La guerre en Ukraine a définitivement modifié le destin des peuples d'Europe. En commençant par celui du peuple ukrainien dont le territoire est dépecé. Mais également par celui du citoyen lambda européen dont le quotidien rime avec cherté des produits de première nécessité et privation matérielle.
Tragédie ukrainienne et Suicide européen
L’empire du ‘‘Néolibéralisme global’’ en pire
‘‘Le capitalisme (le marché) n’a ni conscience ni miséricorde’’
Octavio Paz Lozano, Prix Nobel de littérature 1990
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Depuis le 24 février 2022, le monde dans lequel nous vivons, a complètement basculé. En effet, pendant une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis la chute historique du mur de Berlin dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989 suivie du démantèlement du communisme soviétique en décembre 1991, la planète Terre vivait sous l’empire du dictat unipolaire de Washington. Pour la circonstance, devenus la seule et unique superpuissance, les États-Unis pouvaient, donc, imposer aisément leur volonté au reste du monde sans pour autant rencontrer une quelconque résistance. N’ayant pratiquement plus d’opposition militaire et de contradiction idéologique en face, ceux-ci pouvaient donc imposer un nouvel ordre mondial qui obéissait pratiquement à leur vision fantasmatique.
Toutefois, la guerre en Ukraine qui implique manifestement l’intervention militaire de la Russie dans le but de stopper les velléités d’extension de l’OTAN au-delà du tristement célèbre rideau de fer, est venue porter un coup d’arrêt brutal à cette démarche unipolaire. En effet, sur le plan purement géopolitique, ce conflit ukrainien en ébullition sur le sol du continent européen, a sonné contre toute attente la révolte des pays progressistes et États du Tiers-Monde complètement adossés au couple sino-russe. Force est de constater que la majorité de ces États de la planète rejettent systématiquement et automatiquement cette vision du monde injustement et brutalement véhiculée par les USA. Celle-ci repose, en effet, sur les atteintes récursives au droit international, pourtant sur papier garant de la paix entre les Nations et de l’harmonie entre les Peuples.
En fait, tous ces pays reprochent sévèrement à Washington de faire littéralement fi des résolutions adoptées par l’Organisation des Nations unies. Ils lui reprochent de piétiner sauvagement la liberté des Peuples et, donc, de faire litière de la démocratie au cœur de la vie des Nations. Aussi lui reprochent-ils d’écrabouiller sans véritablement se soucier la justice et les droits humains fondamentaux. À ce titre, ceux-ci plaident ouvertement en faveur d’un monde multipolaire afin de garantir leur propre sécurité, donc assurer leur propre liberté[i].
Ce qui est clair, la guerre en Ukraine a très largement ouvert la voie à une confrontation – pour l’instant à distance – entre les États-Unis et la Russie, deux puissances nucléaires. Ce qui fait naturellement craindre, en cas d’une confrontation somme toute directe voire chaude, l’extinction de la Vie sur cette planète Terre. Sur le plan doublement géopolitique et géostratégique, l’objectif primordial de cet affrontement armé qui ne dit pas son nom, est du point de vue de Washington l’effondrement du régime moscovite dans l’optique de mettre la main sur toutes les ressources stratégiques et vitales de la Russie dirigée par nul autre que l’ex-agent du KGB, Vladimir Vladimirovitch Putin.
Toutefois, du point de vue de la Russie, d’ailleurs manifestement confrontée à sa survie en raison de son encerclement provoqué par Washington depuis la fin de la guerre froide, l’objectif fondamental de cette conflagration armée est bel et bien ‘‘la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine sanctuarisée par de puissants intérêts antirusses[ii]’’. À vrai dire, il demeure ‘‘la neutralité politique et idéologique de l’Ukraine que l’OTAN cherche coûte que coûte à transformer en poste avancé de l’Occident contre la Russie’’. Il convient de mentionner que cette ancienne république soviétique qui a, certainement, acquis son indépendance politique et administrative de Moscou en 1991, est évidemment parrainée par des États membres de l’Union européenne (UE) et des pays faisant partie intégrante de l’Organisation du Traité de l’Alliance Atlantique Nord (OTAN).
Ce qui doit évidemment alerter l’opinion publique internationale, ce conflit militaire entre l’Occident et la Russie, – lequel a pris son essor en 2014 et non point en février 2022 –, a déjà livré l’Ukraine aux mains des Multinationales américaines. À l’instar d’imposants mastodontes tels que ‘‘DuPont de Nemours’’, ‘‘Cargill’’ et ‘‘Mosanto’’[iii], celles-ci ont manifestement accaparé les terres arables et fertiles[iv] de cet immense voisin, et d’ailleurs archi-convoité, de l’ours russe avec la conjuration du célèbre chef de guerre ukrainien Volodymyr Oleksandrovych Zelenskyy. Cette captation, d’ailleurs, digne du Far West s’est opérée contre la volonté expresse des opérateurs agricoles locaux et de la classe paysanne ukrainienne. Ceux-ci avaient, réellement, exprimé dans ce dossier sensiblement chaud et extrêmement vital pour le pays leur fin de non-recevoir.
Par ailleurs, il se murmure à haute voix que la reconstruction de l’Ukraine déjà dévastée par l’opération militaire russe a été totalement confiée à la fameuse firme BlackRock. Cette compagnie américaine est plutôt connue pour être une société de gestion d’actifs. Il importe de souligner que son chiffre d’affaires est pratiquement l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) réuni de trois plus grandes économies de l’Union européenne (UE). À savoir : l’Allemagne, la France et l’Italie.
