Muhammad Ali est certes le plus grand boxeur de l'histoire. Par son style dansant comme un papillon dans un ring, lequel allie charme, rapidité dans l'exécution des coups et calcul, ce natif de Kentucky a donné ses plus belles lettres de noblesse à ce sport mythique.
In Memoriam
Le ‘‘dernier round’’ disputé par Muhammad Ali
Le point final de la vie de ‘‘The Greatest’’
Une flamme dans la tempête s’est éteinte à jamais
‘‘À l’instant où un esclave décide qu’il n’est plus esclave, ses chaînes tombent.’’ Mohandas Karamchand, alias Mahatma Gandhi
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
À Louisville, dans l’État de Kentucky, le rideau est définitivement tombé sur la vie prolifique de ‘‘The Greatest’’. Désormais, Muhammad Ali, né Cassius Marcellus Clay, sera conjugué au passé. Un passé riche tant en événements qu’en enseignements. Un passé riche en événements puisque marqué au fer rouge par la ségrégation raciale pratiquée par son pays qui dénie manifestement des droits élémentaires à sa propre population. Un passé riche en enseignements puisque au cœur de l’édification d’une Nation essentiellement fondée sur les idéaux de ‘‘progrès’’ et de ‘‘liberté’’.
Certes, le rideau est tombé. Par conséquent, Muhammad Ali est passé de l’autre côté du voile. Toute la question est de savoir si le combat humaniste qu’il a mené, durant toute sa vie et toute sa carrière, avec passion et abnégation, lui survivra en réalité. Cela est d’autant plus vrai que son pays, [les États-Unis d’Amérique (USA)], ne s’est pas complètement débarrassé de vieux démons du racisme malgré la présence très remarquée et très honorable à la Maison Blanche du premier président de couleur. En l’occurrence le démocrate Barack Hussein Obama.
Ce qui est sûr et certain, Muhammad Ali a été, dans son propre pays, le porte-parole des êtres totalement néantisés et marginalisés par un système dont l’humanisme se réduit et s’arrête, carrément, à un discours de portée moralisatrice et messianique. Aussi a-t-il été incontestablement le porte-voix des opprimés de la planète Terre. En effet, son noble combat en faveur de la ‘‘Justice’’ et de la ‘‘liberté’’ a, très largement, dépassé les seules bornes des USA.
En témoigne particulièrement et singulièrement son refus catégorique de combattre militairement le parti Viet-Minh d’inspiration communiste et d’essence nationaliste ayant réussi à instrumentaliser les ‘‘Viêt-Cong’’ contre les intérêts occidentaux et la présence américaine au Vietnam. Muhammad Ali adopte, très courageusement, cette attitude aux antipodes du Nationalisme martial. Non sans quelque résistance, celui-ci est, d’ailleurs, promu par son gouvernement dans le but d’affirmer la suprématie ‘‘sanguinaire’’ et ‘‘mortifère’’ d’une superpuissance réputée exalter paradoxalement la liberté mais, en réalité, passée ‘‘maîtresse’’ dans l’art d’asphyxier délibérément les libertés, d’étrangler tous azimuts les droits fondamentaux des autres Peuples.
En témoigne également la compassion que le pugiliste Muhammad Ali manifeste à l’égard des ressortissants occidentaux[i] devenus, à leur corps défendant, otages des groupes terroristes voire prisonniers des régimes tyranniques. Ce comportement altruiste le pousse, naturellement, à négocier directement et personnellement leur libération au Liban ou en Irak de Saddam Hussein évidemment en porte-à-faux avec la communauté internationale en 1990. Il sied de mentionner que ce géant sportif de l’histoire a également participé activement à la libération des prisonniers de guerre après le violent et meurtrier conflit armé entre l’Irak et l’Iran en 1993.
Toutefois, en matière d’activisme politique sur le plan international, le plus grand regret de Muhammad Ali demeure sa pleine et entière participation au boycott des Jeux olympiques de Moscou de 1980, d’ailleurs prôné par les États-Unis d’Amérique. C’est, en réalité, à la demande expresse du président démocrate ‘‘James Earl Carter’’, que Muhammad Ali accepte de prendre le leadership de ce mouvement occidental en vue d’aligner les États africains sur la position de Washington et, par conséquent, isoler l’Union des républiques socialistes et soviétiques (URSS) pour avoir, surtout, envahi l’Afghanistan en 1979. Celui-ci finit par faire marche arrière lorsque feu le président Julius Nyerere[ii] de la Tanzanie refuse catégoriquement de lui accorder une audience à cet égard. A partir de cet ‘‘incident’’, il décide d’écourter, très rapidement, son périple africain et, par voie de conséquence, se résout à regagner sans tarder ses pénates aux USA. A travers cet événement, il a vite compris s’être fait manipuler par son gouvernement dans le dessein d’embrigader les Africains dont l’indépendance politique et diplomatique a été, une fois de plus, entamée.
Donc, par ses actes et ses convictions profondes, Muhammad Ali a été éminemment non seulement une très forte ‘‘voix’’ chargée de tempêter contre l’injustice ambiante mais également le phare de la Conscience chargée d’édifier l’être humain. Dans cette position délicate, sa noble mission consistait en fait à exalter les principes et valeurs qui, pourtant, fondent, dans son essence, la Nation américaine. A savoir le triptyque républicain véhiculé idéologiquement par les Révolutions française et américaine à la toute fin du XVIIIe siècle : ‘‘Liberté’’, ‘‘Égalité’’ et ‘‘Fraternité’’. Aussi consistait-elle à souligner que la vie se résume, fort naturellement, à la considération et au respect de son prochain. Donc, celle-ci se réduit, concrètement, à l’affirmation claire et nette de la dignité humaine. En d’autres termes, ‘‘l’affirmation de la Justice ou de l’Équité’’.
Ce qui est clair, le boxeur Muhammad Ali, de son vivant, a rappelé énergiquement à la superpuissance américaine qu’elle était en fait une démocratie à éclipse en violant de manière flagrante voire grossière ses propres valeurs et ses propres principes et qu’à ce titre, elle ne saurait être regardée de grande championne de la démocratie et des libertés comme elle le ‘‘clame’’ haut et fort dans les cénacles internationaux. A cet effet, ce grand champion de l’humanisme est, à vrai dire, ‘‘The Greatest’’. Celui-ci est, sans aucun conteste, ‘‘The Greatest’’ pour avoir, à sa façon, influencé largement son époque trouble. A cet égard, Muhammad Ali restera bien entendu, dans l’histoire contemporaine, comme le plus grand sportif que le 20e siècle n’ait, vraiment, jamais enfanté en raison de son incommensurable ‘‘talent’’ sportif et, surtout, de sa vive ‘‘passion’’ à servir les grandes ‘‘causes humaines’’ de son temps.
Rest In Peace (RIP).
- Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
[i]Il s’agit de 32 citoyens américains, britanniques et canadiens capturés au Koweït envahi militairement par le régime de Bagdad et érigés en boucliers humains par le gouvernement de Saddam Hussein.
[ii] Contrairement aux autres dignitaires du Continent plus enclins à pactiser avec les États-Unis d’Amérique et à épouser sans rechigner leurs vues dans le cadre de la guerre froide (feu le Maréchal Mobutu Sese Seko du Zaïre).