La plainte judiciaire contre Martin Fayulu Madidi
‘‘La connaissance conduit à l’unité comme l’ignorance mène à la diversité’’ Râmakrishna
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
Le dimanche 30 décembre 2018, la République démocratique du Congo tenait un double scrutin présidentiel et législatif. L’élection présidentielle a été remportée par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (FATSHI) de l’UDPS et de la coalition CACH[i]. Mais, cette victoire a été contestée par le candidat de la coalition Lamuka[ii], Martin Fayulu Madidi, devant le tribunal constitutionnel. Face à un dossier vide, mal ficelé par des avocats dont la compétence intrigue au plus haut point, et une requête comportant maintes entorses à la loi électorale tant sur le fond que sur la forme, le juge constitutionnel n’a pas du tout hésité à confirmer la victoire du plus haut représentant de l’UDPS et candidat populaire de CACH.
Force est de souligner que la proclamation des résultats aussi bien par la CENI que par la cour constitutionnelle a donné lieu à de très nombreuses scènes de violence physique. En effet, des partisans incontrôlés se réclamant ouvertement de Martin Fayulu Madidi et de la coalition électorale Lamuka ont visiblement attaqué et, surtout, attenté à la vie physique des partisans de FATSHI. Tout comme, au nom de leurs revendications politiques, ceux-ci ont sèchement supprimé la vie physique des membres de l’ethnie dont fait culturellement et traditionnellement partie cette personnalité politique.
En raison de leur gravité, ces actes ignobles de la part des partisans de Lamuka et de Martin Fayulu Madidi mettant très sérieusement en péril la cohésion nationale ont été qualifiés de génocide pour avoir visé un groupe humain précis. À ce titre, ils ont royalement ouvert la voie au dépôt d’une plainte judiciaire au pénal devant le Bureau du procureur général de la République Flory Kabange Numbi. À cet égard, ce magistrat près la Cour de Cassation a jugé bon d’ouvrir une ‘‘information’’ judiciaire en vue de récolter tous témoignages probants et éclairants lui permettant de qualifier pénalement lesdits faits et agissements sur le terrain du droit.
Par conséquent, la plainte judiciaire déposée contre Martin Fayulu Madidi devant le Bureau du procureur général de la République soulève, en vérité, une série de questions légitimes.
Pour avoir animé de très nombreuses manifestations politiques au cours desquelles des partisans invétérés de Lamuka dont il est en réalité un des leaders les plus en vue, scandent à tue-tête des slogans haineux contre un groupe ethnique de la République démocratique du Congo, Martin Fayulu Madidi est-il, à vrai dire, responsable des actes répréhensibles de ses aficionados ? Si elle doit être effectivement soulevée, où se situerait-elle exactement sa responsabilité ? Est-ce sur les plans moral ou matériel ?
Une chose est sûre et certaine, dans la plupart des rassemblements politiques de Lamuka, ce sont des propres lieutenants de Martin Fayulu Madidi qui ont galvanisé la foule et touché les cordes sensibles des militants incontrôlés. Ceux-ci ont incité les partisans de Lamuka à chanter haut et fort des refrains appelant très ouvertement au meurtre du président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Ce sont également ses gardes rapprochées qui ont naturellement poussé les militants chauffés à blanc à chanter des slogans appelant directement aux meurtres de masse visant explicitement le groupe ethnique auquel Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo appartient. Jusqu’à preuve du contraire, tous ces lieutenants indélicats continuent, comme si de rien n’était, à œuvrer auprès de Martin Fayulu Madidi.
Qui ne dit mot consent, dit-on. Toutefois, qui ne prend pas des mesures de correction ou de rétorsion contre ses collaborateurs impertinents partage clairement leurs forfaits. Qui ne sanctionne point ses adjoints pour des actions accomplies dans le cadre de leurs activités communes partage forcément et logiquement, donc très largement, leurs méfaits !
Par conséquent, l’opposant Martin Fayulu Madidi a-t-il vraiment l’étoffe d’un homme d’État ? Dès lors qu’il accepte de travailler ouvertement avec des individus prêts à mettre le pays sens dessus dessous, est-il vraiment capable de veiller au destin de la Nation ? Dès lors qu’il s’acoquine avec des individus prêts à disloquer l’État et ses Institutions politiques qui sont par essence le parapluie du Peuple, est-il vraiment le soldat ou commandant du Peuple ?
Il est un fait établi que la République démocratique du Congo est un kaléidoscope culturel et traditionnel. Elle est, en réalité, un patchwork ethnique dessiné par le colonisateur belge. Mais, celui-ci peine à trouver un discours fédérateur permettant à sa population d’émerger dans une culture de vivre ensemble où la notion de Nation est une garantie fondamentale, indispensable et indéniable pour la sécurité de l’État et de ses sujets. Cela est d’autant plus vrai que le comportement répréhensible des partisans de Lamuka, a fortiori tifosi de Martin Fayulu Madidi, a très nettement démontré que la fameuse Nation congolaise clamée haut et fort n’existe pas du tout et qu’elle demeure en soi une simple vue de l’esprit. Sans contour et sans précision. Sans contenu et sans consistance…
Par conséquent, en acceptant volontiers de participer à des rassemblements politiques qui fragilisent davantage cette ‘‘Communauté de destin’’ qu’est la République démocratique du Congo, comment Martin Fayulu Madidi doit-il réellement être regardé ? Est-il un ennemi de la paix sociale ? En s’affichant aux côtés de vrais liquidateurs du pays, est-il certainement un geôlier de la justice et un tortionnaire de la sécurité publique ?
En d’autres termes, Martin Fayulu Madidi poursuit-il certes l’implosion et la déflagration de la République démocratique du Congo ? À la lumière du comportement de ses partisans qui sont naturellement prêts à mettre ce pays d’Afrique centrale et de la région des Grands lacs africains à feu et à sang, à sacrifier certes son unité politique, Lamuka est-elle par définition une coalition de forces centrifuges et génocidaires ? Que dire alors de tous ces désœuvrés manipulés à souhait au nom d’une chimérique vérité des urnes entretenue par les princes de l’Église catholique, la presse et par de puissants intérêts économiques et financiers dans le but de mettre complètement à genoux et en coupe réglée un pays déjà exsangue ?
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant