L’interdiction des productions scéniques par la Diaspora congolaise en Occident
Les Résistants, Patriotes et Combattants se trompent-ils de cible politique ?
‘‘Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : Ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement.’’ Albert Einstein, Comment je vois le monde
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
-‘‘Un peuple heureux est un peuple qui chante et qui danse’’.
Telle fut, à n’en point douter, au plus fort de la tyrannie mobutiste, la maxime du Parti-État et parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (MPR). Aujourd’hui, ce poncif absolument au cœur de la religion politique et de l’idéologie d’antan prônées stratégiquement par le père Ubu zaïrois en vue de confisquer à jamais l’État, - c’est-à-dire : ‘‘le pouvoir politique et toutes les Institutions’’,- perd, en réalité, toute sa force. Ce slogan mobilisateur perd effectivement toute sa magie en tant que règle ou principe fondamental dans la mesure où il est catégoriquement rejeté par un pan somme toute important de la société. Celui-ci en a, d’ailleurs, fait pendant très longtemps son fonds ou sa marque de commerce.
En effet, dans le strict but de conjurer les mauvais sorts et, surtout, de chasser les vieux démons de la diversion qui les empêchent de s’intéresser assidûment à la chose publique, les Congolais de la diaspora vivant généralement dans des pays de tradition démocratique décrètent la musique ‘‘Mal absolu’’. Ils cataloguent cet art comme un mal à éradiquer nécessairement afin de purifier l’environnement social. Avec une telle vision iconoclaste, les ‘‘Talibans’’ qui ne sont pas en odeur de sainteté avec l’idéologie des droits humains fondamentaux et, par conséquent, promeuvent redoutablement une société par définition ‘‘policée’’, s’appuyant essentiellement sur des interdits, donc des contraintes inimaginables, n’ont, sans aucun doute, rien à les envier.
Pour la Diaspora congolaise, la Musique profondément travestie par des saltimbanques soucieux de leurs ventres et bas-ventres n’est plus cet art noble qui adoucit les mœurs. Véhiculée par des artistes-musiciens sans scrupules, elle corrompt plutôt les mœurs. Elle tue complètement même l’essence de la société. De ce fait, elle se transforme en une pathologie somme toute sournoise qui ronge les racines profondes de l’être humain. Elle est, donc, cette maladie qui détruit mentalement, moralement le Peuple congolais. Elle est, surtout, cette pathologie mentale qui compromet irrémédiablement, irréversiblement les intérêts non moins vitaux et légitimes de la République démocratique du Congo.
Ainsi, pour la très grande majorité des Congolais vivant physiquement à l’étranger et forcément ‘‘engagés’’ dans la lutte de libération nationale de l’imposture dictatoriale de Joseph Kabila Kabange, la musique en tant qu’art déprécié et dépravé détourne sans autre forme de procès l’esprit des Citoyens des affaires publiques et administratives de la Cité. Politique aidant, cette dynamique artistique sert, en fait, d’anesthésie politique, sociale et culturelle. En tant que dérivatif, et par voie de conséquence opium du peuple, elle est exclusivement au service de la prostitution de l’indépendance de la République démocratique du Congo.
C’est un secret de polichinelle : ‘‘Cet État majestueux et richissime de la région des Grands Lacs africains est, actuellement, en proie à une guerre, autant d’agression de la souveraineté physique et de pillage des ressources matérielles que d’occupation et de partition du territoire national’’. En raison de cette conflagration armée qui perdure depuis plus d’une décennie, ces ressortissants de l’extérieur voient finalement dans la musique une activité cancérigène qui pollue les mentalités ambiantes et gangrène toutes les couches sociologiques ou toutes les composantes de la société congolaise. Y compris la Diaspora. Pour ceux-ci, la musique est en soi une activité qui détruit systématiquement et automatiquement toutes les cellules de l’environnement social. Ils y voient, surtout, une corrélation indissociable entre distraction des masses et apathie de la population, mollesse des autorités politiques et gouvernementales face à l’agression armée ennemie et destruction de la Mère-Patrie.
