre la forme de remontrances ou de pressions ‘‘politiques’’ et ‘‘diplomatiques’’[xii], tout comme de mesures de rétorsion, de représailles ou menaces de représailles[xiii].
En d’autres termes, le conflit militaire russo-ukrainien est utilisé par les pays occidentaux membres de l’OTAN et de l’Union européenne comme une opportunité à la fois politique et diplomatique d’appliquer des sanctions contraignantes contre des États qui s’écartent ouvertement de leur vision sur l’agression russe contre l’Ukraine. Cette crise est érigée en levier de sanctions économiques non point seulement contre la Russie en tant que pays agresseur de la souveraineté ukrainienne mais également contre des pays qui refusent de condamner le geste répréhensible de la Russie sur le terrain du droit international.
En d’autres termes, le conflit russo-ukrainien devient un instrument de sanction politique et diplomatique permettant aux pays membres de l’OTAN et de l’Union européenne de s’ingérer de manière scandaleuse dans les affaires intérieures d’un État indépendant et souverain. Cette attitude outrancière de l’Occident chrétien est idéologiquement dictée par le principe, d’ailleurs, biblique et, surtout, cher au républicain George Herbert Walker Bush Jr lors de l’invasion de l’Irak : ‘‘Qui n’est pas avec nous est contre nous[xiv].’’.
[i] État ukrainien appuyé diplomatiquement et techniquement par les États-Unis, l’OTAN et les États membres de l’Union européenne (UE) d’une part. Et, d’autre part, les séparatistes jusqu’au-boutistes de la région du Donbass soutenus logistiquement et techniquement par la Russie,
[ii] Cette crise russo-ukrainienne est, d’ailleurs, fabriquée de toutes pièces par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Union européenne (UE) dans le dessein de punir sévèrement la Russie pour avoir comploté contre les pays occidentaux libres et démocratiques. Pour les États-Unis, il est plutôt question de mettre totalement à genoux Moscou pour avoir gravement porté atteinte à la démocratie électorale américaine. En effet, Washington accuse l’ours russe d’avoir manipulé les résultats de l’élection présidentielle de novembre 2016 ayant porté au pouvoir le républicain Donald John Trump Sr.
[iii] L’Ukraine s’inscrit normalement dans la sphère d’influence religieuse et spirituelle orthodoxe. En effet, plus de deux tiers d’Ukrainiens sont rattachés à l’une des branches de la famille orthodoxe (25 % de la population adhère plutôt au Patriarcat de Kyïv, 21,5 % se dit orthodoxe, 15 % revendique très ouvertement son affiliation au Patriarcat de Moscou et 1,8 % à l’Église autocéphale ukrainienne) [Source Wikipédia]. Mais, à l’intérieur de sa population, il y a des proportions non négligeables de catholiques. Ce qui rapproche manifestement ce pays d’Europe orientale du reste de l’Europe occidentale très nettement marquée par le catholicisme latin ou romain et le protestantisme luthérien ou calviniste.
[iv] L’Ukrainisation forcée des minorités russes ou russophones par le refus catégorique de parler la langue russe ou la langue maternelle.
[v] Outre l’adhésion politique et militaire à l’OTAN et le refus des candidats russophones ou russophiles à la magistrature suprême, c’est ce comportement ostracisant, faut-il préciser, dans le chef des autorités ukrainiennes à la fois politiques et gouvernementales qui est à la base des frictions politiques et militaires entre Kyïv et les séparatistes du Donbass – les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk – soutenus logistiquement et techniquement par la Russie.
[vi] La question casamançaise au cœur des relations tendues entre le Sénégal et la Gambie; la présence des minorités tutsies banyamulenge dans l’Est de la République démocratique du Congo et l’interventionnisme militaire du Rwanda; l’attachement des populations anglophones du Cameroun occidental au Nigeria.
