‘‘La Porte Albinos est là dans l'ombre. Elle efface pas à pas tout ce qui m’épouvante encore et me fait pleurer dans l'éblouissement de ses gongs de feu.’’
André Breton, Poisson soluble (1924), Édition Gallimard, Coll. Poésie, 1996 (ISBN 2-07-032917-8), Partie 26, p. 104 - Prose poétique
À la mémoire de ''Ramata Diarra'', petite fille albinos retrouvée sans vie, égorgée et décapitée dans la ville de Fana, au Mali, dans la nuit de samedi 12 au dimanche 13 mai 2018. Sa tête a été emportée par les coupeurs de tête. Cet acte ignoble intervient au moment où le Mali entre dans une phase électorale active. Une période, d'ailleurs, fort propice à des meurtres sacrificiels visant exclusivement les Albinos transformés en gibiers expiatoires.
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Dans les ‘‘Dix paroles de la Torah[i]’’ consignées dans les Tables de la Loi confiées par ‘‘Hashem’’ au prophète Moshe, d’ailleurs sous forme de prescription ou ordonnance, il est formellement ‘‘interdit’’ de tuer[ii]. C’est-à-dire : ‘‘il est strictement défendu à l’Être humain créé à l’image de D.ieu d’ôter la vie d’une autre personne, - également créée à l’image de D.ieu, - qui est, par conséquent et par définition, son semblable’’. En d’autres termes, tuer son semblable, son prochain, c’est, par essence, se trucider. En réalité, le fait de se tuer soi-même, donc le fait de s’ôter la vie, est normalement appelé en langage scientifique : ‘‘Suicide’’.
En effet, tuer un individu équivaut, sur le plan purement spirituel, au fait de lui ôter cette graine spirituelle que ‘‘Hashem’’ a, très divinement, plantée en chacun de nous. À savoir : la ‘‘Vie’’. La Vie est, d’abord et avant tout, l’Esprit de D.ieu qui se manifeste profondément en nous en tout temps et sous diverses formes. C’est, en fait, l’Énergie qui nous relie, directement, à l’Éternel.
Donc, tuer un Être humain équivaut au fait d’éteindre cette Énergie vitale. C’est, par définition, rompre définitivement tout lien physique et matériel avec l’Éternel. Cela est d’autant plus vrai que l’Humain est composé de [deux] éléments fondamentaux. L’un est spirituel (Énergie ou Esprit de D.ieu) et l’autre est matériel (il est symbolisé sur le plan physique par le sang qui traverse et coule dans nos veines, qui irrigue tous nos organes vitaux[iii]).
C’est donc dans le sang que se cache ou se loge indéniablement l’Esprit ou l’Énergie divine. Rappelez-vous, à cet effet, l’histoire édifiante de Caïn et Abel relatée de façon poétique, métaphorique, dans la Bible lorsque l’Éternel D.ieu répond directement à Caïn qui vient d’éliminer physiquement son frère de même sang Abel : ‘‘Qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi[iv]’’. En d’autres termes, tuer, c’est faire mal à Hashem. Tuer signifie perturber la quiétude de l’Eternel. Tuer veut dire perturber l’Esprit de D.ieu. En somme, c’est simplement tuer D.ieu le Créateur de la vie. C’est provoquer le chaos dans l’œuvre de la Création divine car D.ieu a besoin de tous en tant qu’associé ou collaborateur à la construction de son édifice gigantesque qu’est la Nature.
Dans le monde visible normalement fait de matière, évidemment asujetti aux contingences et limitations du temps et de l'espac,e l’acte de tuer se réduit substantiellement au fait d’empêcher son semblable d’assurer sa descendance. Cela est d’autant plus vrai que la vie se perpétue normalement par la descendance. C’est-à-dire : la progéniture conçue par le produit de la Création divine qu’est l’être humain. Ce qui revient à dire que l’acte de tuer est, en soi, une contravention de la loi divine en ce sens qu’il met un terme définitif à la procréation, qu’il interrompt abruptement la chaîne continue du processus de Création.
Force est de reconnaître que cette norme divine ordonne pratiquement à l’Humain de procréer. Celle-ci l’enjoint outre mesure de se massifier. Cette prescription divine que l’Être humain se doit d’observer est, d’ailleurs, référencée par le premier Livre de la Genèse lorsque ‘‘Hashem’’ s’adresse directement au Patriarche Noah et à toutes ses descendances en ces termes : ‘‘Et vous, soyez féconds et multipliez. Répandez-vous sur la terre et multipliez sur elle[v]’’.
Par voie de conséquence, tuer son semblable ou son prochain, c’est non seulement se trucider[vi] mais également tuer l’Esprit de D.ieu manifesté en chacun de nous sur le plan spirituel. Sur le plan physique et matériel, c’est en fait tuer à la base le groupe social auquel on appartient. Cet acte de privation consiste, à vrai dire, à empêcher sa Communauté de se massifier. C’est, en vérité, la priver de toute possibilité d’assurer sa permanence aussi bien dans le temps que dans l’espace. C’est, sans autre forme de procès, la priver de tout moyen, donc de toute force, de toute puissance, d’assurer sa reproduction en tant que Communauté vivante appelée à se perpétuer au sein de l’univers.