Ce qui est absolument sûr et certain, la Diaspora congolaise, soucieuse du sort de la Mère-Patrie, se détermine par son décret prônant l’embargo des productions scéniques en Occident comme une ‘‘force idéologique’’ indéniable et capable de transformer sans détour l’univers politique et social. Au travers de cette décision qui fait couler beaucoup d'encre, elle interpelle vigoureusement l’ensemble de la communauté artistique et musicale sur le sens de ses responsabilités morales dans la société. Elle interpelle celle-ci sur ce qu’est son véritable rôle dans son environnement immédiat, lequel se résume à l’édification de l’individu. Par cette mesure controversée, elle cherche moins que rien à peser de manière inéluctable sur le destin politique de la République démocratique du Congo. Il s’agit, réellement, résolument, là d’un processus revendicateur de sa place dans l’avenir du pays. Force est d’admettre que celui-ci est de plus en plus compromis par ses propres leaders d’opinion, fussent-ils acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels.
Une force idéologique ‘‘redoutable’’
Jusqu’il y a à peine quelques années, la vraie image que tout Congolais sérieux avait naturellement de sa diaspora, était que cette communauté vivant à l’étranger, plus particulièrement et plus singulièrement en Occident, était composée essentiellement de ‘‘bipèdes’’. Ce groupe fortement massifié au fil des années regorgeait abondamment de jouisseurs ‘‘friands du fruit défendu’’, des ‘‘m’as-tu-vu’’ insouciants et inconscients, à plus forte raison ‘‘adorateurs des gadgets de luxe’’. D’ailleurs, il n’y a certes pas très longtemps que les Congolais de la diaspora étaient manifestement assimilés à cette religion observée par des individus branchés de la haute couture ayant pignon sur rue à Paris, communément appelée le ‘‘Kitendisme[i]’’ ou la ‘‘Sape[ii]’’. Par conséquent, c’est cette image de médiocrité et d’imbécilité que tente, à n’en point douter, de corriger de nos jours la nouvelle et jeune génération des Congolaises et Congolais de l’extérieur. Ce qui est pratiquement en soi une rupture radicale avec la culture prédominante de leurs parents et géniteurs trop souvent jugés d’écervelés et d’incompétents ou de profiteurs par leurs contemporains.
En effet, la Diaspora congolaise en Occident s’est profondément renouvelée. Elle est composée en majorité de familles ayant en son sein des membres qui disposent d’un capital scolaire et académique considérable. Ce bagage intellectuel leur permet ainsi d’apprécier avec justesse leur environnement immédiat. Il leur permet de jeter un éclairage certain et moins complaisant sur leur univers. Cette communauté est, surtout, composée d’une jeunesse très engagée et éprise de débats. Même si, dans les faits, cela ne respecte pas toujours la déontologie démocratique. Celle-ci n’hésite pas à remettre en cause les acquis de la collectivité, tout comme la tradition ringarde des aînés. C’est effectivement dans cette quête d’identité et, surtout, dans cette volonté de découvrir la Mère-Patrie que naît l’engagement de la diaspora dans le changement des mœurs qui animent localement son espace immédiat et intérieurement le pays des ancêtres.
Dans cette mouvance et dans cette dynamique, les Congolais de l’étranger découvrent que la diaspora constitue un véritable désert idéologique. Celle-ci n’est pas organisée et soudée. Elle est éparpillée. Elle est complètement émiettée. À vrai dire, elle constitue un terrain en friches qu’il faut à tout prix cultiver. Sa mise en valeur passe nécessairement par son unification en termes de discours vis-à-vis de l’espace géographiquement occupé mais également d’attitude vis-à-vis de la Mère-Patrie, qui tend à rejeter ses propres enfants vivant à l’étranger tout comme évoluant à l’intérieur des frontières nationales.
