Tshisekedi et Mobutu négocient la formation d'un gouvernement d'union nationale en 1997 afin d'arrêter la progression des mercenaires de l'AFDL vers Kinshasa, la capitale des institutions politiques et administratives.
Colonialisme sauvage, Mobutisme tyrannique et terrorisme sanguinaire
Le cas des meurtres judiciaires et assassinats politiques en République démocratique du Congo depuis la proclamation de l’indépendance (le jeudi 30 juin 1960) jusqu’à la chute brutale du régime despotique du Maréchal-pillard Mobutu Sese Seko du Zaïre (le samedi 17 mai 1997)
Rôle politique et responsabilité pénale d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba
Pour la postérité et la vérité politique de l’histoire nationale de la République démocratique du Congo
‘‘Le mensonge pour être cru doit se déguiser en vérité, c'est là sa limite’’. Robert Sabatier, Le livre de la déraison souriante (1991)
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
La République démocratique du Congo, certes endeuillée par des meurtres de masse et fragilisée par la présence musclée des forces négatives dans la portion orientale de son territoire national, se prépare à vivre une fin de semaine des plus agitée de toute son histoire politique. Cet État martyr depuis sa mise en orbite le jeudi 30 juin 1960 se prépare à connaître une fin de semaine des plus mouvementée, d’ailleurs marquée par le retour fracassant de la dépouille mortelle du ‘‘Très regretté’’ Étienne Tshisekedi wa Mulumba et, subséquemment, son inhumation dans la périphérie de la Capitale Kinshasa[i].
Force est de relever que lors des funérailles nationales prévues à cet égard, l’illustre disparu sera élevé rien de moins que au rang de ‘‘Héros national’’. Désormais, il fera donc partie intégrante du panthéon des Hommes et Femmes ayant marqué de leur empreinte indélébile la vie nationale de ce vaste État sis au cœur de l’Afrique et de la région de Grands Lacs. Il convient de souligner que cette très haute distinction en principe réservée aux dignes Filles et Fils du pays pour services exemplaires rendus à la Nation lui sera d’ailleurs conférée par le gouvernement. Force est de reconnaître que cette plus haute institution politique et administrative est en vérité présidée par nul autre que son ‘‘rejeton présidentiel’’ Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, dit ‘‘FATSHI’’.
Cette perspective d’élévation de l’illustre disparu a très rapidement pourvu des ailes à bon nombre d’opposants de salon informatique ou contradicteurs de café internet. Imbus de leurs propres personnes et pleins de mauvaise foi, ceux-ci distillent sur la toile des faussetés et des contrevérités historiques. En effet, leur objectif immédiat, d’ailleurs indubitablement avoué, est d’écorner sans autre forme de procès la saine réputation – [pourtant sans tâche] – du fameux ‘‘Père de la démocratie congolaise’’.
Pour descendre irrévocablement de son piédestal Étienne Tshisekedi wa Mulumba, cette armée d’antitshisekedistes dont la très grande majorité émergent du double sérail ‘‘mobutiste’’ et ‘‘kabiliste’’ – ce qui n’est pratiquement guère étonnant – lui reprochent violemment, ce derrière des arguments on ne peut plus fallacieux d’avoir pactisé avec de puissants intérêts anticongolais dans l’intention malsaine de réduire en charpie la souveraineté internationale et l’indépendance nationale du pays. À cet effet, ceux-ci lui attribuent toute honte bue, au moyen des raccourcis intellectuels oh ! Combien fantaisistes et des insinuations mensongères, manifestement teintées de perfidie, la paternité de l’assassinat physique de Patrice Emery Lumumba. Aussi lui attribuent-ils gratuitement le meurtre judiciaire des conjurés de la Pentecôte[ii] que sont, en réalité, le Premier ministre Évariste Kimba[iii], les ministres Jérôme Anany[iv] et Alexandre Mahamba[v], ainsi que le sénateur Emmanuel Bamba[vi].
Tous ces dignitaires d’infortune de la première république, évidemment renversée par les armes par le Maréchal-tyran Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre, ont été pendus le 1er juin 1966. C’est sur le même site d’exécution[vii] où ces personnalités politiques précitées ont sans aucun doute connu une fin atroce que seront d’ailleurs célébrées ce samedi 1er juin 2019 les obsèques nationales de l’icône congolaise de la démocratie[viii]. De quoi raviver tous les vieux démons de l’intolérance politique qui hantent et polluent toute la vie nationale en République démocratique du Congo depuis son accession à l’indépendance, le jeudi 30 juin 1960.
S’agissant toutefois de la mise à mort programmée de Patrice Emery Lumumba qui est moins héros que martyr de l’indépendance du pays, il y a lieu de mentionner que c’est une décision qui doit être replacée dans le contexte particulier et singulier de la guerre froide entre les États membres de l’OTAN, d’une part et le Pacte de Varsovie et la République populaire de Chine, d’autre part. Cette décision a été arrêtée par l’Occident capitaliste non pas à cause du discours vitriolique improvisé par ce tribun de la plèbe en réponse à l’allocution apologétique du roi des belges Baudouin 1er sur le colonialisme belge au Congo mais à cause de sa vision politique et économique exposée par écrit le 21 juillet 1960.
C’est plus précisément à cette date que Patrice Emery Lumumba, répondant à une question du sénateur Joseph Iléo Songo Amba de Léopoldville, d’ailleurs, fort connu pour fustiger constamment sa gestion calamiteuse du pays confronté à l’insécurité croissante et au chômage galopant, avait signé de sa propre main son arrêt de mort. En effet, en réponse au représentant sénatorial de la capitale Léopoldville, ce héros du panafricanisme affirme sa ferme volonté de nationaliser l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK) – [un fleuron de l’économie belge] – en vue d’offrir à la République démocratique du Congo la souveraineté économique[ix].
