L'UDPS a vu le jour le 15 février 1982. Cette naissance par césarienne s'accomplit en pleine guerre froide opposant l'Ouest et l'Est. Dès sa naissance, cette organisation politique antidictatoriale se veut, plutôt, un parti de masses populaires - [et non point un parti de cadres] - dans le but de conscientiser le Peuple congolais. Son objectif primordial consiste à réhabiliter la démocratie nationale confisquée par les forces réactionnaires dont le visage expressif est la tyrannie adoubée par les puissances étrangères depuis le 24 novembre 1965. Aussi consiste-t-il à désengager sur les plans diplomatique et militaire la République démocratique du Congo de toute politique interventionniste qui réduit en charpie l'indépendance nationale et démantèle le processus de développement en Afrique.
L’UDPS et la révolution démocratique en RDC
De l’art de conquérir le pouvoir en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs africains
Place et rôle des masses ‘‘populaires’’ dans le combat politique
Du Messianisme ‘‘idéologique’’ au Martyrisme ‘‘politique’’
‘‘La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple.’’ Abraham Lincoln, Président des États-Unis (04 mars 1861 – 15 avril 1865).
Par Joël Asher Lévy-Cohen *
L’Union pour la démocratie et le progrès social, [UDPS] en sigle, est une formation politique de la République démocratique du Congo. Ce parti d’avant-garde présente cette particularité voire cette singularité d’avoir été créé en pleine ‘‘Guerre froide’’. C’est-à-dire : avoir été fondé sous l’empire de l’ordre bipolaire de Yalta. Issu directement de la fin de la seconde guerre mondiale, celui-ci est d’ailleurs fort propice à des tyrannies prébendières au service exclusif de puissants intérêts exogènes, fussent-ils de gauche[i] ou de droite[ii].
En effet, l’UDPS a, manifestement, vu le jour à une époque où le Maréchal Mobutu Sese Seko du Zaïre règne, sans partage, dans un pays à la dimension d’un sous-continent. Toutefois, de par sa double situation géopolitique et géostratégique, celui-ci est confiné au strict statut de grenier de matières premières au profit du Monde libre. Donc, cette entreprise politique est née à une époque où ce père Ubu est, en réalité, une des pièces maîtresses de la stratégie de l’Occident chrétien pour contrecarrer coûte que coûte la percée des légataires universels de Lénine et de Staline en Afrique centrale. Force est de constater que le despote zaïrois joue à merveille ce rôle de rempart lui dévolu en jonction avec le fameux régime ségrégationniste d’Apartheid à Pretoria[iii].
À ce titre, Mobutu Sese Seko du Zaïre assuré de ses soutiens internationaux est pratiquement indéboulonnable. Sur le plan extérieur, ce despote de la jungle sauvage ne peut vraiment être bousculé de son trône, sous aucun prétexte, puisqu’il garantit à tous ses maîtres, parrains et tuteurs, l’approvisionnement en ressources minérales et naturelles autant que précieuses et stratégiques. Sur le plan intérieur, ce tyran, d’ailleurs connu pour sa propension à piétiner les droits humains fondamentaux, a mis en place un système politique verrouillé. Ce régime tout autant décrié par la presse et l’opinion publique nationale que supporté par de puissants intérêts obscurs et maffieux sur le terrain international s’appuie sur un parti unique ou Parti-État. En l’occurrence le fameux ‘‘Mouvement populaire de la révolution’’ (MPR).
Il sied de relever que cette famille idéologique unique ou entreprise politique inique incarnée par Mobutu Sese Seko du Zaïre a pour seul et unique mode opératoire la répression brutale, l’oppression des droits humains fondamentaux. Celle-ci a, naturellement, pour visage hideux l’arbitraire ou l’autoritarisme, le césarisme ou l’absolutisme. Comme, à vrai dire, le MPR[iv] et l’armée[v] constituent les deux puissantes mâchoires de son régime sanguinaire, le Maréchal-despote Mobutu confisque tous azimuts le pouvoir politique en tant qu’émanation de la seule Volonté populaire. Aussi confisque-t-il la démocratie en tant que Manifestation et Expression de la seule Souveraineté populaire.
C’est dans ce contexte de ‘‘bipolarité’’ internationale et de ‘‘monocratie’’ nationale qu’émerge l’UDPS pour réhabiliter un Peuple écrasé comme un ver de terre par ses propres dirigeants politiques, administratifs et gouvernementaux. C’est dans ce contexte d’un pouvoir assujetti par l’extérieur que l’UDPS fait, soudainement, irruption pour réhabiliter une indépendance nationale bâillonnée par des forces rétrogrades au détriment d’une population réduite à sa plus simple expression. C’est dans ce contexte d’un système politique s’arc-boutant sur des relais purement internes et des solidarités nationales qu’apparaît, subitement, l’UDPS pour démanteler tous les réseaux maffieux locaux.
C’est dans ce contexte de verrouillage de la démocratie politique par la tyrannie que l’UDPS voit effectivement le jour pour remettre naturellement sur les rails la souveraineté populaire en tant que fondement de la liberté au sein de la société politique. C’est dans ce contexte de réclamation des droits démocratiques et libertés publiques républicaines que l’UDPS émerge définitivement pour promouvoir le progrès social en tant que moyen d’épanouissement du Citoyen[vi]. C’est dans ce contexte de revendication des infrastructures et des équipements matériels qu’apparaît finalement l’UDPS afin de prôner le développement économique des Collectivités publiques en tant que tremplin pour l’expansion de l’État[vii].
Ce qui revient à dire que la naissance de l’UDPS en tant que force politique ‘‘dominante’’ de l’espace national et famille de pensée idéologique doit être, plutôt, replacée dans le contexte de la quête d’une certaine identité politique nationale. En effet, celle-ci concourt, en réalité, à l’affirmation de l’indépendance de la Nation et de la souveraineté de l’État, de la dignité du Peuple, ainsi que de la liberté ou de l’autonomie des dirigeants politiques, gouvernementaux et administratifs du pays. Sous la tyrannie, quelle qu’elle soit, elle passe inexorablement par la refonte des pans entiers structurels de l’État.
Ce remaniement commande, en effet, la transformation socioculturelle des mentalités de la population tout entière. Aussi exige-t-il la redéfinition complète du discours idéologique et de la doctrine politique de l’État. Aussi commande-t-il au plus haut point la redéfinition du statut international de l’État d’ailleurs confiné depuis le partage de l’Afrique à la conférence de Berlin de 1885 à celui de ‘‘Poumon du monde libre’’. En d’autres termes, ‘‘Zone de pillage libre de la sphère occidentale’’.
C’est dans cette dynamique à la fois interne et externe que s’amorce, sans complaisance et sans hésiter, la lutte épique de l’UDPS. Contre toute attente, ce combat pour le changement politique et démocratique prend, d’abord, son envol au sein des instances décisionnelles du parti unique ou Parti-État qu’est sans nul doute le MPR, en 1979. Face au refus catégorique du ‘‘despotisme éclairé’’ mobutiste de se saborder complètement, celui-ci déplace ensuite son axe de gravitation dans le but de s’appuyer essentiellement, radicalement sur les masses populaires. Ce basculement politique et stratégique aura pour effet de libérer entièrement la parole au profit exclusif du Citoyen.