À cet effet, le conflit doublement armé et meurtrier, actuellement en cours dans l’Est de la République démocratique du Congo du fait de la triple agression militaire ‘‘burundo’’-‘‘ougando’’-‘‘rwandaise’’, fournit à la diaspora des arguments propices à des fins de mobilisation tous azimuts de ses membres à l’extérieur et de stimulation des énergies nationales à l’intérieur du pays. Il importe de souligner que cette attaque est, d’ailleurs, ostensiblement appuyée, orchestrée et manigancée par de puissants intérêts occidentaux d’extraction anglo-saxonne. Cette guerre aux allures d’extermination des pans entiers de la Nation lui permet donc de se souder dans son espace immédiat qu’est l’Occident en adoptant un seul discours axé sur la libération nationale afin d’extirper la Mère-Patrie des griffes d’exploitation de la communauté internationale. Aussi lui permet-elle de contester très virulemment l’ordre politique et gouvernemental établi au Congo par les forces mercantilistes et néolibérales au service exclusif de la maffia internationale.
Ce faisant, la jeune Diaspora qui n’a pas vraiment connu l’épopée de l’indépendance congolaise, fait appel aux figures emblématiques ayant marqué en lettres d’or et de feu l’histoire de la résistance nationaliste à la colonisation belge. Elle revendique de ce fait l’essentiel de son héritage idéologique du panafricaniste Patrice Emery Lumumba, le père de l’indépendance nationale, et du prophète ''Tata'' Simon Kimbangu, fondateur de l’Église kimbanguiste. Elle revendique, en réalité, le legs de ces deux personnages historiques dans la mesure où ils n’ont jamais fait la moindre concession politique et diplomatique aux puissances colonialistes et impérialistes.
Cette revendication idéologique de la Diaspora explique, en grande partie, son attitude intransigeante envers les vendeurs de la Patrie désignés par le terme ingrat et peu amène de ‘‘collabo’’. Dans ce groupe fourre-tout, sont classés aussi bien des politiciens véreux que des acteurs mendiants de la société civile. Y compris des artistes-musiciens dont la culture et le comportement ressemblent à s’y méprendre au dévergondage des prostituées autrement désignées travailleuses du sexe. Il convient de mentionner que ceux-ci soutiennent sans faille – [aveuglément] – le régime politique en place dont la responsabilité dans le bradage des ressources nationales et dans la désintégration étatique n’est plus à démontrer.
La responsabilité de l’artiste-musicien congolais
À ce niveau, la jeune diaspora congolaise qui se définit comme un acteur combattant ou un milicien résistant dont la mission primordiale consiste à libérer la Mère-Patrie de la gangue hégémonique extérieure, opère un distinguo entre les artistes-musiciens combattants et les artistes-musiciens collabos. Pour les Congolais de l’étranger, les collabos sont des relais du pouvoir international dans l’affaissement de la souveraineté de la République démocratique du Congo. Ce sont des agents de la cinquième colonne, chargés de soutenir les forces d’agression physique de l’indépendance et d’occupation du territoire national. Ce sont des éclaireurs du cheval de Troie rwandais, Joseph Kabila Kabange, défini pour la circonstance comme le poste avancé des puissances étatiques et gouvernementales dont la mission fondamentale consiste à détruire gratuitement la souveraineté internationale et l’indépendance nationale de la République démocratique du Congo.
Cette catégorie listée est composée de personae non gratae. En vérité, elle regorge donc des personnalités artistiques bannies des planches musicales en Occident. De ce fait, elle inclut les artistes-musiciens qui ont soutenu sans l’ombre d'un doute la campagne électorale et ostensiblement appuyé l’imposture politique de Joseph Kabila Kabange au détriment du Dr Étienne Tshisekedi wa Mulumba le lundi 28 novembre 2011. Parmi ceux-ci, il y a pratiquement tous les gros canons (grosses pointures) de la galaxie musicale nationale : ‘‘Papa Wemba’’ de Viva la Musica, ‘‘Koffi Olomide’’ de Quartier Latin, ‘‘Jean Noël Ngiama’’, dit Werrason, de Wenge Maison Mère, ‘‘Jean Bedel Mpiana’’ de Wenge BCBG, Tshiala Mwana, Reddy Amisi, etc.
Par contre, cette diaspora définit les musiciens combattants comme des artistes engagés dans la défense des intérêts vitaux de la Mère-Patrie. Ce sont des artistes qui dénoncent ouvertement, fustigent clairement et nettement le pouvoir d’agression et d’occupation dont Joseph Kabila Kabange est le maître d’œuvre, dont il est une des pièces maîtresses. Ce sont des artistes qui viennent en aide aux populations congolaises du Grand Kivu, meurtries par la guerre injuste leur infligée dans l’Est du pays et victimes d’un génocide qui ne dit pas son nom.