Il importe de noter que l’UMHK était réellement, à cette époque trouble, au niveau statutaire, une succursale de la Société générale de Belgique (SGB). Cette institution bancaire de renommée internationale était, par définition, un holding financier qui garantissait le portefeuille économique du Capital monopolistique international en République démocratique du Congo et en Afrique. Par conséquent, la perspective de sa nationalisation pure et simple par le gouvernement Lumumba déjà en porte-à-faux avec la Belgique[x] ne pouvait que logiquement et forcément irriter tous ces puissants intérêts occidentaux. Par conséquent, pour ne point perdre leur influence économique et financière dans cette partie vitale et névralgique de la planète, ceux-ci n’avaient pas d’autre choix que d’écarter très brutalement, très violemment, de leur chemin le ‘‘Panafricaniste’’ et ‘‘Nationaliste’’ Patrice Emery Lumumba.
Ce faisant, un prétexte interne devrait être coûte que coûte trouvé. Au besoin même fabriquer de toutes pièces un contexte interne en vue d’éliminer politiquement et physiquement Patrice Emery Lumumba et, par conséquent, racheter l’indépendance de la République démocratique du Congo. Cela est d’autant plus vrai que le statut de ‘‘Dominium’’ s’inspirant très profondément du modèle en vigueur au sein du Commonwealth britannique a été préalablement proposé à Lumumba, et ce avant toutes négociations politiques et diplomatiques sur l’émancipation nationale des Congolaises et Congolais. Il y a lieu de mentionner que cette figure emblématique du panafricanisme est pratiquement restée de marbre.
Dans ce schéma qui sous-tend, évidemment, la domination coloniale, la République démocratique du Congo aurait [réellement] pour chef de l’État le roi des Belges. Elle serait, par conséquent, placée sous la coupe de l’ancienne puissance coloniale. Force est de constater que cette perspective de relier le cordon ombilical avec la Belgique a été, complètement, rejetée du revers de la main par cette figure de proue de la ‘‘révolution’’ nationaliste et du mouvement panafricaniste.
Comme les forces coloniales et leurs relais internes ne tarissent point d’idées pour mettre définitivement hors d’état de nuire Lumumba et ses affidés anticapitalistes et antioccidentaux, les massacres génocidaires de Bakwanga, aujourd’hui M’Buji-Mayi, la capitale du diamant, leur fournissent cette occasion en or. Donc une occasion tant rêvée. Une opportunité tant attendue[xi].
Comme par enchantement, ces crimes odieux que la communauté internationale s’empresse de condamner avec la dernière énergie, sont perpétrés par nul autre que le poulain de la puissance coloniale et le chouchou de l’Occident chrétien, le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre. Cet officier militaire incivique a, ainsi, agi en usurpant littéralement les prérogatives du chef d’état-major général de l’armée nationale congolaise (ANC), le général Victor Lundula[xii].
Dans le but de commettre ces meurtres de masse épouvantables contre les Lubas du Sud-Kasaï dirigé en ce moment précis par le ‘‘Mulopwe’’ Albert Kalonji Ditunga[xiii], le mercenaire local Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre s’appuie sur le terrain, d’après bien des sources concordantes et certifiées, sur le lieutenant-colonel Joseph Damien Tshatshi et le général Jean-Pierre Somao Gbodo Mbele. Ces deux militaires de l’ANC sont placés sous ses ordres exclusifs. Forcé de retourner très rapidement au pays[xiv] à la suite de toutes ces bavures mortelles attribuées aux éléments armés incontrôlés de l’ANC, le Premier ministre Patrice Emery Lumumba qui porte aussi la double casquette de ministre de la défense, convoque immédiatement le colonel-major Mobutu dans son bureau.
Se sentant trahi, le héros nationaliste prend cette initiative pour poser directement à ce militaire incivique des questions sur les raisons de ses agissements déplacés[xv]. En bon félin, cet agent certifié des services secrets belges lui répond qu’il a ainsi agi conformément au plan du gouvernement qui souhaitait à tout prix récupérer dans le giron national le Sud-Kasaï. À la question savoir pourquoi il a donné l’assaut sans l’aval du général Victor Lundula, son supérieur hiérarchique, il répond qu’il était pratiquement dans l’impossibilité de joindre le commandant en chef de l’ANC dans la mesure où celui-ci n’était point à Léopoldville.
Il sied de souligner que dès l’exécution des massacres génocidaires de Bakwanga, le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre s’enorgueillissait de tous ces exploits macabres auprès de ses mentors belges et dans des milieux expatriés. C’est précisément le journaliste belge Pierre Davister dont il fut naturellement très proche qui se chargea d’ailleurs de le dissuader de ce comportement irresponsable. En effet, une telle attitude aurait pu lui être reprochée un jour et, par conséquent, lui barrer très certainement la voie pavée de la présidence de la République au moment opportun.
Ainsi, dans l’optique d’occulter cette sauvagerie digne du Mobutisme sanguinaire et terroriste et, surtout, camoufler cette portion ténébreuse de l’histoire macabre de ce fameux garçon de course de l’Occident, lequel devint cinq ans plus tard chef de l’État du Congo après un putsch militaire ‘‘sans effusion de sang’’, fut prise par ses tuteurs belges et parrains internationaux la décision de lui confectionner une saga héroïque. La décision fut prise de lui peaufiner une légende hollywoodienne selon laquelle ce militaire dont les qualités d’invincibilité et d’intrépidité sont mises en avant, serait plutôt le sauveur ‘‘incontesté’’ et ‘‘incontestable’’ du grand peuple luba. Ainsi, dans l’histoire nationale, le mercenaire génocidaire Mobutu Sese Seko du Zaïre passa sans contredit du statut peu reluisant de bourreau à celui fantasmé de sauveur des Lubas.