Spécificités géopolitiques et géostratégiques de la lutte politique et démocratique de l’UDPS
Il est un fait indéniable que dans le continent africain, la plupart des formations politiques qui sont actuellement au pouvoir, sont souventes fois issues du processus révolutionnaire. Ces entreprises politiques sont pratiquement issues de guerres de libération nationale. Cela signifie pertinemment que leur légitimité politique dérive directement du combat héroïque mené contre le système colonial ou le régime ségrégationniste. À titre d’exemple, il sied de citer le MPLA[viii] en Angola, le FLN[ix] en Algérie, le FRELIMO[x] au Mozambique, le PAIGC[xi] au Cap-Vert et en Guinée-Bissau pour ce qui est de la colonisation. Pour ce qui est de l’Apartheid, il convient de mentionner l’ANC[xii] en Afrique du Sud, la SWAPO[xiii] en Namibie, la ZANU-PF[xiv] au Zimbabwe.
Cependant, une kyrielle de formations politiques sont au pouvoir à la suite de la subversion constitutionnelle ou du renversement d’un régime politique établi. C’est sûrement l’exemple du Front patriotique rwandais (FPR). Tout comme celles-ci sont postérieures à la prise du pouvoir par la violence militaire ou la force physique. Parmi ces nombreuses entreprises de confiscation du pouvoir politique ‘‘post-coup d’État’’, il faut citer le Parti congolais du travail (PCT) en République du Congo-Brazzaville, le Mouvement populaire de la révolution (MPR) de Mobutu Sese Seko du Zaïre, le Comité du pouvoir populaire (CPP) de Mzee Laurent-Désiré Kabila et le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie de Joseph Kabila Kabange (PPRD) en République démocratique du Congo (RDC), le Rassemblement du peuple togolais (RPT) au Togo, etc.
C’est pour dire que l’UDPS est, en vérité, parmi les quelques rares exceptions qui confirment la règle. Elle fait partie de ces mouvements politiques qui conquièrent haut la main le pouvoir par la voie démocratique des urnes. Il y a lieu de remarquer que cette conquête s’opère après avoir pratiquement galéré, concrètement poireauté, pendant plusieurs années au sein de l’opposition politique. Dans cette catégorie sui generis, il convient de mentionner le Front populaire ivoirien (FPI) du Pr Laurent Gbagbo, le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Me Abdoulaye Wade, etc.
Toutefois, en Afrique, il y a des partis politiques qui n’ont aucun capital héroïque relatif à un processus de libération nationale ou de lutte contre la tyrannie. Ces formations ont vu le jour en pleine démocratie. Elles ont profité de ce contexte d’assainissement en vue de conquérir le pouvoir par la voie des urnes. À ce niveau, il faut citer l’Alliance pour la démocratie au Mali – parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA) dirigé par le Pr Alpha Oumar Konaré, le Front patriotique d’Edgar Lungu et le Mouvement pour la démocratie multipartite de Levy Patrick Mwanawasa en Zambie, le Nouveau parti patriotique de John Agyekum Kufuor et de Nana Akufo-Addo au Ghana, le Parti démocratique populaire (Olusegun Obasanjo, Umaru Musa Yar’Adua, Goodluck Jonathan), le Congrès des progressistes (Muhammadu Buhari) au Nigeria, etc.
Par ailleurs, en République démocratique du Congo (RDC), l’UDPS est, à vrai dire, en dehors du fameux mouvement national congolais (MNC/Lumumba) en 1960, le seul parti politique qui a conquis de haute lutte le pouvoir par la voie démocratique des urnes. Cependant, pour diriger le pays, elle doit, certes, se plier à la mise en place d’une coalition gouvernementale. Force est de relever que ce portrait politique est le même cas de figure qu’a connu, jadis, le parti lumumbiste et nationaliste, d’ailleurs, devenu de nos jours l’ombre de lui-même. Plutôt un parti fantôme dont on perçoit à peine la silhouette…
Ce qui est clair, l’UDPS est, en Afrique, parmi les rares partis à investir le pouvoir politique grâce à l’onction populaire. Pour devenir titulaire de la position du pouvoir en RDC, cette formation chère au Dr Étienne Tshisekedi wa Mulumba n’a jamais pris les armes pour défaire un régime despotique. Elle n’a jamais recouru à la violence physique pour déboulonner un système dont le langage est, pourtant, l’arbitraire ou l’autoritarisme, dont l’expression est, certes, la répression musclée des libertés ou l’oppression des droits humains fondamentaux. Ce qui est, incontestablement, à son honneur.
En effet, ce qui fait réellement sa spécificité et sa saine réputation, l’UDPS n’a jamais porté des gants de boxe afin de combattre la dictature. Cette formation avant-gardiste a vraiment lutté contre la tyrannie mains nues. Elle a évidemment lutté contre le despotisme de manière pacifique et non-violente. De plus, cette entreprise politique qui s’appuie substantiellement sur les idéaux de liberté et de justice, n’a jamais utilisé un pays limitrophe comme une base arrière pour ses activités de combat politique. Tout comme elle n’a vraiment jamais utilisé un pays étranger ou extérieur à l’Afrique pour mettre au pas le despotisme sanguinaire, fût-il mobutiste, kabiliste ou joséphiste.
En outre, son leader charismatique Étienne Tshisekedi wa Mulumba ne s’est jamais exilé à l’extérieur du pays afin de mener sa lutte politique en faveur du changement démocratique. Celui-ci est toujours resté en République démocratique du Congo pour concrétiser le rêve des millions de Congolaises et Congolais. Il est toujours resté au pays avec ses compatriotes pour mener ensemble, dans la solidarité et la fraternité la lutte de libération nationale contre la dictature. Même au plus fort de la répression brutalement tyrannique, il n’a pas abdiqué. Il a toujours continué à braver surplace la dictature, et ce mains nues. Il a continué à secouer les piliers de la tyrannie avec la complicité manifeste de ses concitoyennes et concitoyens majoritairement portés par le vent du changement politique et démocratique.
Par ailleurs, l’UDPS est, en réalité, sur le terrain purement continental l’un des tout premiers partis politiques d’opposition. Elle prend naissance en Afrique à l’ère ténébreuse des Partis-États. Elle surgit à l’époque sombre des partis uniques. Ceux-ci dominent de fond en comble la vie politique de tous les pays recensés dans cette sphère. En vérité, cette formation prend naissance à l’époque où la notion de contestation politique ou le principe d’opposition est, à jamais, banni du vocabulaire national et du langage étatique. Cette formation prend, en fait, son envol à l’époque où un député ou parlementaire, quoi que élu par ses pairs ou nommé par le parti, a totalement perdu son statut politique de ‘‘Représentant légitime de la Nation’’, de ‘‘Mandataire du Citoyen’’ ou ‘‘Délégué du Peuple’’.
Cette situation on peut plus délétère entraîne que cette entreprise politique a pratiquement pour obsession fondamentale la revalorisation de la Représentation nationale. Dans sa lutte pour le changement politique et démocratique, celle-ci a pour seule fixation la réhabilitation de la fonction de député national. C’est-à-dire : ‘‘la réhabilitation de la fonction de délégué du Peuple ou du rôle de mandataire du Citoyen’’. En d’autres termes, la fonction de Porte-parole du Citoyen ou Serviteur du Peuple, Avocat et Défenseur des aspirations populaires.
En théorie, le combat pour le changement politique et démocratique mené tambour battant par l’UDPS devrait normalement enchanter l’Occident chrétien dont le discours idéologique repose, en réalité, sur les notions de liberté et de justice, de dignité et de responsabilité. Mais, sur le terrain africain, le monde soi-disant libre préfère plutôt coopter, adouber des régimes forts et verrouillés. Il préfère, intérêts économiques obligent, tourner carrément le dos aux forces politiques et mouvements idéologiques qui s’alignent systématiquement sur sa vision idéalisée des droits humains fondamentaux. Cette ambivalence explique pertinemment les raisons pour lesquelles l’UDPS rencontre maints obstacles majeurs dans le but de conquérir le pouvoir.