Dans cette définition tendancieuse qui trace la frontière nette, qui dessine effectivement une ligne de démarcation tranchante entre ‘‘Combattant’’ et ‘‘Collabo’’, cette diaspora engagée met visiblement en exergue la responsabilité politique des artistes en tant que leader d’opinion nationale. Pour elle, ceux-ci doivent plutôt être – sans concession, sans compromis – au service de la vérité des urnes lorsqu’il y a scrutin national qui engage l’avenir du pays. À ce titre, ils se doivent de dénoncer fermement les magouilles politiques et gouvernementales, les injustices administratives dont est indubitablement l’objet la population de la part des représentants de la Nation et délégués du Peuple. À ce niveau, les Congolais de l’étranger conçoivent en fait le rôle professionnel de l’artiste-musicien devenu 'lucide'', ‘‘conscientisé’’ et ‘‘clairvoyant’’ au même titre que l’apostolat de l’Ivoirien Alpha Blondy, le sacerdoce du Nigérian Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti, alias Fela Anikulapo Kuti, ou l’engagement militant du Malien Tiken Jah Fakoly.
Outre, la responsabilité politique de l’artiste-musicien dans le contexte malheureux et préoccupant du démantèlement de la Collectivité nationale, les Congolais de l’extérieur mettent en évidence le rôle socioculturel de ce troubadour des temps modernes. Pour la diaspora, la musique congolaise contemporaine est au service de la ‘‘dépravation des mœurs’’. Pour mettre un terme définitif à cette décrépitude morale, elle se substitue carrément à la police des mœurs, dans le style de la police du vice et de la vertu en Arabie saoudite, laquelle n’hésite pas à recourir à la violence physique pour punir les contrevenants. Aussi se substitue-t-elle à l’organisme administratif chargé d’apprécier la moralité d’une œuvre musicale et, à ce titre, de sanctionner l’artiste compromettant pour la santé morale du Citoyen ou contrevenant aux règles de bienséance sociale. Par conséquent, celle-ci n’hésite pas à décréter, en qualité d’agent de la censure (le fonctionnaire), tel ou tel artiste-musicien impropre à la consommation des masses et même à décider de son interdiction de se produire devant des mélomanes.
Ainsi, en vertu de la civilisation soudano-bantoue dont est évidemment tributaire la République démocratique du Congo, l’artiste-musicien est perçu par la diaspora comme un pédagogue. Dans cette culture subsaharienne, il est vu comme un critique social dont la mission primordiale consiste plutôt à instruire la multitude, à enseigner les masses. Son rôle premier ne se résume pas à prostituer ses propres Concitoyens pour des motifs évidemment matérialistes. Il consiste plutôt à les édifier par la propagation des valeurs culturelles saines – [sur les plans tant moral et spirituel que matériel et intellectuel] – pour qu’ils soient naturellement de bons citoyens dans la Collectivité publique.
À cet égard, les Congolais de l’étranger s’érigent en moralisateur et pourfendeur de l’univers musical en particulier, plus enclin à verser dans la bassesse et la médiocrité. Et partant de là, ils s’érigent en moralisateur de la société en général. Ce qui revient à dire en réalité que les Patriotes, les Combattants et les résistants luttent effectivement contre l’inversion des valeurs devenue très symptomatique et très caractéristique de l’environnement national. Sur ce terrain, l’ensemble de ces forces contestataires du pouvoir de Kinshasa sont d’ailleurs sensées partager le discours autant moralisateur que pourfendeur véhiculé à l’encontre du régime tyrannique par des familles de pensée politique, tout à fait proches de l’Opposition démocratique, pacifique et non-violente.