[i] Un mausolée a été érigé, à cet effet, dans le but de recevoir la dépouille mortelle de l’illustre disparu dans sa concession familiale et privée à N’Sele.
[ii] Hormis le premier ministre congolais Évariste Kimba, tous les autres ministres pendus de la Pentecôte (Jérôme Anany, Emmanuel Bamba et Alexandre Mahamba) ont littéralement fait partie du gouvernement du syndicaliste proaméricain Cyrille Adoula. D’où la question de savoir pourquoi Mobutu a-t-il uniquement ciblé les membres de cette administration ?
[iii] Évariste Kimba fut nommé Premier ministre par le président Joseph Kasa-Vubu en octobre 1965 aux dépens de Moïse Kapenda Tschombe du Katanga et de la confédération nationale du Congo (CONACO), pourtant, grand vainqueur des scrutins législatifs d’octobre 1965. Ce qui eut naturellement pour corollaire de déclencher une crise politique artificiellement fabriquée. Ce conflit politique aigu finit par porter le putschiste Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre au pouvoir de 1965 à 1997.
[iv] Ministre de la défense dans le gouvernement du syndicaliste proaméricain Cyrille Adoula.
[v] Ministre des affaires foncières dans le gouvernement Adoula (1961 – 1964).
[vi] Emmanuel Bamba occupa aussi le poste de ministre des finances sous la 1ère république (gouvernement de Cyrille Adoula).
[vii] Le Stade omnisports de Kamanyola construit, sous la dictature du Maréchal Mobutu Sese Seko du Zaïre, a été érigé à l’emplacement de l’échafaud ayant servi à l’exécution sommaire des conjurés de la Pentecôte le 1er juin 1966 (Place Pont Cabus). Ce temple du football a été baptisé Stade des Martyrs de la Pentecôte par le régime despotique du mercenaire Mzee Laurent-Désiré Kabila.
[viii] Les conjurés de la pentecôte ont été pendus le 1er juin 1966 après que leurs yeux aient été crevés et les os de leurs bras et d’avant-bras aient été brisés par leurs bourreaux militaires. Cette pendaison a d’ailleurs été supervisée par le général-major Jean-Louis de Gonzague Bobozo.
[ix] La sécession du Katanga, suivie plus tard de la revendication d’autonomie du Sud-Kasaï, avait pour objectif primordial de couper des vivres financiers au gouvernement central de Kinshasa. Ce qui paralysa le fonctionnement tous azimuts du cabinet dirigé par Lumumba incapable de subvenir aux besoins vitaux du pays et de répondre aux préoccupations majeures de ses compatriotes.
[x] La Belgique agissait en République démocratique du Congo à titre de fondé de pouvoir du grand capital monopolistique international. Dans le contexte de la décolonisation, il ne faut jamais perdre ce point de vue que cet État au cœur de l’Europe est obligé, sous prétexte d’émanciper les Nègres de la colonie africaine, de céder littéralement ce pays immense et richissime sur les plans naturel et minéral aux puissants intérêts économiques américains en vue d’échapper à la dette de guerre. En effet, la Belgique a été libérée du joug nazi par les États-Unis en 1945.
[xi] Les massacres de Bakwanga, qualifiés de génocide par l’ONU, ont été pratiquement perpétrés durant deux semaines par les forces armées mobutistes, du 26 août au 5 septembre 1960. Ces meurtres de masse qui se sont déroulés au Sud-Kasaï ont provoqué sur le terrain des dizaines de milliers de morts dont la plus grande concentration a été répertoriée à la Cathédrale Saint-Jean Baptiste de Bonzola ou la plus grande comptabilité a été donc relevée à Bakwanga, aujourd’hui M’Buji-Mayi.
[xii] Ce commandant en chef de l’armée nationale congolaise (ANC) dont dépendait le colonel-major Mobutu, n’était pas, d’après des sources autorisées et dignes de bonne foi, dans la capitale Léopoldville (Kinshasa). Il était plutôt, selon leurs versions des faits, en déplacement au Maniema dont il est en réalité originaire.
[xiii] Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre n’avait vraiment jamais porté Albert Kalonji Ditunga dans son cœur dans la mesure où cette grande personnalité politique du Sud-Kasaï ne cessait nullement d’attirer l’attention de Patrice Emery Lumumba sur le double jeu, les traitrises avérées et les accointances suspicieuses de ce militaire incivique et rebelle à la démocratie. Lumumba faisait totalement confiance à Mobutu dans la mesure où il était réputé en tant que garçon de course lui rendre bien des services… même les plus mondains, à en croire certains des témoignages de l’époque.
[xiv] Patrice Emery Lumumba s’était déplacé au siège du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) à New York pour participer au débat sur la sécession du Katanga.
[xv] Usurpation des attributions dévolues au chef d’état-major de l’ANC Victor Lundula et atteinte à la paix et à la sûreté de l’État.
Pour ainsi dire, les évènements malheureux de Bakwanga, d’ailleurs attribuables à l’incivisme et l’opportunisme [sans borne] du colonel-major Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko du Zaïre accélérèrent la chute programmée de Patrice Emery Lumumba. Saisissant au bond ce dossier ‘‘sulfureux’’ et ‘‘explosif’’, le président Joseph Kasa-Vubu furieux et entouré à cette période d’une armée de conseillers occidentaux[i] révoque, sans l’avoir même entendu au préalable, le Premier ministre congolais. Et, surtout sans même avoir sollicité un débat parlementaire à ce propos. De son côté, le héros Patrice Emery Lumumba dont l’impulsivité maladive est, par définition, une pathologie incurable, saisit à quelques minutes d’intervalle le même microphone usé par le président de la république Kasa-Vubu pour le démettre politiquement, pour révoquer à son tour ce chef de l’État. À l’appui de sa démarche, il l’accuse d’être de mèche avec les forces colonialistes qui refusent à tout prix l’émancipation nationale.