Toujours est-il que, lorsque l’UDPS voit effectivement le jour, le Maréchal-tyran Mobutu Sese Seko du Zaïre qui est, déjà, évidemment en porte-à-faux avec l’Occident à la suite du fameux dossier angolais[xv], entame un lobbying agressif auprès de puissants intérêts du monde libre. Il mène cette campagne non pas pour réhabiliter son image totalement écornée par maintes violations criardes des droits humains fondamentaux mais plutôt dans l’optique malsaine de faire passer auprès de l’opinion internationale l’UDPS comme une entreprise politique dont l’idéologie est moins rose[xvi] que rouge[xvii].
[i] Le camp progressiste se réclame très ouvertement du socialisme scientifique ou du communisme.
[ii] Le camp réactionnaire adoubé par des forces du capitalisme négrier.
[iii] L’Afrique du Sud de Peter Botha.
[iv] Sur le double plan idéologique et politique.
[v] Du point de vue sécuritaire.
[vi] Pour l’UDPS, le citoyen est, dans une démocratie, un sujet des droits autant politiques et sociaux qu’économiques et culturels.
[vii] L’UDPS exige la refonte structurelle ou organisationnelle de l’État pour impulser le développement et le progrès.
[viii] Mouvement populaire de libération de l’Angola.
[ix] Font de libération nationale.
[x] Front de libération du Mozambique.
[xi] Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert.
[xii] Congrès national africain.
[xiii] Organisation populaire de l’Afrique du Sud-Ouest.
[xiv] Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique.
[xv] La République du Zaïre du Maréchal-pillard Mobutu Sese Seko avait détourné l’aide logistique et technique de la CIA. Cette assistance américaine fut destinée aux forces réactionnaires angolaises dont le Front de libération nationale de l’Angola (FNLA). À l’époque de la guerre d’indépendance de l’Angola (1975), cette organisation politico-militaire qui avait établi son siège social à Kinshasa, était dirigée par Holden Roberto, entre-temps devenu beau-frère de Mobutu. C’est lors de la conquête militaire de la capitale Luanda abandonnée par le colon portugais que cette assistance s’est en effet volatilisée. Comme par émerveillement.
[xvi] [Social-démocrate]. La social-démocratie est le socialisme émancipé du concept de la lutte des classes pour prôner inlassablement un système démocratique qui s’appuie sur le parlementarisme en tant que représentation de la Nation et pouvoir du citoyen ou du peuple tout entier dans le but de procurer la paix et la sécurité aux individus, la liberté et la dignité à la population.
[xvii] [Communiste]. Le communisme est, par essence, une idéologie qui prône la lutte des classes et le renversement violent de la classe dirigeante ou de l’élite étatique totalement inféodée au grand capital par les masses populaires. Dans le contexte purement africain, le communisme promeut le renversement violent de la classe dirigeante. Celle-ci est définie comme une entité endogène dont la mission primordiale consiste, à vrai dire, à perpétuer virulemment le colonialisme meurtrier et spoliateur en tant que filiation du grand capital international pour l’exploitation des peuples d’outre-mer. Ce phénomène à extirper est qualifié de ‘‘néocolonialisme’’.
Comme par enchantement, le premier pays occidental à tendre, à cette époque d’ébullition, la perche au despote zaïrois en vue de redynamiser son régime ‘‘autoritariste’’ et ‘‘césariste’’, d’ailleurs, nettement en perte de vitesse sur le plan intérieur, c’est la France socialiste dirigée par le Florentin François Marie Adrien Mitterrand.
En effet, Paris adopte cette stratégie ou attitude purement opportuniste dans le strict dessein d’écarter définitivement des intérêts économiques belges. Ceux-ci sont, faut-il le dire, très déçus des politiques publiques prônées par le Maréchal-dictateur Mobutu Sese Seko du Zaïre. En effet, le tyran zaïrois a la fâcheuse habitude de déposséder les forces économiques étrangères de leurs outils de production au profit d’une élite locale d’entrepreneurs économiques fabriquée de toutes pièces et incompétente à tous les niveaux .
Par conséquent, pour continuer à toujours peser sur la vie politique congolaise, la Belgique se voit dans l’obligation de parrainer la lutte politique de l’UDPS. Cet État membre de l’Union européenne adopte cette attitude non pas parce que cette formation politique défend l’idéal occidental de liberté ou promeut le discours démocratique mais parce qu’elle constitue sur le terrain une brèche lui permettant de s’y engouffrer pour courber l’échine du tyran zaïrois. Cela est d’autant plus vrai que le Royaume de Belgique amorce, en réalité, son grand retour en République démocratique du Congo à la faveur de la conférence nationale souveraine (CNS)[i] des années quatre-vingt-dix. Il réalise, bien entendu, ce come-back inespéré sous le couvert de mouvements antidictatoriaux factices[ii].
S’ils font, bien entendu, partie intégrante de l’opposition politique, tous ces partis bidons et factices qui prétendent, au niveau discursif, combattre la tyrannie, s’inscrivent, plutôt par stratégie politique, réellement dans la continuité mobutiste[iii]. Recommandés par certains milieux néolibéraux belges (Jean-Luc Joseph Marie Dehaene[iv] et Willem Werner Hubert ‘‘Willy’’ Claes[v]), tous leurs leaders sont soudoyés ou parrainés par de puissants intérêts internationaux dans l’optique de mettre coûte que coûte la main sur le pactole minier et naturel congolais considéré comme un juteux gâteau[vi].
Le troisième pays occidental à parier, certainement, sur le retour indispensable de Mobutu sur la scène internationale sont bel et bien les États-Unis d’Amérique. La mise en quarantaine du pouvoir dictatorial de Kinshasa décidée par le président démocrate James Earl ‘‘Jimmy’’ Carter en 1977 pour des questions relevant du respect des droits humains fondamentaux est finalement levée par l’administration républicaine de Ronald Wilson Reagan en 1982. Celui-ci a, d’ailleurs, pour vice-président George Herbert Walker Bush Sr. Cet ancien représentant du Texas est un ancien cadre de la CIA. Il a travaillé, depuis fort longtemps, avec le dirigeant zaïrois pour contrecarrer tous azimuts la percée du communisme en Afrique centrale.
Il importe de souligner qu’au début des années quatre-vingts, Washington a très nettement besoin, – [à ce moment extrêmement précis de la guerre froide] – de la République du Zaïre et de son président Mobutu Sese Seko. En effet, ce pays d’Afrique centrale et de la région des Grands Lacs dispose d’une frontière commune avec l’Angola. Celle-ci est longue de 2511 Km, d’une part. Et, d’autre part, le dirigeant zaïrois entretient, en vérité, des relations exécrables avec son voisin méridional et encombrant à plus d’un titre[vii].
Ainsi, en vue de faire totalement échec à la révolution progressiste angolaise et protéger les intérêts géostratégiques et géopolitiques du régime de Pretoria[viii], Washington opte pour la carte Mobutu Sese Seko au détriment de l’opposition politique. En réalité, les USA jouent à fond cette carte pour ne pas être évincés de l’Afrique par l’Union des Républiques socialistes et soviétiques (URSS)[ix] et la République populaire de Chine (RPC). Cette superpuissance américaine joue à fond cette carte géopolitique parce que l’UDPS s’inscrit idéologiquement comme une force de changement démocratique dont l’objectif primordial consiste à mettre un terme définitif à la politique interventionniste et aventureuse du Zaïre sur le continent.