L’impact de l’embargo musical
Il est un fait que l’embargo décrété sur les productions scéniques en Occident par des éléments les plus engagés et les plus extrémistes de la Diaspora congolaise a porté un coup dur sur les budgets déjà étroits des artistes-musiciens. Il importe de souligner que ceux-ci vivent sempiternellement de la mendicité, tout comme de la magnanimité des malfrats autant politiques que civils. C’est la raison pour laquelle ces saltimbanques cherchent par tous les moyens à briser ce ‘‘décret’’ qui tend davantage à les paupériser.
Dans le but de contourner cette ''fatwa'' musicale qui tend, incontestablement, à les asphyxier financièrement, certains artistes-musiciens évoquent la possibilité de jouer des concerts humanitaires au profit des femmes violées de l’Est du pays. Ainsi espèrent-ils apaiser le courroux des Congolais de l’étranger. C’est le cas ouvertement déclaré de Jean Bedel Mpiana de Wenge BCBG censé être produit par l’homme d’affaires haïtien Alain Claude. C'est également le cas très particulier et très singulier de Fally Ipupa - dont la conscience sociale et surtout l'action humanitaire ne sont plus à démonter - et de Héritier Watanabe. Il convient de relever que cette ire de la Diaspora congolaise est d’ailleurs justifiée par l’appui sans faille desdits artistes-musiciens à des politiciens véreux et réputés destructeurs de la Collectivité étatique, ainsi que des geôliers de la Communauté nationale.
Ce qui est évidemment clair, cette idée d’organiser des concerts humanitaires dans le strict but de soulager des femmes congolaises éplorées et meurtries par la guerre n’est pas en soi déplacée et même a priori mauvaise. Cela peut même constituer un moyen de réconcilier la Diaspora d’avec les artistes-musiciens indexés. Car, après tout l’objectif premier par elle poursuivi est le changement des mentalités et comportements moraux des leaders d’opinion nationale. À cet égard, les Congolais de l’extérieur peuvent utiliser cette opportunité en vue de mettre à l’épreuve leurs compatriotes qui se sont fourvoyés et, par voie de conséquence, transformer toutes leurs habitudes et toutes leurs attitudes dans la vie.
Au lieu de tomber dans une forme de diabolisation systématique des uns et des autres, les deux groupes antagoniques peuvent très bien se tendre la main de la paix et parler le langage de l'harmonie. La Diaspora peut bel et bien profiter de cette occasion pour prendre immédiatement langue avec les artistes-musiciens dans le but de les ramener dans son camp des moralistes en participant directement à titre de ‘‘coorganisateur'' ou ''coproducteur'' à tous ces événements culturels qui se déroulent dans sa juridiction et dont la pertinence sociale et humanitaire est avérée. En vue de garantir leur crédibilité au niveau de la gestion économique et financière, elle doit réellement s’assurer par son contrôle efficace que le produit réellement tiré de la vente des billets et autres services afférents est entièrement reversé aux organismes qui viennent en aide aux femmes de l’est de la République démocratique du Congo[iii].
Une telle démarche prouverait éminemment la ‘‘Sagesse africaine’’ qui privilégie, à vrai dire, le dialogue et la solidarité. Celle-ci doit, en tout état de cause, prévaloir en cas de conflit ou de bisbille entre les membres d’un même groupe ou d’une même famille. Au moins, avec une telle approche civilisée, la Diaspora aura réussi un véritable tour de force en associant directement à sa juste cause les artistes-musiciens trop souvent jugés distants des préoccupations nationales. Elle aura, donc, réussi à les sensibiliser au sort de la Mère-Patrie. À ce niveau, tout est question de bon sens, de jugeote dans la mesure où le Congolais doit également ‘‘apprendre à utiliser toutes ses forces, quelles qu’elles soient, et savoir transformer un défaut en qualité et surtout à son avantage !’’’.
La Diaspora congolaise ne doit pas feindre d’oublier que la musique est d’abord et avant tout un art. Or, un art est, par essence, l’expression culturelle d’un environnement social. Par conséquent, la musique congolaise ne peut que refléter, respirer et transpirer le contexte socioculturel dans lequel elle meut. Si cet espace est vicié, cela se ressentira bien entendu dans les œuvres artistiques et musicales.