Ainsi, par ce jeu de révocations mutuelles, la République démocratique du Congo est complètement décapitée. Situation, d’ailleurs, inédite dans le monde. Plus de chef de l’État au sommet des plus hautes Institutions politiques. Plus de gouvernement en vue de vraiment s’occuper des affaires publiques, donc administratives et étatiques.
Dès cet instant, la République démocratique du Congo devenue forcément acéphale amorce bien entendu une crise de légitimité politique qui s’étire sur plus d’un demi-siècle. En dépit de la vigoureuse contestation, d’ailleurs, programmée du ‘‘perdant’’ Martin Fayulu Madidi (MAFA) par de puissants intérêts anticongolais, entre autre belges, français et helvétiques (suisses), ce conflit politique trouve définitivement son issue heureuse lors du sacre présidentiel de Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi (FATSHI)[ii] le dimanche 30 décembre 2018.
Révoqué peu élégamment par le président de la République Joseph Kasa-Vubu, lui-même démis de ses fonctions par le premier ministre, Patrice Emery Lumumba est remplacé par son plus grand pourfendeur politique au sénat. À savoir : le patriarche Joseph Iléo Songo Amba. Cette désignation est actée à Léopoldville le 5 septembre 1960[iii].
Le 6 septembre 1960, le nouveau Premier ministre désigné Joseph Iléo Songo Amba qui cumule, d’ailleurs, les ministères de la justice et de la défense, signe un décret ministériel aux fins d’arrestation de son prédécesseur Patrice Emery Lumumba pour dévastation, atteinte à la paix, atteinte à la sûreté nationale et usurpation des fonctions étatiques. L’exécution de cet acte gouvernemental est immédiatement confiée au procureur belge René Rom (procureur général de la République près la cour d'appel de Léopoldville, aujourd'hui Kinshasa). C’est effectivement sur la base de ce texte édicté et signé par Iléo lui-même en qualité de ‘‘ministre de la justice’’ que Patrice Emery Lumumba en fuite vers Stanleyville (Kisangani Boyoma Singa Mwambe) est appréhendé à Lodi dans le Sankuru (Province du Nord-Kasaï) par l’inspecteur de police antinationaliste Gilbert Mpongo[iv] le 2 décembre 1960 et transféré à Mweka pour son acheminement à Léopoldville.
Ce qui est indéniable, – [et les faits historiques ne démentent point] – Patrice Emery Lumumba a été arrêté lors de sa fuite d’ailleurs inespérée vers Stanleyville sous le régime du Collège des commissaires généraux mis en place par le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu le 15 septembre 1960 à la suite d’un putsch militaire lui permettant de neutraliser la classe politique. Il sied de souligner que le Très regretté Étienne Tshisekedi wa Mulumba fit réellement partie de ce cabinet gouvernemental et administratif en qualité d’adjoint au commissaire général à la justice Marcel Lihau Ebua.
Cependant, le collège des commissaires généraux dirigé par Justin-Marie Bomboko Lokumba, dont la mission primordiale consistait à assurer le bon fonctionnement technique et administratif de l’État, disposait en réalité d’un mandat qui courait du 15 septembre au 31 décembre 1960. Ce qui eut théoriquement pour corollaire immédiat le retour aux affaires du Premier ministre Joseph Iléo Songo Amba à compter du 1er janvier 1961. Or, l’assassinat de Patrice Emery Lumumba a eu lieu au Katanga le 17 janvier 1961. Ce qui signifie très logiquement et très clairement que l’assassinat de Patrice Emery Lumumba à Élisabethville (Lubumbashi) est en vérité intervenu lorsque Joseph Iléo Songo Amba a déjà pris officiellement les rênes du gouvernement et surtout en mains les affaires de l’État. En effet, cette personnalité politique a repris officiellement son poste à la tête du gouvernement congolais le 6 janvier 1961.
Cela dit, trois personnalités congolaises, et non des moindres, ont néanmoins joué un rôle dans le transfèrement de Patrice Emery Lumumba à Élisabethville. D’abord, Joseph Kasa-Vubu en qualité de président de la République. Il a d’abord contacté par télégramme le leader des Lubas du Sud-Kasaï en vue de faire payer à Patrice Emery Lumumba les massacres génocidaires de Bakwanga. Ce chef de l’État s’est heurté à une fin de non-recevoir de la part du Mulopwe qui voulait éviter une guerre civile déclarée avec ses voisins tetela du Nord-Kasaï.
À la suite du refus poli mais ferme de Kalonji d’accueillir le ‘‘colis[v]’’, ce président de la république, d’ailleurs, manipulé à dessein par de puissants intérêts occidentaux se tourne ensuite vers les sécessionnistes purs et durs du Katanga. Ce chef de l’État le fit non sans reprocher ouvertement à Kalonji d’avoir refusé son offre de règlement de comptes à Lumumba. Comme le rapporte, d’ailleurs, le leader des Lubas dans une entrevue lui accordée par la presse (source internet)[vi].
En effet, Patrice Emery Lumumba était, en réalité, l’ennemi juré des autorités de la province uranifère du Katanga contrôlée et gérée par l’UMHK. Il ne bénéficiait guère de sympathies et de Moïse Kapenda Tschombe, le grand leader local, et de Godefroid Mwenda Munongo Shombeka[vii]. Ces deux dignitaires katangais s’étaient réellement juré de lui faire subir le sort exclusivement réservé aux traîtres.