Toutefois, sur le plan interne, le Maréchal-tyran Mobutu Sese Seko du Zaïre dont le pouvoir politique agonisant est fragilisé par un contexte social décrié et économique catastrophique, par une atmosphère politique et sociale pestilentielle, oppose une résistance farouche. Pour survivre, il répand des escadrons de la mort afin de terroriser une population qui lui a tourné définitivement le dos. Sous respirateur artificiel, il nourrit des affrontements interethniques en espérant s’interposer comme le seul et unique pacificateur et unificateur de la Nation[x]. Vomi par l’ensemble de ses Concitoyennes et Concitoyens, il essaye, en désespoir de cause, d’attribuer à l’UDPS, d’ailleurs, fortement implantée sur l’ensemble du territoire national l’image diabolique d’un parti politique à connotation ethnique et tribale. Une pure farce. Et de mauvais goût. Une pure affabulation qui ne correspond nullement à la réalité ambiante.
Il est un fait éminemment établi que le discours politique de l’UDPS s’adresse en premier au peuple congolais. Mais, son retentissement a un écho extérieur indéniable en raison du statut conféré à la République démocratique du Congo par la communauté internationale. En effet, pour les puissants intérêts du grand capital monopolistique international, ce territoire aussi vaste que l’Union européenne (UE) est ouvert au libre pillage de l’Occident chrétien en raison de ses immenses ressources minérales et naturelles autant que précieuses et stratégiques.
Comme l’UDPS tend, toutefois, à privilégier le peuple congolais à titre de seul et unique bénéficiaire légitime de toutes ces richesses matérielles, son discours politique est, très rapidement, sans tarder, assimilé au nationalisme extrémiste. Sur le plan strictement de la géopolitique et de la géostratégie mondiale, cette formation partisane est, donc, assimilée au communisme. Cette doctrine basée sur la lutte des classes s’oppose farouchement au capitalisme occidental.
Partant de cette interprétation idéologique fondamentale , cette entreprise politique incarnée par Étienne Tshisekedi wa Mulumba ne peut vraiment avoir l’oreille attentive de l’Occident. Elle ne peut pratiquement recevoir aucune approbation des intérêts intérieurs. Cette réalité explique dans bien des cas la raison pour laquelle l’UDPS est parmi tous les mouvements d’opposition politique ayant pignon sur rue en Afrique la seule à voir hermétiquement fermées les portes du pouvoir de 1982 à 2019[xi].
La revalorisation politique de la Représentation nationale
La plus grande préoccupation de l’UDPS a, toujours, été la dignité du Peuple congolais. Celle-ci a été, littéralement, écrabouillée par un régime dictatorial. Elle a été foulée aux pieds par un pouvoir sans foi ni loi. En effet, le système mis en place par la triade tyrannique a consisté à nier systématiquement et automatiquement les droits démocratiques de la population. Il a toujours consisté à piétiner les libertés publiques dévolues aux Citoyennes et Citoyens. Aussi a-t-il toujours consisté à nier la place éminente occupée par le Peuple dans le jeu politique et institutionnel.
Ainsi, pour permettre à la population de récupérer tous azimuts ses droits démocratiques, et bien avant sa création officielle, ce parti engage immédiatement le combat politique contre le despotisme dans les instances décisionnelles du MPR. Il mène cette lutte au travers des 13 anciens parlementaires du Parti-État qui sont, par essence, ses pères fondateurs ou géniteurs idéologiques[xii]. Force est de constater que ce combat de tous les instants est engagé au sein du parlement monocaméral du parti unique et Parti-État[xiii].
En réalité, cette lutte au sein des organes politiques et délibérants du MPR a pour corollaire immédiat de redonner la parole aux représentants de la Nation, a fortiori délégués du Peuple. Cette liberté politique essentielle à la démocratie est à tout jamais confisquée par la tyrannie mobutiste depuis le putsch du 24 novembre 1965. En effet, depuis cette date fatidique, tous les représentants du peuple congolais ont toujours été bâillonnés par la dictature militaire. Celle-ci constitue, à n’en point douter, le pilier sécuritaire de ce régime autoritaire.
Dans un premier temps, tous ces délégués de la Nation sont renvoyés sine die du parlement. Dans une deuxième phase, la machine dictatoriale mobutienne s’attèle à les pourchasser tous sur l’ensemble du territoire national dans le but de les faire taire à jamais, de les terroriser ou de les mettre au pas. Et, dans une troisième étape qui est, sans nul doute, la délicate phase de récupération politique, la tyrannie leur offre des plus hauts postes politico-administratifs.
Cette opération de charme de la part du Mobutisme sanguinaire vise assurément à mettre la main sur les bastions politiques des dignitaires de la première république. Celle-ci vise, donc, à faire basculer ces différents châteaux forts dans l’escarcelle du parti unique ou Parti-État. À cette période d’implantation politique, force est de reconnaître que le MPR éprouve, dans sa stratégie de conquête territoriale et d’assimilation idéologique, de sérieuses difficultés à rassembler les citoyens, à fédérer la population autour de son projet étatique et national.
Avec la confiscation de la démocratie par un pouvoir militaire, ce bâillonnement de la classe politique entraîne le musellement des libertés publiques. Aussi entraîne-t-il l’écrasement des droits démocratiques des Citoyens par un régime politique dont l’unique souci quotidien est, à vrai dire, la répression sanguinolente. Aussi provoque-t-il la perte subséquente de la parole démocratique par le peuple tout entier.
Cette perte de la liberté de parole (expression politique) est logiquement et forcément suivie par celle du Citoyen réduit à sa plus simple expression. Cela est d’autant plus vrai que celui-ci a été embrigadé par le Parti-État. Cette organisation autoritariste a réussi à faire de lui un membre de droit, sans possibilité de se rétracter, ni de renier toute son appartenance dans la mesure où la qualité de membre du parti se confond intimement avec la nationalité[xiv].
Cependant, l’opposition politique au sein du MPR est de très courte durée. Elle s’est limitée simplement au niveau de pourparlers pour la mise en place d’un deuxième parti agréé. Cette contestation est, d’ailleurs, réprimée dans le sang. Les manifestations politiques animées par les treize ex-députés frondeurs sont dispersées par la force. Les têtes d’affiche se voient jeter comme des malpropres en prison et, surtout, exiler manu militari à l’intérieur du pays[xv].
Comme le Maréchal-despote Mobutu Sese Seko du Zaïre refuse catégoriquement l’ouverture politique et démocratique, les treize ex-parlementaires du Parti-État décident finalement de porter le combat dans la rue. À cet effet, ils s’appuient sans tarder sur les masses populaires. Celles-ci sont, en réalité, des laissés-pour-compte de la dictature. Ils s’appuient sans brocher sur les Citoyens paupérisés et écrabouillés par un système maffieux fondé sur la kleptocratie et la rente minière, la violence répressive et la colonisation autochtone. Ils décident donc de conférer la parole perdue aux opprimés pour provoquer le changement à la fois politique et démocratique. Ce qui, de leur point de vue, permettrait naturellement de booster le progrès social du Citoyen et d’impulser le développement économique de la Collectivité publique.
Cette vision de l’UDPS qui consiste à libérer réellement le Peuple congolais par la démocratie politique en conférant au Parlement le pouvoir de protéger ses libertés et à autonomiser les dirigeants nationaux en restituant à l’État sa pleine et entière indépendance et le pouvoir de défendre ses intérêts sacrosaints a véritablement des répercussions sur le plan international. Celle-ci bouscule en fait les certitudes occidentales dans la sphère africaine. Elle bouscule, à n’en point douter, les velléités françaises. Il convient d’admettre que celles-ci ne sont pas du tout prêtes à faire émanciper la fameuse ‘‘Françafrique’’ vouée à des ‘‘démocratures[xvi]’’.