[vii] Les accords de Minsk ont été signés en 2014 par l’Ukraine (le président Leonid Koutchma), la Russie (l’ambassadeur près l’Ukraine Mikhaïl Zourabov, les Oblasts de Donetsk (le premier ministre Alexandre Vladimirovitch Zakhartchenko) et de Lougansk (Igor Plotnitski), ainsi que le Représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Mme Heidi Tagliavini, l’envoyée spéciale suisse de l’OSCE. Ces ententes ficelées qui, normalement, prévoient dans leur mouture un cessez-le-feu, accordent, en principe, une autonomie provisoire aux provinces séparatistes. Tous ces arrangements ont été complétés ultérieurement par un autre protocole signé également à Minsk en 2015
[viii] Rencontre diplomatique qui encadre et accompagne les phases de pourparlers de paix devant aboutir à la signature et la consolidation des accords de Minsk. Ce format réunit le Français François Gérard Georges Hollande, l’Allemande Angela Dorothea Merkel Krasner, le Russe Vladimir Vladimirovitch Putin et l’Ukrainien Petro Oleksiyovych Poroshenko.
[ix] Force est d’admettre que ces deux républiques fantoches n’ont pas été formellement reconnues par la très grande majorité des États siégeant normalement à l’Organisation des Nations unies (ONU).
[x] Japon, Corée du Sud et Taiwan.
[xi] 28 pays africains ont ouvertement condamné l’invasion de la Russie en Ukraine, 17 se sont clairement abstenus et 8 n’ont même pas voté. Lire à cet effet Guerre Ukraine - Russie : les États-Unis critiquent la neutralité des pays africains, BBC News Africa, Internet, 18 mars 2022. https://www.bbc.com/afrique/monde-60791431.
[xii] Annalena Baerbock, la Ministre allemande des Affaires étrangères, a fait un déplacement à Bamako pour demander officiellement aux autorités politiques et gouvernementales du Mali de couper tout lien, fût-il militaire, avec la Russie. Cette attitude ‘‘brutale’’ de la diplomatie allemande constitue sans nul doute un exemple flagrant d’immixtion dans les affaires intérieures d’un État souverain et indépendant.
[xiii] Pressions ou menaces de représailles diplomatiques de l’Union européenne (UE) envers des pays africains qui ont un penchant avéré pour Moscou ou qui ont très nettement refusé de sanctionner politiquement la Fédération de Russie dans les cénacles internationaux. Pour Madame Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, ‘‘le sabrage des aides en développement et la révision de l’assistance économique peuvent s’avérer une option intéressante et efficace, pourquoi pas payante pour l’Union européenne (UE)’’. Lire Ursula von der Leyen punit ces Africains qui « votent mal », Mondafrique, Internet, 23 mars 2022. https://mondafrique.com/ursula-von-der-leyen-punit-les-etats-africains-qui-votent-mal/
[xiv] Ce principe découlant directement du manichéisme à la fois hébraïque et chrétien divise le monde humain en deux camps diamétralement opposés et intrinsèquement irréconciliables : le ‘‘Bien’’ et le ‘‘Mal’’. Il est très souvent repris par le républicain George Herbert Walker Bush Jr lors de grandes crises internationales qui menacent très sérieusement la sécurité nationale des États-Unis. Il dérive en fait d’une phrase que les auteurs des Évangiles attribuent allégrement à Jésus le Christ. Luc 11 : 23; Matthieu 12 : 30; Marc 9 : 40. Ce principe directeur de la vie des Humains et des Nations signifie que « l’on ne peut pas servir deux maîtres à la fois : ‘‘Dieu’’ et ‘‘Mamon’’ » (Matthieu 6 : 24; Josué 5 : 13; 24 : 15; 2 Corinthiens 6 : 15 – 16; 1 Chroniques 12 : 17 – 18).
La diversification de nouveaux partenaires stratégiques
Depuis l’entrée au troisième millénaire, l’Afrique délaissée vers la fin de la guerre froide par tous ses partenaires traditionnels, qui plus est anciennes puissances coloniales, tente d’attirer de nouveaux partenaires stratégiques pour assurer son destin politique et l’avenir socioéconomique de ses habitants. À cet effet, ce continent ouvre très largement ses portes à la République populaire de Chine (RPC). Cette politique lui permet de bénéficier de la part de l’Empire du Milieu des crédits financiers mirobolants ou des prêts monétaires très attrayants en matière de développement économique.