Outre le président Kasa-Vubu encadré par les Occidentaux dans l’éviction du héros congolais, le chef des services de renseignement Victor Nendaka Bika, alias ‘‘Oufkir’’, a également joué un rôle prépondérant dans l’exécution sommaire de Patrice Emery Lumumba. Cet indic au service de l’ancienne puissance coloniale belge fut chargé de convoyer le fameux colis auprès de ses bourreaux au Katanga. À Savoir : Tschombe et Munongo. Force est relever que c’est bel et bien Victor Nendaka Bika qui, après avoir livré et fait assassiner Lumumba à Élisabethville, fut le ‘‘premier révisionniste de l’histoire de la République démocratique du Congo à propager sans états d’âme la version selon laquelle ce sont des Lubas du Sud-Kasaï qui ont tué Lumumba’’[viii]. C’est dès son retour du Katanga qu’il entama cette propagande anti-Luba.
Toutefois, dans le dessein d’abattre politiquement l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’ailleurs cataloguée pour la circonstance de parti des Lubas du Kasaï et, surtout, salir de manière exécrable la saine renommée d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba, Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba, réputé pour sa mythomanie et son côté fantasque, est, de nos jours, le deuxième révisionniste ‘‘patenté’’ de l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC). Ce personnage manipulateur hors pair est chargé de la maquiller en exploitant ad nauseam les antennes et réseaux médiatiques et électroniques de l’Alliance des patriotes pour la refondation du Congo (APARECO). Il est, en réalité, chargé d’induire sciemment en erreur l’ensemble de ses compatriotes en leur faisant accroire que Tshisekedi est vraiment l’assassin de Patrice Emery Lumumba sans apporter des preuves historiques fiables. Pour ce faire, il s’appuie sur de fausses pistes ou de fausses preuves fabriquées par des services secrets à la solde exclusive de la tyrannie mobutiste. Il sied de relever que Nendaka et Ngbanda ont tous les deux été des chefs de services de renseignement sous l'égide de Mobutu Sese Seko.
Hormis le chef de l’État Joseph Kasa-Vubu et l’indicateur pro-belge Victor Nendaka Bika, le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu est, en réalité, le troisième individu à avoir les mains trempées directement dans l’assassinat. Il est le mercenaire local. Ce militaire incivique et rebelle à la démocratie est en fait le barbouze du colonialisme. Il est chargé de basses besognes. Il les exécute à la manière d’un félin. Il les exécute à la manière de son totem favori, à plus forte raison animal emblématique de la forêt, le léopard de la jungle. Il est réputé tuer ses victimes sans laisser la moindre trace.
Assisté logistiquement et techniquement par la CIA et aussi par le Département d’État US, le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu est chargé de mettre fin à la cavale de Patrice Emery Lumumba en fuite vers Stanleyville. En contact constant avec les représentations diplomatiques et consulaires de la Belgique, de la France, des États-Unis d’Amérique et de la Grande-Bretagne, celui-ci bénéficie, pour cette opération d’envergure, des hélicoptères de combat et même du personnel réquisitionné. Un de ces hélicoptères va servir au transport de l’illustre prisonnier lors de son arrestation par le flic Gilbert Mpongo. Dans les circonstances, cet inspecteur de police répondait exclusivement aux ordres de Joseph-Désiré Mobutu et de Victor Nendaka Bika.
Concernant les Conjurés de la Pentecôte, il importe de remarquer que cette affaire nauséabonde qui alimente tous les phantasmes et pollue la vie nationale, impliquait strictement la haute hiérarchie militaire de l’armée nationale congolaise (ANC). Par conséquent, celle-ci échappait totalement, de bout en bout, à l’ordre politique et civil en termes de conception et de matérialisation. Ce qui infère que lesdits conjurés de la Pentecôte ont été piégés. Cynisme oblige, les militaires se sont servis d’eux en vue d’écarter pour de bon les civils au pouvoir, aux manettes de l’État. Ces pendus de la Pentecôte ont, à vrai dire, fait les frais d’un régime militaire, donc tyrannique, dont l’objectif primordial était d’asseoir brutalement, violemment son autorité davantage contestée par l’ordre politique et civil.
Parmi les acteurs issus de l’ordre militaire qui ont joué un rôle de premier plan dans cette histoire macabre, il y a effectivement le lieutenant-colonel Pierre Efomi Akomi qui était chargé d’attirer les politiciens civils dans le piège tendu par les hommes en armes et en treillis militaire. C’est bel et bien cet officier militaire qui a approché ces personnalités politiques pour les entraîner dans ce traquenard qui s’est vite refermé sur eux. C’est bel et bien lui qui a vendu à ces quatre conjurés infortunés le projet de coup d’État contre la personne de Joseph-Désiré Mobutu dans le but de l’éliminer politiquement et physiquement.
Chargé d’appâter tous ces politiciens naïfs, le lieutenant-colonel Pierre Efomi Akomi recevait, dans le cadre de ce plan machiavélique, toutes ses instructions directement de Mobutu Sese Seko qui le coachait à distance. C’est encore cet officier militaire qui a acheminé les quatre conjurés de la Pentecôte dans la résidence officielle du colonel Alphonse Bangala. Celle-ci a certes servi de cadre non seulement aux préparatifs mensongers du coup d’État[ix] mais également à leur arrestation effective.
