Le ''Miraculeux'' Pape Jean-Paul II
“L’attitude de l’homme devant le mystère de Dieu détermine toute sa vie sociale et culturelle.” Jean-Paul II
Par Joël Asher Lévy-Cohen
1978 reste, à n’en pas douter, une année assez exceptionnelle dans les annales de l’Église Catholique. En effet, cette Congrégation romaine connaît rapidement, au cours de cette période, trois Papes. Décédé des suites d’une longue maladie après vingt-cinq ans de papauté, Paul VI (Giovanni Battista Montini) est remplacé coup sur coup par Jean-Paul 1er (Albino Luciani), Patriarche de Venise, n'ayant pas survécu après 34 jours de règne et le très jovial Jean-Paul II.
De son véritable nom, Karol Jozef Wojtyla, cet ancien archevêque de Cracovie (Pologne) terrassé par la maladie d’Alzheimer (Parkinson) a passé vingt-six ans à la tête du pontificat romain. Ce prince de l’Église catholique présente, surtout, cette particularité et cette singularité d’être en quatre cents ans le premier non Italien à être élu ‘‘Pape’’, et ce depuis le Flamand Adrien VI (1522-1523).
Le Pape Jean-Paul II est un Personnage hors du commun. S’il y a un mot qui peut définir et résumer sa vie, la ‘‘Résignation’’ serait le terme justement approprié. En effet, la vie physique de Karol Jozef Wojtyla a toujours été marquée par une série d’événements à la fois durs et cruels à supporter.
Dès son jeune âge, ce futur Pape est frappé par la perte de ses proches parents : sa mère et son frère aîné qu’il adorait tant. Devenu majeur, il est enrôlé de force dans les camps de travail dont les geôliers sont les Nazis. Galvanisés par le IIIe Reich du bourreau Adolf Hitler, ces derniers envoient gratuitement à la mort des millions d’êtres humains qui avaient le seul tort d’être juif, tzigane ou témoin de Jéhovah. À cette époque, le jeune Karol Jozef Wojtyla assiste fort impuissant au déferlement de la machine de guerre hitlérienne et nazie qui écrase impunément, en Europe, des personnes sans protection, dont des parents, proches et amis.
Tous ces événements malheureux qui ont cours dans sa Pologne natale amènent Karol Jozef Woytila à forger sa personnalité. Ils vont développer en lui cette force de caractère qui lui permet de surmonter les épreuves et de dominer la réalité. Cela se traduit concrètement par le sourire qu’il arbore gratuitement. En réalité, celui-ci constitue pour lui une arme non pas pour séduire mais pour se situer au-dessus de la fatalité. En corollaire, il lui permet de vaincre le mal, de dominer la maladie et tout son être physique soumis aux contingences des lois matérielles.
À ce propos, il est raconté que, lors de son passage dans les camps de travaux forcés érigés par les Nazis en Pologne, le jeune Karol Jozef Wojtyla pratiquait le théâtre rapsodique dans le but d’entretenir le moral des forçats ou codétenus. À cet égard, il utilisait le rire comme une thérapie de libération spirituelle. C’est ce qui fait de lui un homme joyeux, un « Pape joyeux », dirait-on !
Dans sa carrière, le Pape Jean-Paul II en qualité de successeur de Pierre, Apôtre de Jésus-Christ, demeure dans le cœur et la conscience des Catholiques comme le gardien de la foi chrétienne et du dogme religieux. Il est un adorateur invétéré de
Aussi le Pape Jean-Paul II reste-t-il très profondément attaché à la doctrine de la foi catholique fondée sur la Sainte Trinité. Très solidement campé dans la lignée conservatrice de ses prédécesseurs, le Souverain Pontife s’oppose farouchement au mariage des prêtres et à l’ordination des femmes. Dogme, d’ailleurs, établi au IVe siècle de l’ère chrétienne.
Sur les grandes questions de société[i] qui interpellent, tout à fait, la conscience humaine, le Très Saint-Père met substantiellement en cause la civilisation actuelle très nettement marquée par le loisir, le plaisir et le désir, réellement emprisonnée par le matérialisme contagieux. Solidement campé dans l’orthodoxie catholique, cet illustrissime Successeur de l’apôtre de Jésus Christ Saint-Pierre s’oppose avec fougue à l’homosexualité érigée pour des motifs purement électoralistes par les démocraties occidentales au rang de culture sociale et d’institution humaine. D’après cette autorité suprême de l’Église de Rome, ce phénomène socioculturel résolument contraire aux us et coutumes des Chrétiens est une dérive éloignant spirituellement l’Être humain de l’Éternel Tout-Puissant, son Créateur.
