Le Symbolisme du 24 avril 1990
‘‘Une dictature est un pays dans lequel on n'a pas besoin de passer toute une nuit devant son poste pour apprendre le résultat des élections’’.
Georges Clémenceau, Député, Homme d'État, Homme politique, Journaliste, Maire, Médecin, Ministre, Scientifique, Sénateur de la République Française (1841 - 1929)
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Le 24 avril 1990, le Maréchal-tyran Mobutu Sese Seko du Zaïre prononça un discours historique. Celui-ci s’articulait autour de trois axes fondamentaux. À savoir : le Zaïre en tant qu’espace politique et socioculturel devient irréversiblement un univers où la compétition ou la notion de concurrence est ouverte. Il devient un univers dans lequel les entreprises idéologiques s’affrontent sous l’arbitrage bienveillant du Citoyen et du Peuple souverain, primo. Secundo, l’élection devient le mode de légitimation politique de l’autorité publique qui siège dans les organes délibérants à titre de Représentant de la Nation. Tertio, la liquidation pure et simple de la philosophie ou du discours de l’Authenticité en tant que stratégie de confiscation du pouvoir et d’asservissement du Citoyen et du Peuple.
Très attendu par la Communauté aussi bien internationale que nationale, ce discours qui fut, à vrai dire, un constat ou un aveu d'échec pour la gestion politique, administrative et gouvernementale mobutiste, permit à l’ensemble des Congolaises et Congolais d’entrevoir finalement l’avenir avec optimisme, enthousiasme et zèle. D’ailleurs, plus d’un quart de siècle après, son écho ne cesse toujours de résonner aux oreilles fines et alertes du Peuple congolais que des régimes arbitraires ou autoritaires successifs tentent par tous les moyens de priver du simple droit de vivre dignement. Bref le droit élémentaire de rêver de son futur comme tout être digne de libertés publiques et de droits fondamentaux, comme tout Peuple de la planète terrestre dont l’existence ‘‘physique’’ et ‘‘morale’’ se définit inéluctablement par son ‘‘affirmation politique’’ en qualité de ‘‘Souverain primaire’’.
Toutefois, que symbolise-t-elle réellement cette adresse à la Nation du mardi 24 avril 1990 ? Quelle est sa véritable portée relativement à la situation plus que moribonde de la République démocratique du Congo handicapée par l’insécurité et emprisonnée par une dictature sanguinaire ? Quelle est effectivement sa véritable signification par rapport à une Collectivité totalement engluée dans la prévarication et la corruption, le sous-progrès socio-humain et le sous-développement économique ? Bref, quelle est certes sa signification par rapport à un État liquéfié, devenu politiquement et même juridiquement un non-État, une zone de non-droit ?
Dans le contexte politique de l’époque, sans doute, marquée par l’irruption de l’Union pour la démocratie et le progrès social, en sigle UDPS, s’appuyant fondamentalement pour exister dans l’espace national sur l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1967 [i] et la fameuse Lettre ouverte du 1er novembre 1980 au Maréchal-président Mobutu Sese Seko du Zaïre, cette allocution traduit inéluctablement la nette capitulation de la tyrannie. Aussi traduit-elle indéniablement le rejet du despotisme idéologique en tant qu’agent naturel du sous-développement économique de la Collectivité publique et, surtout, vecteur du sous-progrès social et humain du Citoyen.
Dans le contexte actuel indubitablement marqué par l’érosion du pouvoir politique et gouvernemental, le discours du mardi 24 avril 1990 signifie la réappropriation par le Peuple congolais de sa qualité de Souverain primaire. Il signifie que la légitimité qui entoure l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions politiques est conférée par le seul Peuple souverain et non point par les armes létales. D’où l’intérêt de libérer coûte que coûte l’espace national en instituant une véritable concurrence politique et idéologique sanctionnée par le libre choix de la population.
Dans le contexte actuel d’un pays vitrifié par des guerres de prédation économique et déstabilisé par des crises cycliques, cette allocution du 24 avril 1990 signifie que la véritable ‘‘Conférence nationale souveraine’’ (CNS) de 1992 est la [seule] et [unique] source de stabilité politique et institutionnelle. Aussi signifie-t-elle que ce forum est la seule et unique garantie de légitimité politique et institutionnelle. En effet, lesdites assisses nationales protègent mieux que quiconque la Souveraineté internationale et l’Indépendance nationale de la République démocratique du Congo très chèrement acquises le jeudi 30 juin 1960. À preuve, dans quelle direction le fameux processus de Pretoria de 2002 et de Sun City de 2003 a-t-il effectivement conduit ce pays devenu subitement fantomatique ?
https://www.youtube.com/watch?v=eZGVz3K4pWg
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
[i] Article 4 de la constitution du 24 juin 1967 :
Alinéa 1er : Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage.
Alinéa 2 : Il ne peut être créé plus de deux partis dans la République. Ces partis s’organisent et exercent leurs activités librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la République.
Cet article 4 de la Constitution du 24 juin 1967 a été remplacé par l’article 1er de la loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 portant révision de la Constitution, lequel déclare : « Le Mouvement populaire de la révolution est le seul parti politique de la République ».
Dans l’article 4 de la loi susvisée de 1970, il est inséré dans le titre III de la Constitution une section 1 intitulée « Du Mouvement Populaire de la Révolution » et comprenant un article 19 bis ainsi libellé :
Article 19 bis alinéa 1er : Le Mouvement Populaire de la Révolution est l'institution suprême de la République. Il est représenté par son président.
Alinéa 2 : « Toutes les autres institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son contrôle ».
Alinéa 3 : « Les structures et organes du Mouvement Populaire de la Révolution sont déterminés par ses statuts et règlements ».