À ce titre, le colonel Bangala a été incontestablement sur le terrain le véritable chef d’orchestre qui menait les opérations. C’est lui qui était chargé de duper les conjurés de la Pentecôte. Il fut le militaire à qui Mobutu avait confié la mission de les arrêter et de les conduire immédiatement à l’échafaud. À preuve, ces deux hauts cadres de l’armée nationale congolaise (ANC) n’ont jamais été jugés ni interpellés ni remerciés de l’institution militaire dans le cadre de cette affaire malheureuse et nauséabonde. Bref ils n’ont vraiment jamais été inquiétés. Ils ont tout au plus reçu des promotions. Ils ont continué à bénéficier des largesses de la part de Mobutu. Bizarre non !
Parmi les autres militaires de haut rang qui ont joué un rôle majeur dans l’exécution des Conjurés de la Pentecôte, il convient de nommer les colonels-juges qui ont eu à présider le tribunal militaire ayant conduit à l’échafaud ces politiciens infortunés. Il y a les colonels Pierre Ingila Grima, Ferdinand Malila Ma Kende et Honoré N’Kulufa. Ces trois cadres de l’ANC ont symbolisé dans cette affaire mesquine ce qui est qualifié par des experts de justice non seulement punitive mais également expéditive. En effet, leur délibération, si délibération il y avait vraiment dans ce procès, - délibération même pas secrète puisque tenue devant le public, au vu et au de tout le monde - n’avait duré en tout pour tout que l’espace de maigres trois minutes.
Force est de relever que ce tribunal militaire violant substantiellement toute règle de droit a été mis en place sur la base d’un décret présidentiel du 30 mai 1966. Signé par Mobutu lui-même, ce texte disposait que la décision émise par cette juridiction on ne peut plus spéciale était définitive et ne pouvait, à ce seul et unique titre, être l’objet de tout recours suspensif[x]. Sans compter qu’avant même le déroulé complet du procès, le ministre de l’information Jean-Jacques Kande Djambulate était passé sur les ondes de la radio et de la télévision nationales (le Canal Congo Vox) pour avertir l’ensemble de la population que ‘‘les quatre Conjurés de la Pentecôte se verraient à coup sûr infliger la peine la plus sévère – c’est-à-dire : ‘‘la peine capitale’’ – et que celle-ci serait exécutée sur la place publique’’[xi].
Si le lieutenant-général Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko est le principal instigateur de cet ‘‘auto-coup d’État’’ et également le principal réalisateur de ce film d’horreur, il n’en reste pas moins vrai que le metteur en scène est le colonel Alphonse Bangala de sinistre mémoire. Parmi les acteurs principaux, d’ailleurs, recrutés pour cette mise en scène de mauvais goût, il y a bien sûr le colonel Pierre Efomi Akomi. Force est de constater que les Conjurés de la Pentecôte qui ont malheureusement payé de leur vie, ne sont par essence que des acteurs de soutien d’une comédie macabre qui a mal tourné, des comédiens d’une pièce de théâtre qui a tourné à leur désavantage.
Par conséquent, où se situe-t-elle véritablement la responsabilité politique et pénale d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba dans l’assassinat sans nul doute préprogrammé de Patrice Emery Lumumba par de puissants intérêts internationaux ?
À celles et ceux qui prétendent détenir la vérité historique, qui prétendent la main sur le cœur que Tshisekedi serait véritablement l’assassin de Lumumba, peuvent-ils dire avec sincérité, sans trahir les faits historiques, avec quelle arme il aurait abattu mortellement ce héros panafricaniste ou mis abruptement fin aux jours de ce martyr de l’indépendance nationale ? Peuvent-ils expliquer pourquoi le nom de Tshisekedi n’est jamais apparu dans les archives congolaises ou belges parmi les principaux acteurs ayant participé directement ou indirectement au lâche assassinat de Patrice Emery Lumumba ?
À ce propos, un ancien officier de police belge, Gerard Soete, détaché à Élisabethville et affilié à la force publique coloniale, a publiquement reconnu avoir découpé les corps de Patrice Emery Lumumba et de ses compagnons d’infortune Maurice Mpolo et Joseph Okito. Encadré par un officier belge qui a assisté à leur exécution et aidé de son frère, celui-ci les a fondus dans de l’acide. Avant la fonte de ces trois cadavres dans de l’acide, ce policier affirme avoir arraché deux dents de Lumumba qu’il a d’abord conservées jalousement en guise de trophée et de souvenir pendant des années et puis finalement jetées à la mer. Dans sa version des faits, il n’a jamais cité Étienne Tshisekedi comme un des protagonistes de l’affaire Lumumba. Que disent-ils véritablement à ce propos les pourfendeurs et accusateurs de Tshisekedi ?
Ces fameux procureurs qui s’acharnent avec une violence inouïe sur la personnalité d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba, peuvent-ils expliquer pourquoi ce personnage politique n’a jamais été invité voire même cité à la Commission belge sur l’assassinat de Lumumba au début des années 2000 ? Pourtant, cette Commission belge était un cadre qui a permis aux différents individus de fournir leur version des faits sur cette histoire fâcheuse qui compromet à vrai dire la réconciliation nationale et partant de là l’unité nationale ? Il importe, en effet, de souligner que les principaux dignitaires de la 1e république encore vivants à cette période (Victor Nendaka Bika, Justin-Marie Bomboko Lokumba et Antoine Gizenga Fundji, etc.) y ont tous défilé…
Peuvent-ils dire pourquoi Tshisekedi wa Mulumba a été littéralement absous dans l’affaire assassinat Lumumba, tout comme dans tous les autres crimes ayant marqué les premières années de la présidence autoritaire et le début du régime sanguinaire de Joseph-Désiré Mobutu par la véritable conférence nationale souveraine (CNS) de 1992 ? Cette absolution lui a ainsi royalement pavé la voie à la primature. Puisqu’ils sont détenteurs patentés de la vérité politique de l’histoire nationale de la République démocratique du Congo, peuvent-ils dire pourquoi Étienne Tshisekedi wa Mulumba a été surnommé ‘‘Zéro Faute’’ lors de la période de la CNS ?