Dans ce cadre, et surtout en échange des prêts apparemment alléchants, l’Afrique obtient très rapidement de banques chinoises agréées par Beijing la construction de grandes infrastructures essentielles à son épanouissement. Toutefois, dans les termes prévus dans les différentes conventions avec la République populaire de Chine, de multiples États africains se font littéralement piéger voire arnaquer dans la mesure où ils hypothèquent ‘‘sans contrainte’’ et ‘‘sans précaution’’ des ressources vitales ou patrimoines économiques essentiels. À savoir : les Mines, les ressources naturelles, les terres[i], les infrastructures portuaires ou aéroportuaires, etc.
Préoccupée par les dénonciations des organismes internationaux sur le hold-up chinois, l’Afrique est obligée de se réajuster pour obtenir la confiance des partenaires occidentaux. C’est dans ce contexte que ce continent abusé et désabusé ouvre très largement ses bras à d’autres investisseurs internationaux plus crédibles[ii]. À savoir : ‘‘Israël’’, la ‘‘Turquie’’ et la ‘‘Russie’’.
Dans ce nouveau partenariat stratégique, la Russie se positionne comme un allié sûr qui peut véritablement aider les États d’Afrique à éradiquer le terrorisme armé. Y compris les rébellions militaires factices. Ces mouvements politico-armés sont très souvent fabriqués artificiellement par de puissants intérêts occidentaux pour faire évidemment pression sur des gouvernements locaux dans l’intention manifeste d’obtenir des marchés prometteurs ou d’arracher des contrats juteux sans appels d’offres classiques. Il sied de souligner que tous ces groupes armés à la tête desquels règnent des chefs de guerre parrainés par de puissants intérêts économico-financiers autant que politico-gouvernementaux ont certes la fâcheuse réputation – donc la fâcheuse manie – de conquérir les ressources précieuses et stratégiques du pays en vue de les rétrocéder à des puissances maffieuses du Nord.
Face à l’échec ‘‘patent’’ des politiques antiterroristes longtemps proposées par l’Occident, les pays d’Afrique se tournent très littéralement vers la Russie de Vladimir Vladimirovitch Putin. Ils se tournent très vite vers Moscou dont le pragmatisme politique et militaire est très déterminant dans l’atteinte des objectifs de sécurité et de paix en matière sensible de terrorisme et de rébellion armée. Parmi tous ces États meurtris par des guerres sans fin et ‘‘animées’’ par des rébellions militaires qui bénéficient de largesses diplomatiques des capitales occidentales, il y a la République Centrafricaine, le Mali, le Cameroun, etc.
Curieusement, Moscou a réussi, contre toute attente, un tour de passe magique en signant moult accords de coopération en matière de sécurité et de défense avec le Cameroun et le Madagascar en pleine période de crise diplomatique où la Russie est pratiquement mise au ban des Nations par la superpuissance américaine aussi bien que l’Union européenne (UE). Ceci, bien entendu, en raison de l’agression physique du territoire ukrainien[iii]. Ce coup de Jarnac constitue, en réalité, ‘‘un pied de nez au fameux partenariat traditionnel entre l’Afrique et l’Occident[iv]’’. En fin de compte, cette brillante réussite de la diplomatie russe pilotée par Sergei Viktorovich Lavrov constitue visiblement, indiscutablement, l’un des signes cliniques annonciateurs du déclin de la puissance occidentale en Afrique. C’est, en fait, l’un des symptômes avant-coureurs de la chute imminente de l’Occident dans ce continent.
La ‘‘dédollarisation’’ des économies africaines
En vérité, la grande majorité des pays africains affichent localement des économies trop étroites. Cette situation s’explique par le fait qu’elles sont littéralement ‘‘enfermées’’ dans des structures de production traditionnelles. Celles-ci restent sustentées par des modèles de conception et de matérialisation totalement surannés. Par conséquent plombées, elles n’offrent guère de réelles perspectives de développement économique à leurs collectivités étatiques et de progrès social à leurs populations.