Ce Pape hors du commun ne manque pas de fustiger violemment la démocratie. Bien qu’elle soit, selon lui, le moins mauvais des régimes ou systèmes politiques, il la considère froidement comme un système politique et idéologique, à la fois, fragile et incapable de barrer la route aux forces du Mal. En effet, la démocratie en Europe n’a vraiment pas pu contenir voire repousser des cancers politiques et idéologiques tels l’hitlérisme, le Nazisme ou le Communisme. De nos jours, elle s’avère incapable de circonscrire l’avancée des forces obscures : ‘‘l’obscurantisme religieux et l’extrémisme politico-idéologique évidemment destinés à assujettir l'Humain, à emprisonner l’esprit ou l’âme, à écraser totalement la liberté en tant que Don précieux et sacré de la Providence céleste’’.
Très profondément attaché à la Vie qui est mystiquement au cœur de la Création, donc au centre de l’œuvre divine, le Pape Jean-Paul II s’oppose avec la dernière énergie à l’avortement. Ce faisant, celui-ci n’hésite nullement à comparer ce droit conquis par les femmes après d’âpres luttes à l’holocauste ou au génocide en tant que processus de négation de
De son point de vue, l’avortement s’avère, donc, un reniement, une transgression de la divinité de Jésus-Christ qui est à la fois l’expression de la Vie et de l’Amour, le symbole de l’Alliance éternelle entre le Très-Haut et les Hommes en vue de la renaissance de l’Humanité ambiante. Vu strictement sous cet angle, l’avortement est perçu par le souverain pontife comme l’acte de tuer profondément Dieu. Il est assimilé rien que moins à un Déicide. Force est d’admettre que toute cette vision du monde ainsi que des problèmes humains constitue, de nos jours, le testament moral et spirituel qu’il lègue à l’humanité tout entière.
La vie du Pape Jean-Paul II faite de tribulations l’amène forcément à professer le pardon et la réconciliation. C’est à ce titre qu’il daigne demander solennellement pardon aux Peuples négro-africains pour la conduite de l’Église romaine lors de la traite négrière et de la colonisation. C’est aussi à ce titre qu’il sollicite le pardon de la communauté israélite pour l’attitude des Chrétiens catholiques à son égard lors de la tristement célèbre IIe Guerre mondiale. C’est également à ce titre qu’il accepte très volontiers le pardon sincère de son agresseur armé, le Turc Ali Agça, d’ailleurs manipulé par les services secrets des pays du Pacte de Varsovie pour l’éliminer physiquement.
Poursuivant dans la ligne droite de Paul VI qui rencontra à Jérusalem en 1964 le Patriarche chrétien orthodoxe Athënagoras, Sa Sainteté Jean-Paul II restera dans les annales de l’Église chrétienne catholique comme le Pape de l’œcuménisme. Pour des sessions de prière spéciales destinées à la paix des Esprits et des Âmes, cette autorité religieuse ne cesse de convier au Vatican les dirigeants des autres confessions ou communautés de croyance. Cette ouverture d’esprit manifestée de sa part résulte, très certainement, de sa tendre enfance en Pologne où il a vécu en harmonie avec des personnes de confession juive.
Œcuménisme signifie à cet égard pour le Très Saint-Père : Paix et Harmonie entre les grands courants religieux, Tolérance, Communion et Partage d’expériences en vue d’affermir la foi en l’Humanité vivante, de promouvoir la paix entre les êtres humains. En d’autres termes, ce Souverain Pontife s’oppose très catégoriquement à la résurgence des guerres saintes. En effet, leurs conséquences sont fâcheuses pour la survie de l’espèce humaine qui est, par nature, un Don incommensurable de Dieu.