Cette volonté de l’UDPS d’émanciper le peuple congolais et, par ricochet, ses frères d’Afrique par voie de démocratie se heurte à l’incompréhension et la boulimie des dictatures africaines dont l’obsession est de se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Ces systèmes verrouillés du Continent décident de faire corps et cause commune. Quoi que honnis par leurs populations respectives, ces pouvoirs, à la fois corrompus et arbitraires, s’opposent avec acharnement à toute forme de démocratisation de leurs régimes.
À cet égard, ces systèmes despotiques qui ne s’inscrivent plus dans l’air du temps, évoquent la fameuse exception africaine. Celle-ci s’appuie substantiellement sur la pluralité ethnique, tribale et linguistique. En d’autres termes, ces tyrannies posent la règle d’inadaptabilité des Africains à la tradition démocratique. Cette stratégie politique et diplomatique leur permet de jouer artificiellement les prolongations. Toutefois, n’eût été le principe de conditionnalité économique et financière sèchement imposé par le président français François Marie Adrien Mitterrand au sommet de la Baule en 1990, aucun pays africain ne se serait véritablement engagé sur cette voie de libéralisation politique et de démocratisation électorale.
La réhabilitation politique du Citoyen[xvii]
Dans l’imaginaire politique, le langage et l’idéologie de l’UDPS, le Citoyen est éminemment une personne sacrée. Il est perçu et défini comme un sujet des droits humains fondamentaux. Celui-ci dispose en réalité des libertés publiques enchâssées dans la constitution. À cet effet, il bénéficie des droits politiques et culturels autant qu’économiques et sociaux.
Parmi les libertés majeures dont, certes, jouit le Citoyen, l’UDPS considère primordialement la parole. Celle-ci est, en fait, la liberté des libertés. Elle est au cœur de la démocratie parce qu’il y va de la sécurité des individus et de la paix publique et sociale. Elle libère, tout à fait, de la peur qui sclérose la société. Elle la libère de la crainte qui la fossilise, qui l’empêche de s’épanouir, de progresser comme une entité humaine résolument digne et libre. Pour l’UDPS, la parole permet, donc, au Citoyen d’exprimer très clairement tout son point de vue, de faire entendre toute son opinion sur la bonne marche de l’État et des collectivités publiques.
Dans le cadre du débat démocratique, la parole permet de confronter des idées. Elle permet de faire valoir son discours et son idéologie dans un espace politique plus large et plus ouvert qu’est la RDC. Elle permet de diffuser ses idées. Elle permet d’interpeller l’autorité publique sur ses manquements dans la gestion de la chose publique. Elle joue, par conséquent, le rôle pertinent de garde-fou démocratique.
La deuxième liberté à laquelle demeure viscéralement attachée l’UDPS, est l’expression. C’est la liberté d’exprimer toute sa pensée ou toute son opinion sans pour autant être assujetti à des contraintes physiques et morales de nature à tuer réellement la créativité ou l’harmonie sociale. En d’autres, l’UDPS s’oppose catégoriquement à la pensée unique. Celle-ci oriente et canalise le destin de la communauté dans une seule direction qui peut lui être suicidaire et fatale.
À ce propos, l’UDPS s’oppose à toute censure qui étouffe, comprime, en fait, l’imagination. Elle s’oppose à la censure qui tue tout sentiment de fraternité et de solidarité entre individus ou groupes d’individus. Aussi s’oppose-t-elle farouchement à toutes pesanteurs politiques et sociales dont la nature véritable est de provoquer un processus de désertification sociale et culturelle.
La troisième liberté à laquelle l’UDPS reste très fortement attachée, est bien sûr la liberté de réunion. Pour ce parti cher à Etienne Tshisekedi wa Mulumba, la réunion est, par définition, un processus politique par lequel l’ensemble des Citoyennes et Citoyens prennent tout à fait conscience du destin collectif. C’est donc un procédé qui leur permet d’unir tous leurs efforts. C’est un moyen qui permet aux membres de la Communauté nationale de mettre en synergie leurs intelligences respectives, bref coordonner leurs énergies, pour imaginer des solutions tant fiables que viables, capables de faire avancer la société, de faire progresser la Collectivité publique tout en garantissant à chacune et chacun l’harmonie et la concorde, la sécurité et la paix, la prospérité et la dignité, la justice et l’équité.
Enfin, la quatrième liberté résolument chère à l’UDPS est la manifestation. Dans l’imaginaire et dans le symbolisme idéologique de cette formation, c’est l’acte par excellence qui consacre et prouve, réellement, l’existence politique du Citoyen. C’est l’acte qui détermine sa présence dans le jeu politique et lui confère la force de transformer sa réalité quotidienne. C’est l’acte suprême qui lui rappelle incessamment qu’il est le véritable détenteur ou titulaire du pouvoir politique et qu’il est le véritable vecteur du changement politique et démocratique.
[i] L’interstice de la fameuse conférence nationale souveraine (CNS) a duré de 1990 à 1997. C’est la rébellion politique et militaire de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) qui y met un terme définitif. Force est de constater que celle-ci est assistée logistiquement et techniquement par des États limitrophes de la région des Grands Lacs africains. À savoir : le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda. Dans cette aventure militaire, ces trois pays sont épaulés par des États de la coalition de conscience africaine (Éthiopie, Érythrée, Angola, Zambie, Tanzanie, Sud-Soudan, etc.). Par ailleurs, cette rébellion politique et militaire qui vient, tout à fait, solder la guerre froide en Afrique noire, est pilotée depuis Kigali. Elle présente, en effet, cette particularité et cette singularité d’être parrainée par de puissants intérêts miniers, bancaires, économiques et financiers anglo-saxons.
[ii] La CNS a permis à la France et la Belgique de tirer des dividendes politiques pour leurs marchés économiques au détriment du peuple congolais. Ces deux pays de l’Union européenne (UE) ont pratiquement profité de la CNS, quoi que exigée par le peuple et appuyée par le mouvement démocratique dont l’UDPS constituait l’ancrage, pour renforcer le pouvoir du Maréchal Mobutu Sese Seko du Zaïre. Pour tenailler le dictateur zaïrois dont ils redoutaient d’ailleurs ses humeurs imprévisibles, les deux États occidentaux consentent à ce que la primature – c’est-à-dire : le gouvernement – soit totalement confiée entre les mains de leur homme de paille qu’est Joseph-Léon Lobitch (Leibovitch), autrement désigné Kengo wa Dondo.
[iii] Le multimobutisme.
[iv] Le premier ministre belge Jean-Luc Dehaene est chrétien-démocrate flamand (CDV). Il sied de souligner que sous son premier gouvernement (1992 – 1995), la conférence nationale souveraine (CNS) se termine totalement en queue de poisson. Ce forum intercongolais est, politiquement, neutralisé par les forces ultralibérales néomobutistes qui sont parrainées par des puissances internationales dont des intérêts belges. Toutefois, sous son second gouvernement (1995 – 1999), la République démocratique du Congo est violemment ravagée par la guerre d’agression physique à la souveraineté internationale et de partition territoriale (1996-1997). Ce conflit armé est l’œuvre de la rébellion de l’AFDL, d’une part. Et, d’autre part, cette ancienne possession coloniale belge est victime de la guerre d’occupation et de pillage des ressources autant minérales et naturelles que précieuses et stratégiques. Cette deuxième guerre dont l'objectif stratégique se résume à la liquidation de la RDC, est sur le terrain l'oeuvre du tristement célèbre Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Ce mouvement rebelle bénéficie, d'ailleurs, de la même assistance logistique et technique, politique et diplomatique que la défunte AFDL dont il découle logiquement.