Donc, dans un contexte de paupérisation culturelle très nettement et très clairement marqué par l’inversion des valeurs tant spirituelles et morales que matérielles et intellectuelles, l’art en général, tout comme la musique en particulier, joue à n’en point douter le rôle de photo-radar météorologique. En réalité, il est cette image instantanée destinée à faire prendre conscience de la température ambiante dans la société et, par conséquent, [à] faire adopter des dispositions permettant de se protéger contre les intempéries. Il y a donc là une belle opportunité à saisir afin de décrisper l’atmosphère de plus en plus tendue, lourde et insupportable. D'autant plus que personne n'y gagne en réalité !
Un acteur de premier plan
En décrétant fermement l’embargo sur les artistes-musiciens, et ce conformément au contexte sociopolitique et socioculturel prévalant d'ailleurs actuellement en République démocratique du Congo, la Diaspora vivant en Occident signifie, réellement, à tous les pans de l’environnement national qu’elle se veut un ‘‘acteur’’ à part entière de la vie du pays. Par cette mesure, elle entend, en fait, signifier qu’elle est une force non seulement socioéconomique mais encore politique. Aussi signifie-t-elle au pouvoir récalcitrant et décrié, y compris l'opinion nationale et internationale, qu’elle prend très au sérieux son rôle. Elle entend, à ce seul et unique titre, jouer le rôle que l’on attend effectivement d’elle. C’est-à-dire : ‘‘la mission de contrepoids politique et démocratique’’ dans un contexte de confiscation du pouvoir par des intérêts rétrogrades, des puissances réactionnaires au service exclusif du démantèlement de la Collectivité publique.
En attendant, les Congolais de l’étranger doivent plutôt poursuivre la modernisation de leurs structures associatives. Ils doivent promouvoir, à cet effet, l’intégration commune dans le but de mieux défendre leurs intérêts légitimes et fondamentaux auprès de différentes autorités politiques, gouvernementales et administratives de la République démocratique du Congo. Car, il n’est pas du tout normal que ce pan important de la Communauté nationale aille effectivement en ordre dispersé lors des assises nationales, d'ailleurs, décisives à leur propre avenir. Et, suprême insulte à la démocratie à laquelle elle demeure toutefois très attachée, il n’est pas, à vrai dire, de bon ton, ni de bonne augure, que la Diaspora se présente à tous ces forums avec des délégués n’ayant reçu aucunement d’elle un mandat légal et légitime. De ce fait, à quoi bon critiquer les imposteurs qui ont littéralement volé, subtilisé, escroqué la victoire du Peuple congolais le lundi 28 novembre 2011 et qui ont indéniablement saboté le pouvoir du souverain primaire.
Par ailleurs, le vrai changement politique n’interviendra pratiquement en République démocratique du Congo qu’avec des thérapies expérimentées sur-place. Le véritable terrain de prédilection, c’est bel et bien le pays : la République démocratique du Congo. Ce n’est pas ailleurs. A fortiori en Occident ! Se tromper de champ de bataille constitue ‘‘un acte d’imposture qualifié de très haute trahison’’. Par conséquent, ce n’est pas avec des solutions administrées à mille lieues que la transformation tant espérée et attendue que recherchée s’opérera par magie. Nenni. Entretenir une telle vision de la réalité serait indubitablement faire fausse route. Ce serait prêcher dans un désert aride plus vaste et plus sec que Sahara, Kalahari, Gobi ou Atacama. Ce serait assurément mettre de la poudre aux yeux de tous les Congolais autant de l’intérieur que de l’extérieur.
Une autre tare de cette fameuse résistance patriotique et combattante est qu’elle demeure, à vrai dire, un phénomène totalement amplifié par la magie de l’électronique et du multimédia. Facebook, Périscope et Youtube lui servent, en réalité, de rampe de lancement, de plate-forme de diffusion et de caisse de résonnance. Bref, tous ces médias électroniques lui servent évidemment, sans conteste, d’amplificateur. Ce qui est déjà en soi un véritable exploit en vue d'atteindre les adhérents et sympathisants à la cause nationale . Tout comme l’opinion publique de manière général.