Dans ce dossier, la reconstruction de l’Ukraine a été estimée par la Banque mondiale (BM) à hauteur de 349 milliards de dollars US. Cependant, pour Larry Flink, le président de BlackRock, cette opération pourrait réellement capter voire drainer des investissements financiers de l’ordre de 750 milliards de dollars. Ce chiffre colossal est pratiquement le double imaginé ou projeté par cette institution financière sise à Washington. Force est de relever que cette prévision financière ou cette évaluation monétaire a été annoncée au Forum économique de Davos qui est, par essence, la Cathédrale du Néolibéralisme et la Chapelle du Mercantilisme global en janvier 2023[v].
Ce qui est sûr, ce conflit militaire meurtrier est marqué par le détournement massif de l’aide militaire occidentale directement destinée à l’Ukraine. Il est également marqué sur le théâtre des opérations militaires par l’effondrement de l’armée ukrainienne incapable de supporter le rythme imposé par la machine de guerre russe. Il est surtout marqué, au-delà du nombre certes incalculable d’annonces spectaculaires des médias mainstream, par l’insignifiance des matériels militaires offerts par l’OTAN et par l’Union européenne (UE) à leurs alliés ukrainiens[vi].
Ce qui est certain, ce conflit militaire en Ukraine est en soi, du point de vue stratégique, une aubaine pour les États-Unis. En effet, cette guerre leur permet de mettre à tout prix à genoux l’Europe. À défaut de vraiment détruire la Russie, elle leur permet de placer ce vieux continent sous leur parapluie sécuritaire et, par conséquent, nier son indépendance idéologique ou son autonomie politique. Elle leur permet d’éloigner – à moindres frais pour les Européens mais à coûts exorbitants pour les Ukrainiens[vii] – le spectre d’une réunification tant redoutée de l’Allemagne, moteur de l’Union européenne (UE), et de la Russie. Aussi leur permet-elle de détruire cyniquement l’économie et le social de l’Europe en provoquant artificiellement par la montée vertigineuse du prix de l’énergie, dont principalement le gaz, – et subsidiairement le pétrole –, le transfert des entreprises européennes vers l’Outre-Atlantique où l’énergie se négocie encore à bas prix de nos jours.
Ce qui est sûr et certain, le conflit militaire ukrainien a fait découvrir au reste du monde le véritable visage de l’occident. En tant que sphère d’influence planétaire, celui-ci a perdu toute crédibilité politico-diplomatique et toute légitimité morale en raison de sa duplicité[viii]. Contrairement à la propagande idéologique ambiante, d’ailleurs, distillée par les médias mainstream, l’occident ne fait pratiquement plus rêver. Il suffit simplement de voyager dans les quatre coins de la planète Terre pour s’en rendre naturellement compte. Par voie de conséquence, l’occident est-il encore de nos jours un véritable pôle civilisationnel dont les valeurs fondamentales et les principes directeurs sont, à vrai dire, la justice, la paix, la liberté, la démocratie, la dignité humaine ? Dans ses propres frontières, incarne-t-il encore ses idéaux humanistes ?
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.centerblog.net
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www.joelasherlevycohen1.wordpress.com
[i] Le rejet de la vision unipolaire américaine s’explique par la destruction délibérée de la Syrie et de la Libye pour des raisons géostratégiques (le gaz et le pétrole), par le piétinement du droit international dans les cas spécifiques de la Serbie sauvagement bombardée sans mandat de l’ONU, de l’Irak et de l’Afghanistan dont les territoires nationaux ont été militairement envahis pour des raisons géopolitiques (la recomposition du grand Moyen-Orient, la mainmise sur le pétrole irakien, la mainmise sur les artefacts archéologiques de l’ancien empire babylonien, la captation des quantités d’or détenues par la banque centrale irakienne, le commerce du pavot afghan, les débouchés sur le trafic du lithium dans le désert afghan), etc.
[ii] Ceux-ci sont d’extraction doublement ‘‘otanienne’’ et ‘‘européenne’’.
[iii] https://multinationales.org/fr/actualites/l-agriculture-ukrainienne-livree-aux-multinationales.
[iv] Le tchernoziom ukrainien est une forte épaisseur de terre fertile et noire (de 1 à 6 mètres) contenant des matières organiques et des minéraux tels que le phosphore et la potasse. Ce qui entraîne effectivement que les agriculteurs limitent drastiquement les apports azotés et l’usage des engrais chimiques pour assurer de meilleures récoltes.
[v] https://www.tf1info.fr/international/la-reconstruction-de-l-ukraine-aiguise-deja-l-appetit-des-investisseurs-et-blackrock-larry-fink-a-davos-2245510.html.
[vi] Cette insignifiance est mesurée en termes de quantité tout comme en termes d’efficacité sur le terrain des opérations armées. Par conséquent, au-delà de la rhétorique ressassée à longueur de journée dans les médias, l’OTAN et l’Union européenne (UE) souhaitent-ils vraiment la victoire militaire de l’Ukraine ?
[vii] Pour le président américain Joe Biden, ‘‘le Monde libre et démocratique doit se battre jusqu’à la dernière goutte du sang ukrainien’’. Une telle formule ne peut que présager une guerre intense et longue.
[viii] Soutien militaire massif à des groupes extrémistes, terroristes et nazis en Ukraine, appui politique et diplomatique à un gouvernement de tortionnaires qui tue ses propres concitoyens en raison de leurs origines ethniques, promotion de l’idée d’arrestation du Russe Vladimir Vladimirovitch Putin pour crimes de guerre, crime de génocide et crimes contre l’humanité. Pourtant, bien des dirigeants occidentaux sont comptables de mêmes infractions au regard du droit pénal international (DPI). Ceux-ci circulent très librement dans les capitales des pays démocratiques et donneurs de leçon de morale internationale. À ce niveau, motus bouche cousue. La politique de l’autruche bat malheureusement son plein.