Toutefois, dans les annales de l’humanité vivante, le Pape Jean-Paul II demeurera très certainement un personnage politique influent qui aura marqué de toutes ses empreintes et dans toutes ses dimensions son temps. En effet, le Très Saint-Père est vraiment perçu dans l’histoire contemporaine comme l’homme qui a défié les Soviétiques, lutté contre le communisme et enfin défait le rideau de fer. Force est de souligner que son élection, d’ailleurs, inopinée à la tête de la Toute-puissante Église catholique de Rome déclenche, dans les années quatre-vingts, une vague de contestation politique et de changement démocratique en Europe centrale et orientale. Celle-ci déferle sur bon nombre de régimes verrouillés en commençant par sa Pologne natale dominée par le général-président Wojciech Jaruzelski.
Bénéficiant de sa caution morale ainsi que de son assistance stratégique, cette révolution contre l’Ordre rouge, la dictature marxiste-léniniste substantiellement axée sur le socialisme et le collectivisme, finit par emporter l’Allemagne de l’Est aujourd’hui fondue au sein de la grande Allemagne réunifiée. Celle-ci finit même par faire éclater l’impériale Union des Républiques socialistes et soviétiques, en sigle (URSS). Elle finit, surtout, par faire basculer des États de l’Europe centrale, telles la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie (divisée en deux États : la Tchéquie et la Slovaquie) dans le camp prodémocratique. Il sied de relever que la plupart de ces pays sont, de nos jours, intégrés dans l’Union européenne (UE).
Aussi y a-t-il lieu de mentionner que l’une des plus grandes encycliques signées au cours de sa Papauté par ce Successeur de Saint-Pierre est ‘‘Veritatis Splendor’’ (La Splendeur de la Vérité) qui est un véritable hymne à la dignité humaine, un grand plaidoyer à la liberté en tant que Don de Dieu. Dans la même veine, son dernier ouvrage intitulé, ‘‘Mémoire et Identité’’[ii], est substantiellement la vignette de sa Foi chrétienne et de sa constance pontificale. Malgré qu’il soit très affaibli physiquement par la maladie, le Très Saint-Père y expose magistralement, avec lucidité les grandes questions ‘‘morales’’ ou ‘‘éthiques’’ de l’Humanité ambiante. À cet égard, celui-ci doit être considéré comme son testament spirituel.
Sous son autorité de Chef de l’État du Vatican, le Pape Jean-Paul II a institué une diplomatie dite ‘‘de bonne conscience’’ (témoignages du Cardinal Paul Joseph Jean Poupard). Celle-ci a montré son efficacité dans divers dossiers brûlants de la planète dont le Proche-Orient. Sur la question de l’Irak, la majorité des pays à obédience catholique, d’ailleurs inspirés par cette approche, se sont inéluctablement opposés à l’invasion américaine en quête de légitimité internationale. C’est ce qui a fait que le Chili et le Mexique étaient dans la grande incapacité de soutenir au sein du Conseil de sécurité de l’ONU l’option militaire des États-Unis d’Amérique.
S’agissant de l’éternel conflit israélo-palestinien, Vatican pèse de tout son poids pour éviter la violation des lieux saints de la chrétienté par les protagonistes dans la ville sainte de Jérusalem. Concernant la République démocratique du Congo, cet État en proie à un conflit armé des plus violent et des plus meurtrier doit à ce jour son intégrité territoriale à l’action et l’intervention personnelle de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II auprès de différentes grandes puissances certes favorables à son complet démembrement (la fameuse balkanisation territoriale). Que pourrait-il alors survenir après sa mort ?
Ce qui est sûr et certain, avec le trépas de Jean-Paul II, dit le Pape miraculeux[iii], qui s’est identifié durant sa toute sa vie au Christ souffrant et mourant, dont la Vie a été un véritable chemin de la croix à l’image de son modèle inspirateur, un Phare de l’Humanité ambiante s’est éteint, une Voix puissante de la Conscience universelle s’est tue… À jamais !
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
[i] Le mariage des prêtres, les unions homosexuelles, la contraception, la bioéthique, la reproduction des espèces, etc.
[ii] Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, Mémoire et Identité, Flammarion, Paris, 2005
[iii] Jeune, il a été renversé par une automobile des soldats nazis qui le laissent pour mort. Il a connu également plusieurs opérations (fracture du bassin, appendicite, ablation des tumeurs cancéreuses, extraction des balles, etc.).