En décryptant ce phénomène sociologique, il est d'ailleurs remarqué que ce mouvement de libération nationale, - cependant d’un nouveau genre ou d’un nouveau style -, est complètement morcelé. Il n’existe pas de véritable centralisation ou de véritable coordination dans ses revendications. Tout comme il n'y a pas de cohésion et de cohérence dans sa démarche.
En effet, tout le monde veut être leader, guide, timonier. Tout le monde veut être aux avant-postes. Tout le monde veut commander et non être dirigé. Tout le monde veut être réellement la locomotive et non pas le train. Tous sans exception veulent se placer à l’avant-plan. Personne ne veut, en réalité, demeurer à l’arrière-plan. Ceci est, à n’en pas douter, une tare du ''Mobutisme'' impénitent dans lequel les incompétents cherchent toujours à déclasser les plus méritants, les plus compétents sur les plans technique et intellectuel, afin d’occuper les postes de direction ou de commandement hiérarchique. Il y a effectivement ‘‘beaucoup de chefs et peu d’indiens’’.
C’est la raison pour laquelle le discours de la Diaspora combattante est on ne peut plus diffus, confus. Cela frise la cacophonie dans bien des scénarii. C’est également la raison pour laquelle le front du combat de libération qui se situe normalement à l'intérieur du pays, demeure toujours déserté. En corollaire, celui-ci est, de surcroît, investi par les forces ennemies. Ce n’est point de cette manière qu’il faut espérer les déloger selon le principe sacré de la lutte ‘‘Là où se terre l’ennemi juré, campent vaillamment les forces patriotiques de libération nationale’’. En d'autres termes, au sein de la Diaspora congolaise, et avec la théâtralisation de l'activisme combattant ou résistant, n'est-on pas en face de véritables lâches qui prennent en fait leurs phantasmes ou illusions pour la réalité ?
Puisqu’il s’agit du combat de libération nationale de forces réactionnaires, il y a lieu de remarquer que la libération d'un peuple dont les revendications légitimes sont délibérément ignorées, les droits fondamentaux sont piétinés, ne s’improvise nullement. Quand bien même la bonne volonté peut servir d’aiguillon ! Une kyrielle de facteurs déterminants entrent en ligne de compte pour réussir cette mission périlleuse. À cet égard, les paramètres dont il faut tenir compte impérativement, sont ‘‘la formation idéologique, la formation en méthodes de lutte, la maîtrise de l’environnement du conflit, la meilleure connaissance de l’adversaire ou de l’ennemi, ses atouts et ses faiblesses, la connaissance de soi, la parfaite maîtrise des ressources en jeu’’, etc.
Pour ainsi dire, jamais la libération nationale d’un pays, quel qu’il soit, ne s’opère avec des handicapés physiques ou mentaux. Elle est réussie avec des personnes totalement aguerries et déterminées, avec des individus en très bonne santé physique et mentale. Elle est véritablement acquise dans l’univers social où se vit le conflit en permanence et, surtout, avec intensité.
À bon entendeur salut !
- Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
[i] ‘‘Kitendi’’ en lingala signifie tissu, vêtement. Le ‘‘Kitendisme’’ est la religion de celles et ceux qui vouent un culte adorateur aux vêtements de luxe conçus par des créateurs de la haute couture. Cette pratique cultuelle et vestimentaire dont le héraut et précurseur fut certes le ‘‘grand-prêtre’’ ou le ‘‘pape de la Sape’’ Adrien Ngantshe Mombele, dit Stravos Niarchos, a été vulgarisée par des musiciens, tels Papa Wemba, King Kester Emeneya, etc.
[ii] Société des ambianceurs et des personnes élégantes.
[iii] En tant que coorganisatrice des concerts humanitaires, la Diaspora congolaise peut normalement contrôler et suivre la traçabilité des fonds envoyés dans l’est de la RDC, dicter le répertoire musical à interpréter dans les circonstances, et surtout enfermer les artistes-musiciens, bien entendu moyennant cahier des charges, dans un comportement moral digne de ce nom. En adoptant cette méthodologie, celle-ci participe ipso facto, logiquement et forcément, à l’apprentissage des pratiques gestionnaires de la bonne gouvernance qui font naturellement défaut à la plupart des entreprises congolaises prestataires de spectacles musicaux ou de grands événements culturels.