[v] Willy Claes vient du sérail socialiste flamand. Il fut ministre des affaires étrangères du Royaume de Belgique sous le gouvernement de coalition dirigé par le chrétien-démocrate Jean-Luc Dehaene. Sous son leadership ministériel, est tout à fait explicite le soutien politique et diplomatique de la Belgique aux partis d’opposition d’essence mobutiste pour prolonger la tyrannie brutale zaïroise au détriment du mouvement démocratique et de la population paupérisée et affamée par ses propres dirigeants politiques, administratifs et gouvernementaux. Contrairement à son prédécesseur, le vicomte Mark Maria Frans Eyskens, qui avait réussi à rapprocher Belges et Congolais au point de faire oublier le fameux contentieux belgo-congolais, toute son action diplomatique vis-à-vis de Kinshasa aggrave sérieusement les tensions entre le mouvement démocratique et la classe politique de l’ancienne puissance coloniale. Elle aggrave la crise entre l’UDPS et les milieux politiques et économiques belges. En fait, elle consacre définitivement le divorce entre Bruxelles dont l’obsession pathologique est toujours d’abattre l’UDPS et le camp ‘‘prodémocratique’’ à Kinshasa. Cette ligne de conduite qui consiste à davantage écarter l’UDPS au pouvoir à Kinshasa, a toujours été respectée à la lettre par de différents gouvernements belges de gauche (PS) tout comme de droite (les réformateurs libéraux). Force est d’admettre que ceux-ci ont toujours été de connivence avec les milieux politiques et gouvernementaux français, qu’ils soient de droite ou de gauche.
[vi] À la fin de la guerre froide directement issue de l’ordre bipolaire de Yalta et consacrée par le démantèlement du mur de Berlin et la chute du communisme idéologique, un nouvel ordre mondial se dessine. Il s’appuie nécessairement sur la mondialisation marchande dictée par le néolibéralisme. Dans cette nouvelle dynamique internationale, la République démocratique du Congo que tous les requins et charognards de la planète reluquent comme un fruit mûr, assiste au regain de l’intérêt extérieur sur ses immenses richesses tant minérales et naturelles que précieuses et stratégiques.
[vii] Mobutu Sese Seko du Zaïre qui soutenait envers et contre tous le maquisard angolais Jonas Savimbi de l’UNITA, ne portait spécialement pas dans son cœur son homologue angolais José Eduardo dos Santos, bien entendu en raison de ses accointances cubaines et russes, d’une part. Et, d’autre part, le gouvernement angolais incarné par dos Santos avait pris la ferme décision de renverser militairement Mobutu considéré comme un obstacle majeur à l’indépendance des pays africains et à l’émergence des peuples du Continent. Celle-ci s’est concrétisée par le soutien angolais aux rebelles sécessionnistes katangais du Front national de libération du Congo (FNLC) coiffé par le général tshombiste Nathanaël Mbumb lors de deux guerres de Kolwezi en 1977 et en 1978. Le conflit armé de 1977 décisif à l’occupation des mines stratégiques du pays a pris fin lors de l’intervention de 1500 troupes marocaines encadrées par le colonel-major Loubaris. Les dépenses du transfert des forces armées marocaines ont été entièrement couvertes par l’Arabie saoudite. Le conflit armé de 1978 dont l’objectif primordial est en vérité la partition du territoire national et l’occupation du site d’essai balistique des fusées alloué à l’Allemand OTRAG, a vu intervenir 405 parachutistes du 2e Régiment étranger de parachutistes de la légion étrangère française stationnée à Calvi (Corse).
[viii] L’Afrique du Sud ségrégationniste.
[ix] L’URSS sous-traite son intervention politique, diplomatique et militaire à Cuba de Fidel Alejandro Castro Ruiz.
[x] Mobutu Sese Seko instrumentalise le premier ministre Jean de Dieu Nguz a Karl I Bond et le gouverneur du Katanga Antoine Gabriel Kyungu wa Ku Mwanza, à la tête d’une milice régionale de la mort (UFERI : Union des fédéralistes et républicains indépendants), pour massacrer les Luba du Kasaï et expulser les non-originaires de la province uranifère du Katanga.
[xi] La diplomatie de main tendue génialement pratiquée par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (FATSHI) a permis à l’UDPS et aux partenaires internationaux de la République démocratique du Congo d’arrondir les angles et d’aplanir leurs divergences idéologiques. D’où la reconnaissance internationale du pouvoir de l’UDPS issu démocratiquement des urnes le dimanche 30 décembre 2018. Avec FATSHI aux manettes de la diplomatie partisane, l’UDPS cesse d’être un syndicat politique ou une ONG politique chargée de défendre les droits humains fondamentaux. Elle devient un vrai parti politique moderne qui tient un langage économique et financier avec les gouvernements et intérêts étrangers.
[xii] Gabriel Biringanine Mugaruka, Charles Dia Oken a Mbel, Walter Isidore Kanana Tshiongo a Minanga, Paul Kapita Shabangi, Célestin Kasala Kalamba ka Buadi, Antoine Gabriel Kyungu wa ku Mwanza, Protais Lumbu Maloba Ndiba, François Lusanga Ngiele, Symphorien Mbombo Lona, Anaclet Makanda Mpinga Shambuyi, Joseph Ngalula Pandajila, Ngoyi Mukendi Muya Mpandi, Étienne Tshisekedi wa Mulumba.
[xiii] L’UDPS est née le 15 février 1982. Préalablement à cette date, il y a eu des négociations politiques pour la formation d’un deuxième parti politique entre les treize ex-parlementaires du Parti-État et le camp du MPR coiffé par le Maréchal-despote Mobutu Sese Seko du Zaïre. La date arrêtée pour la naissance de ce deuxième parti fut le 15 janvier 1982 par les fameux treize ex-députés. Pour la circonstance, le parti unique ou Parti-État est représenté lors de ces pourparlers par le ministre de l’administration du territoire Félix Vundwawe te Pemako (VTP) et le conseiller diplomatique du chef de l’État Honoré N’Gbanda Nzambo ko Atumba. Toutefois, comme Mobutu Sese Seko du Zaïre n’a véritablement pas pu respecter tous ses engagements et sa parole donnée, les treize parlementaires frondeurs, déduisant de l’article 4 de la constitution du 24 juin 1967, laquelle prévoit explicitement la possibilité d’asseoir un deuxième parti politique en République du Zaïre, fondent l’UDPS le 15 février 1982. Il y a lieu de relever que cette disposition constitutionnelle, d’ailleurs remaniée par les hautes instances dirigeantes du MPR en vue de verrouiller le système despotique, reconnaît ostensiblement la coexistence de deux partis politiques sur le champ national. À cet égard, l’alinéa 1 de l’article 4 de la constitution du 24 juin 1967 déclare : ‘‘Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage’’. Son alinéa 2 affirme : ‘‘Il ne peut être créé plus de deux partis dans la République. Ces partis s’organisent et exercent leurs activités librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la République’’.
[xiv] Sous le régime de l’arbitraire incarné par le Maréchal-despote Mobutu Sese Seko du Zaïre, le citoyen zaïrois était membre du MPR dès sa conception dans les entrailles maternelles.
[xv] La fameuse pratique de la relégation héritée de la colonisation belge.
[xvi] En Afrique francophone, des régimes dictatoriaux sont recyclés par la démocratie. Les élections servent, à cet effet, de blanchisserie.