Aux révisionnistes mal intentionnés qui se proposent de modifier unilatéralement le cours de l’histoire politique de la République démocratique du Congo selon leur foi mesquine et leur volonté abjecte, leurs phantasmes débiles et leur vision erronée et manifestement ‘‘orientée’’, peuvent-ils dire pourquoi ils ont expurgé délibérément, intentionnellement, volontairement les deux faits historiques ci-dessus relatés de leurs acteurs principaux et réels ? À savoir dans le cas ténébreux de Patrice Emery Lumumba : Kasa-Vubu, Nendaka, Mobutu, Mpongo, Tschombe, Munongo, etc. Ceux-ci portent à n’en point douter une lourde responsabilité. Et dans le cas des conjurés et pendus de la Pentecôte : Mobutu, Bangala, Efomi, Ingila Grima, Malila et Nkulufa. Dans cette affaire, ces acteurs ont une responsabilité indéniable.
Pourquoi alors, dans ces deux histoires macabres, avoir véritablement attribué, et ce de manière fort gratuite, à Étienne Tshisekedi wa Mulumba une place qu’il ne mérite point du tout, un rôle qu’il n’a jamais accompli et, surtout, une mission déshonorable qu’il n’a jamais assumée de loin ou de près[xii] ?
Cet acharnement sur Étienne Tshisekedi wa Mulumba, de son vivant tout comme depuis son trépas à Bruxelles le 1er février 2017, dénote, à vrai dire, une mauvaise foi. Celle-ci découle en principe d’une mentalité et d’une tradition qui consistent à salir, à dénigrer tout ce qui relève et se réclame quotidiennement de l’excellence, qui met en avant l’intégrité morale, l’honorabilité et la dignité humaine. Cette pratique éhontée prouve au moins à suffisance que ‘‘l’homme congolais est, pour paraphraser le grand fabuliste français du XVIIe siècle, Jean de La Fontaine, de glace aux vérités; il est de feu pour les mensonges’’[xiii].
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
Addendum
Ordonnance du 5 septembre 1960 révoquant le Premier ministre Lumumba et certains membres du gouvernement de la République du Congo
Nous, Joseph Kasa-Vubu, chef de l’État, vu la Loi fondamentale du 19 mai 1960, spécialement en son article 22, ordonnons :
Article 1er : Monsieur Lumumba Patrice, membre de la chambre des représentants, est révoqué de ses fonctions de Premier ministre et de toutes ses fonctions ministérielles (ministre de la défense).
Article 2 : Messieurs Mwamba Rémy, Gbenye Christophe, Kashamura Anicet, Bolamba Antoine, Gizenga Antoine et Lumbala Jacques, sont révoqués de leurs fonctions respectivement de Ministre de la Justice, Ministre de l’Intérieur, Ministre de l’Information, Secrétaire d’État à l’Information, Vice-Premier ministre et Secrétaire d’État à la Présidence du conseil des ministres.
Article 3 : Monsieur Iléo Joseph, sénateur, est nommé Premier ministre, Ministre de la défense et Ministre de la Justice.
Article 4 : Notre Premier ministre, Monsieur Iléo Joseph, est chargé de l’application de la présente ordonnance qui entre en vigueur immédiatement.
Donné à Léopoldville, le lundi 5 septembre 1960.
Joseph Kasa-Vubu
Par le chef de l’État,
Le Ministre des Affaires étrangères
Justin-Marie Bomboko
Le Ministre résident
Albert Delvaux
Injonction du Premier ministre, Ministre de la Défense et de la Justice Joseph Iléo au procureur général de la république près la cour d’appel de Léopoldville (le belge René Rom) afin de procéder à l’arrestation de Patrice-Emery Lumumba.
Léopoldville, le 6 septembre 1960
Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de et à Léopoldville.
Monsieur le Procureur général,
J’ai l’honneur, par la présente, de vous donner l’ordre de procéder à l’arrestation immédiate de M. Lumumba Patrice, membre de la chambre des représentants sur base de la prévention suivante :
Après avoir été démis de ses fonctions de Premier ministre le 5 septembre 1960 par arrêté du chef de l’État contresigné par les ministres Delvaux Albert et Bomboko Justin, avoir le même jour, de 21 heures jusqu’à 22 heures, prononcé à la Radiodiffusion Nationale Congolaise des discours publics et violents, incitant la population à renverser les pouvoirs établis et le régime légal instauré par la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
Le Premier ministre et Ministre de la Justice
Joseph Iléo
Acte d'inculpation de Patrice Emery Lumumba par la justice congolaise
En vertu du mandat d’amener, datant du mois de septembre 1960 et délivré par le procureur général de la république, le belge René Rom, près la cour d’appel de Léopoldville (Kinshasa), Patrice-Emery Lumumba est inculpé et écroué pour les motifs suivants :
- usurpation de fonctions publiques (article 123 du code pénal)
- attentats à la liberté individuelle avec tortures corporelles (article 67 du code pénal)
- atteintes à la sûreté de l’État (article 186 du code pénal)
- organisation de bandes hostiles dans le but de porter la dévastation, le massacre ou le pillage (articles 193 à 197 du code pénal)
- incitation de militaires à commettre des infractions (article 202 du code pénal)
Source de deux documents gouvernementaux susmentionnés de la République démocratique du Congo et de l'acte d'inculpation judiciaire de Patrice Emery Lumumba ci-haut cité et publié : ''Dossiers'' sur l'indépendance de la République du Congo-Léopoldville, Centre des relations internationales et des sciences politiques (CRISP), Bruxelles, 1966.