Vu l’étroitesse du marché en termes de consommation et la fragilité des circuits à la fois de distribution et de production pour soutenir l’économie en termes d’échange des biens et de circulation de la monnaie locale, les pays africains préfèrent, dans l’unique optique de garantir les réserves monétaires, d’utiliser parallèlement les devises étrangères telles que le dollar US ou l’euro. À ce niveau, ils ont pleinement l’assurance de bénéficier, sans pour autant solliciter physiquement le marché des devises internationales, des liquidités tout à fait fraîches et directement issues de transactions locales. À cet égard, la circulation, d’ailleurs très librement encouragée, des devises étrangères par des autorités politiques et gouvernementales autant que publiques et administratives, permet certes de mesurer la vitalité économique du pays[v] et, surtout, de garantir la stabilité socioéconomique des ménages[vi].
En raison de cette illusion économique de stabilisation des prix, alors que les salaires ou les revenus des ménages ne sont point ajustés en fonction de l’inflation galopante, et ce relativement à l’usage de la monnaie locale, la devise américaine s’est automatiquement imposée comme monnaie de transaction sur le marché intérieur de divers pays africains. Ce qui entraîne pour conséquence logique le développement de la profession de cambiste financier pour la spéculation du marché financier de devises, le développement de deux marchés économiques visiblement parallèles : l’un – forcément celui des riches familles – régi par le dollar US[vii] et l’autre – logiquement celui des pauvres et miséreux – régi par la monnaie locale[viii].
Toutefois, le conflit russo-ukrainien qui a déclenché une salve de sanctions sévères contre la Russie, a démontré les limites du dollar américain en tant que monnaie de transaction sur l’ensemble des marchés internationaux[ix]. En effet, la Russie qui est, par définition, un grand pourvoyeur de matières premières, exige désormais le paiement de toutes ses ressources naturelles ou minérales en devise locale[x]. Cette décision a été prise par Moscou en raison de son expulsion immédiate du système de messagerie de transaction monétaire et interbancaire qu’est effectivement le SWIFT[xi] par les États-Unis (USA) et l’Union européenne (UE). Ce qui a, certes, pour conséquence la paralysie ou la privation des transactions internationales. Ce qui a, naturellement, pour effet immédiat l’asphyxie économique et financière de Moscou.
Par conséquent, avec la possibilité entrouverte par la Russie de commercer avec le rouble comme monnaie de transaction, les pays africains seraient désormais tentés d’accumuler la devise russe dans leurs réserves monétaires et bancaires. Sans compter que certains États qui entretiennent, d’ailleurs, très ouvertement des relations à la fois économiques et commerciales privilégiées avec l’Empire du Milieu détiennent des masses monétaires chinoises. C’est le cas du Kenya, de la Zambie, de l’Angola, de l’Ile Maurice et de l’Afrique du Sud. D’autres pays du continent africain, tels le Kenya ou le Nigeria[xii], ont même proposé à une certaine époque de transiger sur le plan international avec le yuan chinois pour éviter sensiblement les inconvénients d’une monnaie américaine qui asphyxie le paiement de la dette libellée en dollar en raison de l’augmentation incessante du loyer de l’argent[xiii].
Ce qui est sûr et même certain, le conflit militaire russo-ukrainien va accélérer en Afrique, tout comme dans la plupart des pays de la planète Terre, la stratégie de diversification des réserves monétaires en vue des transactions internationales. Cette crise qui préfigure déjà un affrontement de grande envergure – pas nécessairement létal – entre les différentes Nations ira même jusqu’à provoquer l’adoption rapide des cryptomonnaies ou monnaies digitales comme valeur refuge ou monnaie de transaction commerciale au même titre que l’or ou les principales devises (dollar US, euro, yen, yuan, livre sterling, etc.). En Afrique, des États s’y mettent déjà ou du moins encouragent leurs entreprises ou ressortissants de s’activer dans ce domaine jugé prometteur. C’est, en réalité, le cas du Ghana, du Nigeria et même de la République Centrafricaine (RCA). Cette accélération s’explique par le fait que le dollar US a perdu sa valeur de monnaie de référence dans les transactions commerciales internationales.
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
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[i] Le sol et le sous-sol.