[xvii] Le citoyen est, d’abord et avant, tout un membre de la communauté nationale. À cet effet, il participe par son action positive à l’épanouissement de sa collectivité publique, à l’enrichissement de son entourage immédiat. Pour ce faire, il bénéficie des droits et des libertés. Celui-ci a également des obligations et des devoirs qu’il se doit de remplir au nom de l’État et de la Nation. Pour l’UDPS, le citoyen est un véritable titulaire des droits constitutionnels et un détenteur des libertés publiques républicaines
L’affirmation du Citoyen dans le jeu politique
Le citoyen est, par définition, un être humain doté d’intelligence et de liberté. Pour l’UDPS, la liberté signifie le choix qui lui permet, naturellement, de mieux se déterminer. Cette vocation lui permet, donc, de mieux s’épanouir dans la société. Pour l’UDPS, l’intelligence est le phare lumineux qui éclaire le choix de l’individu. C’est la boussole ou le gouvernail qui lui permet de s’orienter dans cette mer agitée qu’est le cosmos politique.
À ce titre, le citoyen perçu et défini comme un être intelligent, c’est-à-dire majeur, mature et responsable, doit savoir choisir, sans l’aide d’un tuteur autoproclamé, son parti politique. Il doit, donc, avoir la latitude de déterminer le camp politique qui défend ses intérêts légitimes en tant que citoyen. C’est-à-dire : membre effectif d’une communauté nationale et membre réel d’une collectivité publique. Celui-ci doit sans nul conteste avoir la capacité de choisir son idéologie. C’est-à-dire : partager avec les autres membres du groupe des idées capables de faire avancer la Collectivité publique ou promouvoir des idéaux capables de faire progresser la Communauté nationale de manière harmonieuse et pacifique, respectable et digne.
L’irruption de la Société civile sur le champ national[i]
L’avènement de l’UDPS intervenu le 15 février 1982 a provoqué la fin hégémonique du MPR en tant que parti unique et Parti-État en République démocratique du Congo. Ce phénomène a, surtout, ouvert les avenues d’une ouverture politique. Celle-ci est devenue incontournable et effective le 24 avril 1990 lorsque le Maréchal-despote Mobutu Sese Seko du Zaïre annonce, d’ailleurs, larmes aux yeux la fin du rôle dirigeant du MPR.
Cette fin du monopartisme a, également, sonné le glas du monolithisme sur le plan social. En effet, depuis cette date de libération, l’espace social est devenu aussi hétéroclite et varié que l’univers politique. Dans la foulée de cette annonce salvatrice, le Citoyen congolais a appris à s’organiser. Il a appris à créer des associations pour défendre ses intérêts primordiaux face à l’État et des entités publiques. Il a, certes, appris à ériger des groupes d’intérêt sociaux face à des corporations ou entités privées. Par conséquent, il n’est point dans ce pays un domaine où il n’y a pas un organisme quelconque de défense des droits et des libertés des individus.
Si elle est un acteur incontournable dans la sphère sociale, il n’en reste pas moins vrai que la société civile qui est, formellement, consacrée par les textes fondamentaux, est sans conteste devenue un acteur majeur au sein de la société politique. En effet, en vertu de la Constitution nationale du 18 février 2006 qui reconnaît les organismes d’appui à la démocratie, la société civile dirige la commission électorale nationale indépendante (CENI) chargée d'organiser les joutes électorales au triple niveau national, provincial et local. Ce qui est un pouvoir politique énorme[ii]. C’est encore la société civile qui est chargée d’organiser l’espace médiatique et de distribuer équitablement la parole aux différents acteurs politiques[iii]. À ce titre, elle dispose d’un pouvoir de sanction exécutoire, obligatoire et opposable à quiconque lorsque les entreprises ou personnalités politiques désireuses de faire usage des canaux médiatiques enfreignent volontairement, intentionnellement, les règles d’équité ou les principes éthiques par elle fixées[iv].
La votation ou Expression de la Souveraineté populaire
Pour l’UDPS qui défend le principe cardinal de l’indépendance nationale, la souveraineté du pays passe impérativement par la dotation des dirigeants politiques, gouvernementaux et administratifs qui défendent, à tout prix, les intérêts primordiaux du sanctuaire national. En effet, un dirigeant n’est vraiment dirigeant au sens de l’UDPS que dès lors qu’il est investi par ses pairs. C’est-à-dire : avoir reçu de la population, donc de ses électeurs ou commettants, le mandat politique de les représenter dûment et de défendre leurs aspirations légitimes.
Ce mandat populaire ne peut être accordé que dans le cadre électif qui permet à la population de choisir parmi plusieurs prétendants la personne habilitée à lui servir de porte-parole ou d’avocat au sein du parlement de la République démocratique du Congo. C’est la raison pour laquelle l’UDPS demeure très fortement attachée à l’élection en tant qu’opération politique consacrant le libre choix du citoyen et, par ricochet, la souveraineté populaire. C’est la raison pour laquelle l’UDPS privilégie, particulièrement et singulièrement, le vote en vue d’asseoir et de garantir la légitimité populaire qui entache le mandat d’un élu.
C’est bel et bien ce phénomène qui confère au mandataire politique toute sa force et toute sa puissance. C’est bel et bien ce phénomène sociologique qui lui confère toute la crédibilité aux yeux de l’opinion. C’est ce qui accrédite indubitablement le bien-fondé de sa mission au sein de la société.
Le processus de conscientisation politique et nationale
Pour l’UDPS, un dirigeant est, par définition, un ‘‘mandataire du Peuple’’. Il reçoit son mandat politique de la population afin de servir ses intérêts primordiaux, répondre à ses aspirations légitimes. Par conséquent, dès que celui-ci s’écarte totalement de sa mission lui confiée par la population, il appartient au Peuple tout entier de se prendre définitivement en charge pour le ramener à la raison. Et dans des cas extrêmes, il lui revient de le révoquer. Cette démission-révocation prend la forme politique et républicaine de ‘‘résistance pacifique’’ consacrée par la constitution du 18 février 2006. Cette forme de lutte doit être réellement pacifique et non-violente.
En effet, un pouvoir politique qui ne satisfait plus la population, ne répond plus aux besoins définis par la communauté nationale, est un pouvoir qui s’écarte volontairement du chemin tracé par le Souverain primaire. C’est un pouvoir qui fait obstruction à la volonté nationale. Dans ces conditions, il appartient au Peuple souverain d’organiser la résistance pour mettre fin à cette déviance politique. Cette entorse est assimilée à la tyrannie, à l’imposture dont le sort véritable est, à n’en point douter, le vestiaire de l’histoire[v].
À cet effet, l’UDPS conçoit que cette pathologie despotique dont les symptômes majeurs sont l’absence d’adhésion populaire, l’arbitraire, l’autoritarisme, l’injustice, la violence physique, l’oppression des droits fondamentaux et libertés essentielles, soit naturellement éradiquée. Cette gangrène tyrannique doit être combattue parce qu’elle participe au dysfonctionnement de la société. Elle doit être émasculée parce qu’elle paralyse le pays tout entier et compromet la sécurité publique et la paix sociale.
En faisant du Citoyen le ‘‘maître’’ du jeu politique et du Peuple le ‘‘garant’’ de la liberté, l’UDPS s’inscrit pertinemment dans la logique de la démocratie populaire. De ce fait, cette formation politique s’oppose au fameux despotisme éclairé qui transforme littéralement la population en béni-oui-oui. Elle s’inscrit forcément dans la logique du pouvoir en tant que garant de la protection publique et vecteur du progrès social et humain. Aussi s’inscrit-elle éminemment dans la logique du pouvoir politique en tant que vrai levier du développement économique et du progrès matériel de la Nation.
La méthodologie de lutte politique
Tout combat politique sustenté par une idéologie implique sur le terrain des stratégies pour asseoir son leadership au sein de la collectivité et en retour bénéficier des dividendes. Dans le cas spécifique de l’UDPS, la méthode usée pour obtenir à tout prix un gain à la satisfaction politique de la population repose essentiellement sur deux volets. D’une part, le dialogue en tant que vertu sociale s’appuyant sur les pourparlers, les échanges auxquels participent des partenaires ou des adversaires politiques. Et, d’autre part, la pression populaire ou la rue.