[i] Ces personnages flanqués aux côtés du chef de l’État congolais étaient de nationalité belge, américaine et française. Tous sans exception émargeaient au budget stratégique de la CIA et du Département d’État US.
[ii] Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (FATSHI) est, selon le Département d’État US, le meilleur président élu démocratiquement par la population en Afrique centrale au travers des élections justes et saines, dignes et crédibles.
[iii] Toutefois, le nouveau Premier ministre désigné et imposé par de puissants intérêts belges représentant le capital monopolistique international au Congo peine à s’imposer dans le marigot politique. Il se dispute à n’en plus finir la légitimité politique avec Patrice Emery Lumumba d’ailleurs très majoritaire au Parlement. Le 13 septembre 1960, le Parlement renouvelle toute sa confiance à Lumumba et lui confie la gestion politique et administrative du pays à travers un vote historique et solennel et après débat tout à fait contradictoire. Le 14 septembre 1960, Kasa-Vubu, courroucé par l’attitude irréconciliable des représentants de la Nation, fait fermer les portes des assemblées parlementaires et fait renvoyer sine die les députés. Le 15 septembre 1960, Mobutu profite du chaos politique pour faire son coup d’État qu’il qualifie sans ambages de ‘‘coup de force’’. Ce pronunciamiento lui permet de neutraliser toutes les institutions politiques en commençant par le pouvoir exécutif (le chef de l’État et le Premier ministre). À cet effet, il nomme le collège des commissaires généraux présidé par Justin-Marie Bomboko Lokumba. Le 29 septembre 1960, le collège des commissaires généraux réactive la présidence de Joseph Kasa-Vubu mise en veilleuse par le colonel-major Mobutu. À travers un acte solennel, il reconnaît en lui la qualité de chef de l’État de la République démocratique du Congo. Il peut en être déduit que face à cette situation inédite d'un pays décapité de ses animateurs légitimes issus des urnes, et ce à la suite d'un putsch militaire, c'est bel et bien Bomboko Lokumba qui fait, au cours de cette parenthèse, office de président de la République. Mais, cette présidence n'est pas formellement reconnue sur les plans interne et externe. Cela est d'autant plus vrai que l'initiateur, et a fortiori le réalisateur de ce coup d'État, en l'occurrence le colonel-major Joseph-Désiré Mobutu, ne s'est point explicitement voire implicitement autoproclamé chef de l'État.
[iv] Le père de l’artiste-musicienne, aujourd’hui, décédée Mpongo Love.
[v] C’est le nom de code attribué à Patrice Emery Lumumba pour son transfèrement au lieu d’exécution.
[vi] Témoignage de la mort de Lumumba, audiovisuel Oncle Mbukus (YouTube); Les mystères cachés de l’assassinat Lumumba : papa Kalonji, chef de l’opposition de la 1ère république (YouTube).
[vii] Ministre de l’intérieur du Katanga, le Mwami yeke Godefroid Mwenda Munongo Shombeka cultivait une haine implacable, viscérale envers le héros nationaliste Lumumba. Dans le contexte de répression et tensions politiques postindépendantes, le seul nom de Patrice Emery Lumumba suffisait à lui provoquer l’insomnie, à lui donner de l’urticaire. Bref le tournis.
[viii] Dans l’avion qui accompagnait le fameux ‘‘Colis’’, nom de code attribué au prisonnier Lumumba, il y avait effectivement deux Lubas sud-kasaïens. À savoir : Ferdinand Kazadi, commissaire général à la défense, et Jonas Mukamba Kadiata Nzemba, adjoint au commissaire général à l’intérieur (José Nussbaumer). Jonas Mukamba a toujours clamé s’être retrouvé par un pur hasard dans cet avion à Moanda à l’invitation de Ferdinand Kazadi. Cet officiel lui aurait, selon Mukamba, fait accroire qu’il y avait une correspondance pour lui en direction de Bakwanga. C’est à sa grande surprise qu’il aurait remarqué un avion DC 4 en provenance de Thysville (Mbanza-Ngungu) atterrir à l’aérodrome de Moanda avec à son bord Victor Nendaka Bika et Damien Kandolo. Ces deux personnages se sont retirés en aparté pendant quelques minutes avant de lui adresser la parole. Après leur descente, il est surpris de voir débarquer dudit avion trois prisonniers dont les yeux sont bandés. À savoir : Patrice Emery Lumumba et ses deux compagnons d’infortune Maurice Mpolo et Joseph Okito. (Témoignage de Jonas Mukamba dans l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, Le Phare, le 17 juillet 2013, Source Internet).
[ix] Toutes les réunions pour destituer le chef de l’État, le lieutenant-général Joseph-Désiré Mobutu, et son Premier ministre, le colonel Léonard Mulumba, s’y sont tenues.
[x] Ce qui sous-entend, par extrapolation, l’exclusion de tout recours juridique sollicitant une mesure de grâce présidentielle en leur faveur.
[xi] À travers cette publicité d'ailleurs très médiatisée par une très haute personnalité de l’État et du gouvernement, un très haut dignitaire du régime, on voit déjà que le sort irréparable des conjurés de la Pentecôte était déjà définitivement scellé.
[xii] Justice belge : ‘‘Qui a tué l’ancien Premier ministre congolais, Patrice Emery Lumumba ?’’, Christophe Boisbouvier, 31 décembre 2012
[xiii] ‘‘L'homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour les mensonges.’’ Jean de la Fontaine; Le statuaire et la statue de Jupiter (1678).