Cette vision spirituelle témoigne inlassablement du caractère précieux et privilégié de la Vie aux Yeux sanctifiés de ‘‘Hashem’’. En effet, tout acte de semence de la Vie se veut, par définition, une manifestation de l’Amour divin. Par extension, tout acte de protection de la Vie se veut, par essence, une manifestation continue de son Énergie. La vie est ici prise dans le sens de continuité dans la communication inaltérable avec le Divin, l'Esprit de D.ieu. Elle est perçue et comprise comme l’absence de rupture avec ce lien indissoluble qu’est l’Esprit de D.ieu.
Sur le plan à la fois moral et intellectuel, l’acte de tuer un Être humain correspond au fait de tuer l’harmonie. Cela équivaut au fait de porter atteinte à la paix et la sécurité aussi bien de l’individu que de la Collectivité humaine. C’est-à-dire : le fait d’attenter à l’existence du Groupe social. C’est rompre coûte que coûte les liens de solidarité et de fraternité qui soudent très fermement la Communauté. En d’autres termes, tuer un semblable ou son prochain signifie, en vérité, rompre brutalement la concorde ou la sécurité. C’est-à-dire : ‘‘Rompre l’équilibre harmonieux qui fonde, en substance, la Collectivité’’.
Toutefois, au regard des lois divines, tuer son prochain ou son semblable s’avère un acte de rébellion à l’autorité sainte de ‘‘Hashem’’. C’est le fait d’entrer en aversion avec l’Éternel D.ieu Tout-Puissant et Tout-Miséricordieux qui est, par essence, la Vie ou l’Esprit, donc l’Énergie qui vivifie l’Être humain et l’Univers.
Dans le cas plus que malheureux voire préoccupant des Albinos, d’ailleurs devenus objet [non plus de simples quolibets] mais ce qui est surtout inquiétant [de chasse meurtrière] de la part de leurs congénères, il sied de relever que l’Albinisme est en soi une tare génétique. Cette déficience s’avère une des particularités biologiques des espèces vivantes. Celle-ci est par nature héréditaire, par conséquent transmissible de génération en génération. Elle touche autant des mammifères et reptiles que des oiseaux et amphibiens. Par conséquent, cette maladie a fortiori génétique qui se caractérise pratiquement par l’absence peu ou prou de la mélanine, concerne, bien entendu, l’ensemble des Êtres humains du monde entier, indépendamment de leurs localisations respectives.
Il convient de mentionner que dans bon nombre de pays du continent négro-africain, notamment des États d’Afrique orientale tout comme australe, la situation de nos chers Albinos est fortement dramatique. En effet, ceux-ci sont visiblement l’objet de massacres génocidaires. Ils sont réellement pourchassés comme du gibier parce que des croyances sordides nourries par la résurgence de l’anthropophagie d’une autre époque leur prêtent, sans concession et sans retenue, des vertus magiques.
Pour les adhérents de ce type de cannibalisme version négro-africaine, les os des Albinos imbibés de potions concoctées par des druides indéniablement dépourvus de toute compassion humaniste ouvrent d’immenses possibilités d’amasser à la vitesse de l’éclair du tonnerre des fortunes colossales. Ces carnassiers à la peau humaine qui font nettement fi de l’idéologie du travail s’appuyant substantiellement sur la notion de l’effort et de l’intelligence, sont convaincus qu’ils sont destinés à l’appropriation des richesses considérables dont la taille dépasse fort sensiblement la masse du trou noir de notre galaxie. Cette croyance autant sordide que répugnante pourrait, d’ailleurs, se résumer à ce proverbe oh ! Combien significatif attribué à Paul Éluard : ‘‘Un Albinos ne fait pas le beau temps’’.
En effet, en Afrique noire, en l'occurrence en Afrique orientale (Tanzanie) et australe (Malawi), l’absence de la mélanine destine quotidiennement nombre de sujets albinos au billot. Elle les expose littéralement à la décapitation. Elle les expose visiblement à une exécution "sommaire", d'ailleurs, délibérément décrétée par des personnes sans foi et sans âme, sans scrupule et sans amour, des individus sans aucun doute déshumanisés. Il importe de souligner que ce meurtre rituélique est souvent commandité par des féticheurs cupides dont la seule croyance ou l'unique religiosité se réduit considérablement au culte du macabre et à l’expression du sordide.
Devant un tel spectacle ahurissant, horrible, scandaleux, un Humain vraiment digne de ce nom, a fortiori Créature divine, ne peut que manifester toute son indignation. Il ne peut que crier haut et fort sa colère, exprimer violemment son courroux. Il ne peut surtout qu'afficher ouvertement sa désapprobation face à des pratiques d’un autre âge.
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
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[i] C’est le Décalogue. Il est communément connu sous le label de ‘‘Dix commandements’’.
[ii] Exode 20 : 13.
[iii] Dans le langage commun, l’acte de tuer correspond symboliquement au fait de ‘‘Verser le sang humain’’. Et, par voie de conséquence, ‘‘Verser le sang’’ est défini humainement comme un acte attentatoire à la vie. C’est purement et simplement une atteinte à l’Esprit de D.ieu si l’on se place de ce point de vue sur le plan spirituel.
[iv] Genèse : 4 : 10.
[v] Genèse 9 : 7. ‘‘L’absence de fécondité et de procréation immédiatement est associée à la mort’’.
[vi] Le fait de se suicider pour avoir brisé son miroir, son propre reflet qu’est l’autre, son semblable ou son prochain.