[ii] Selon des Africains, des partenaires plus respectueux des termes de convention et, surtout, moins gourmands en matière de jouissance de bénéfices financiers.
[iii] Il importe de reconnaître que toutes ces ententes de coopération militaire interviennent au moment où l’Assemblée générale des Nations unies se réunit urgemment pour condamner l’agression armée russe contre l’Ukraine. Au cours de ce vote tant attendu, qui devait plutôt consacrer la très grande victoire de la diplomatie euraméricaine, le Cameroun a manifestement joué aux abonnés absents et le Madagascar s’est résolument abstenu. Dans les circonstances, les deux pays africains – pragmatisme oblige ! – ont alors adopté un comportement à la fois politique et diplomatique substantiellement dicté par leurs intérêts immédiats.
[iv] Les nouveaux alliés russes de l’Afrique, https://www.dw.com/fr/les-allies-russes-en-afrique/a-61069668.
[v] Ce qui est en soi un leurre. Dans les circonstances, le pays ne joue factuellement que le rôle mineur de collecteur de devises étrangères au lieu de miser primordialement sur la production, l’exportation et la consommation des produits intérieurs : trois principaux facteurs permettant de dynamiser l’économie locale.
[vi] Dans le contexte réel des économies étroites qui n’offrent pratiquement aucune perspective d’épanouissement ou d’investissement pour les ménages, l’usage de la monnaie locale symbolise, à vrai dire, l’inflation galopante et la perte drastique du pouvoir d’achat, tandis que le recours à la devise étrangère représente forcément la puissance financière et la stabilité monétaire.
[vii] Très souvent, il est contrôlé par la mafia étrangère ou la mafia locale.
[viii] Il bénéficie généralement du droit de regard de l’État central. Tout comme il peut définitivement échapper à l’autorité politique centrale dans la mesure où ‘‘tourner la planche à billet’’ ou ‘‘battre monnaie’’ devient sur le terrain un monopole partagé entre le pouvoir gouvernemental et la mafia alimentée par le même pouvoir kleptomaniaque.
[ix] Cette crise a permis à l’Occident de faire main basse sur tous les avoirs russes libellés en devises étrangères dont principalement le dollar US et l’euro. Ce qui représente, pour les experts, un hold-up financier estimé entre 300 et 600 milliards de dollars de réserve monétaire gisant tranquillement dans les banques internationales. Cette captation forcée a provoqué dans les heures qui suivaient l’annonce de cette décision d’étranglement financier l’effondrement quasi assuré de la devise russe, faisant craindre automatiquement la ‘‘banqueroute’’. En réaction à cette mesure drastique, le gouvernement russe a imposé à tous les pays hostiles le paiement de toutes ses ressources en rouble ou en or comme valeur refuge. Cette simple décision a permis à la devise russe de reprendre rapidement du poil de la bête et même d’afficher une santé robuste par rapport au dollar US et à l’euro devenus pour la circonstance des monnaies fluctuantes ou instables. Cette perspective russe de faire payer ou d’acheter dorénavant des produits en rouble ou en or a fait des émules sur la scène internationale. En effet, nombre des pays producteurs de pétrole ou de gaz comme la Russie – en l’occurrence l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU) – sont très séduits par cette idée. Ceux-ci peuvent emboîter le pas en désindexant définitivement le dollar US par rapport au marché pétrolier et gazier. Sans compter que l’Inde et la République populaire de Chine (RPC) compte désormais transiger sur les marchés avec leurs propres devises monétaires (le yuan pour la Chine et la roupie pour l’Inde).
[x] La dédollarisation de l’économie russe a, en fait, commencé bien avant l’invasion russe de l’Ukraine postsoviétique le jeudi 24 février 2022. La dédollarisation des économies, fin de l'ère de puissance des États-Unis ? | Ecole de Guerre Economique (ege.fr)
[xi] Il s’agit d’un système de paiement transnational dont le siège est à Bruxelles (Royaume de Belgique). Il permet aux États-Unis et à l’Union européenne d’avoir un droit de regard sur toutes transactions internationales et de sanctionner facilement des États et entreprises récalcitrants.
[xii] Monnaie : le Nigeria fait le pari du yuan, Le Point Afrique, 7 août 2018. Monnaie : le Nigeria fait le pari du yuan - Le Point, Nigeria : Le Yuan s’impose comme devise - BBC News Afrique.
[xiii] Cette perspective monétaire et commerciale et, surtout, de diversification des réserves monétaires, avait bel et bien irrité l’Occident qui n’avait pas hésité à brandir la menace des sanctions sévères.
[i] Ce qui est en soi un leurre. Dans les circonstances, le pays ne joue factuellement que le rôle mineur de collecteur de devises étrangères au lieu de miser primordialement sur la production, l’exportation et la consommation des produits intérieurs : trois principaux facteurs permettant de dynamiser l’économie locale.
[ii] Dans le contexte réel des économies étroites qui n’offrent pratiquement aucune perspective d’épanouissement ou d’investissement pour les ménages, l’usage de la monnaie locale symbolise, à vrai dire, l’inflation galopante et la perte drastique du pouvoir d’achat, tandis que le recours à la devise étrangère représente forcément la puissance financière et la stabilité monétaire.
[iii] Très souvent, il est contrôlé par la mafia étrangère ou la mafia locale.
[iv] Il bénéficie généralement du droit de regard de l’État central. Tout comme il peut définitivement échapper à l’autorité politique centrale dans la mesure où ‘‘tourner la planche à billet’’ ou ‘‘battre monnaie’’ devient sur le terrain un monopole partagé entre le pouvoir gouvernemental et la mafia alimentée par le même pouvoir kleptomaniaque.
[v] Cette crise a permis à l’Occident de faire main basse sur tous les avoirs russes libellés en devises étrangères dont principalement le dollar US et l’euro. Ce qui représente, pour les experts, un hold-up financier estimé entre 300 et 600 milliards de dollars de réserve monétaire gisant tranquillement dans les banques internationales. Cette captation forcée a provoqué dans les heures qui suivaient l’annonce de cette décision d’étranglement financier l’effondrement quasi assuré de la devise russe, faisant craindre automatiquement la ‘‘banqueroute’’. En réaction à cette mesure drastique, le gouvernement russe a imposé à tous les pays hostiles le paiement de toutes ses ressources en rouble ou en or comme valeur refuge. Cette simple décision a permis à la devise russe de reprendre rapidement du poil de la bête et même d’afficher une santé robuste par rapport au dollar US et à l’euro devenus pour la circonstance des monnaies fluctuantes ou instables. Cette perspective russe de faire payer ou d’acheter dorénavant des produits en rouble ou en or a fait des émules sur la scène internationale. En effet, nombre des pays producteurs de pétrole ou de gaz comme la Russie – en l’occurrence l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU) – sont très séduits par cette idée. Ceux-ci peuvent emboîter le pas en désindexant définitivement le dollar US par rapport au marché pétrolier et gazier. Sans compter que l’Inde et la République populaire de Chine (RPC) compte désormais transiger sur les marchés avec leurs propres devises monétaires (le yuan pour la Chine et la roupie pour l’Inde).
[vi] La dédollarisation de l’économie russe a, en fait, commencé bien avant l’invasion russe de l’Ukraine postsoviétique le jeudi 24 février 2022. La dédollarisation des économies, fin de l'ère de puissance des États-Unis ? | Ecole de Guerre Economique (ege.fr)
[vii] Il s’agit d’un système de paiement transnational dont le siège est à Bruxelles (Royaume de Belgique). Il permet aux États-Unis et à l’Union européenne d’avoir un droit de regard sur toutes transactions internationales et de sanctionner facilement des États et entreprises récalcitrants.
[viii] Monnaie : le Nigeria fait le pari du yuan, Le Point Afrique, 7 août 2018. Monnaie : le Nigeria fait le pari du yuan - Le Point, Nigeria : Le Yuan s’impose comme devise - BBC News Afrique.
[ix] Cette perspective monétaire et commerciale et, surtout, de diversification des réserves monétaires, avait bel et bien irrité l’Occident qui n’avait pas hésité à brandir la menace des sanctions sévères.