S’agissant du dialogue, c’est le chemin privilégié qui permet à l’UDPS de faire entendre la voix de la raison. C’est la voie toute tracée qui permet à ce parti de poser les exigences du Peuple lors de négociations politiques. C’est l’occasion permettant à cette formation de s’illustrer en tant que défenseur des aspirations populaires légitimes et, surtout, avocat des exclus de la société politique et du jeu institutionnel.
Cette démarche acquiert d’ailleurs toutes ses lettres de noblesse dès lors que cette formation ramène toutes les forces politiques et les acteurs de la société civile autour des pourparlers politiques intercongolais à Sun City et à Pretoria en Afrique du Sud en 2002 – 2003 en vue d’asseoir et de consolider la paix et, par conséquent, sauvegarder l’intégrité territoriale, donc l’unité politique de la RDC. Cette méthode prouve toute son efficacité lors de négociations politiques placées sous l’égide de la Conférence nationale épiscopale du Congo (CENCO) en 2016 – 2017 pour sortir complètement le pays du blocage politique provoqué par le report des élections générales dû à la volonté de Joseph Kabila Kabange de rester indéfiniment au pouvoir. À cet égard, il importe de souligner que l’objectif tout à fait visé de cet exercice est, certes, la recherche du compromis politique global dans le but de sauver la Nation du chaos et l’État de l’anarchie.
Par contre, l’UDPS utilise, en vérité, constamment la rue comme moyen de pression politique. Cette entreprise partisane utilise la rue pour faire fléchir les détenteurs du pouvoir politique, administratif et gouvernemental. Elle utilise, tout à fait, la rue en tant que pression populaire pour faire revenir ou amener les autorités publiques à la table de négociation dans le cadre d’un dialogue servant à trouver des solutions cruciales pour la bonne marche de la société.
À cet égard, la rue peut réellement prendre deux visages. Elle peut avoir un visage rempli de manifestants qui écument les chaussées pour revendiquer des droits démocratiques. Aussi peut-elle prendre le visage de ‘‘Villes mortes’’. Dans cette hypothèse, la rue est complètement désertée par les usagers de la route dans le dessein de paralyser le fonctionnement de l’État et de l’administration publique.
Il sied de relever que cette stratégie politique a été usée à maintes reprises notamment lors de la période d’effervescence de la conférence nationale souveraine (CNS) afin de tempérer les ardeurs tyranniques du Maréchal Mobutu Sese Seko du Zaïre. Aussi a-t-elle été utilisée sous Joseph Kabila Kabange dont le pouvoir autiste menait immédiatement le pays au chaos et à l’anarchie. Celle-ci a eu pour résultat probant le recul inéluctable de la tyrannie face à la pression populaire. Elle a eu certes pour effet la marche arrière du pouvoir despotique face aux revendications légitimes de la population.
La rue sert également de pôle éducatif du Citoyen en matière de conscientisation des masses populaires. À ce niveau, l’UDPS a inventé le ‘‘Parlement debout’’. Il s’agit pratiquement d’une institution politique de sensibilisation du citoyen tout comme des adhérents. C’est aussi un organe de communication, une courroie de transmission animée par des cadres ou militants chevronnés.
Au travers des parlementaires debout, la population s’informe fraîchement des nouvelles politiques du parti et du pays. Par leur entremise, elle apprend toutes les mesures arrêtées par les cadres dirigeants du parti ainsi que les stratégies décidées en matière de pourparlers politiques. Force est de souligner que cette institution s’avère tout compte fait un moule pour la formation idéologique du militant et, surtout, une école d’apprentissage servant à façonner les cadres en devenir.
La psychologie du militant de l’UDPS ou la mentalité du martyr politique
L’UDPS est, par essence, une formation politique qui se veut un ‘‘parti de masses populaires’’. À titre de syndicalisation des adhérents, elle a, toujours, recruté auprès des étudiants. Cette strate de la société a toujours constitué sa base militante sur laquelle viennent se greffer des agents de la fonction publique étatique, des petits commerçants, des ouvriers et instituteurs. Y compris des patrons de petites et moyennes entreprises. Au niveau des cadres supérieurs, ce parti a recruté, dès les premières heures de sa fondation, les professeurs d’université et les membres des professions libérales très attachées aux notions démocratiques de libertés publiques et de droits humains fondamentaux.
Ce profil sociologique relatif au recrutement militant entraîne que cette formation politique regroupe en son sein des personnalités émanant d’horizons différents et unies par un même idéal sacré. À savoir : ‘‘le changement politique et démocratique’’. Cette transformation de la société est, d’ailleurs, savamment décrite dans un véritable ‘‘Manifeste de foi politique et de conscience nationale’’ qu’est la fameuse Lettre ouverte au Maréchal-président Mobutu Sese Seko du Zaïre du 1er novembre 1980[vi].
D’ailleurs, ce texte de référence doctrinale, certes signé par les fameux treize parlementaires frondeurs du MPR, est la pierre angulaire du Parti[vii]. Ce document sur lequel tout adhérent prête serment, est à vrai dire la Bible politique de l’UDPS. Elle est, à n’en pas douter, le ciment idéologique du Parti. L’attachement profond des militants à ce texte historique entraîne que l’UDPS fonctionne très exactement comme une ‘‘religion’’ avec ses croyances et ses dogmes, ses saintetés et ses anges du ciel.
C’est, à vrai dire, dans le courage héroïque des treize ex-parlementaires de l’ex- parti unique ou Parti-État, le MPR, que les militants de l’UDPS puisent sans conteste l’essentiel de leurs ressources énergétiques pour combattre la tyrannie en République démocratique du Congo. Le sens du sacrifice et l’abnégation manifestés par les pères fondateurs du Parti servent, en fait, de lumière ou de référence doctrinale aux nouveaux adhérents. Ces valeurs de combat politique servent, en réalité, de conditionnement mental.
La foi en ce document a littéralement transformé les militants de l’UDPS en Messagers de la démocratie. En tant qu’Apôtres de la bonne parole démocratique, tous ces adhérents ont, en réalité, développé les réflexes des résistants pour une cause noble et des martyrs résolument prêts à sacrifier leur vie physique pour le changement politique et démocratique. Il convient de remarquer que cette attitude de bravoure et de courage politique héritée directement de l’icône de la démocratie Étienne Tshisekedi wa Mulumba[viii] entraîne que dans son combat, l’UDPS n’a vraiment jamais craint les brimades de la dictature. Ce parti n’a vraiment jamais craint les exactions de la tyrannie brutale dont l’objectif visé est, à vrai dire, de faire fléchir son action, de tempérer toutes ses revendications ou de l’éliminer de l’espace politique.
Faisant de la lutte politique une vocation, un sacerdoce, l’UDPS n’a vraiment jamais craint la répression des libertés publiques. Ce châtiment sauvage infligé par le pouvoir est même pour elle une source de motivation supplémentaire. Cette punition est même pour elle une source de réarmement moral afin d’arracher le changement politique et démocratique tant attendu par la population.
En effet, les adhérents de ce mouvement antidictatorial n’ont vraiment jamais craint dans leur combat politique l’oppression des droits humains fondamentaux par le despotisme pour atteindre leur objectif primordial qu’est la ‘‘libération de la tyrannie’’. Ceux-ci ont, tout à fait, naturellement développé cette posture de lutte politique pour autant que le peuple congolais tout entier voit le bout du tunnel. Ils se sont vaccinés et même immunisés contre l’oppression tyrannique pour que leurs congénères accèdent coûte que coûte au ‘‘paradis démocratique’’. Un univers qui ouvre, d’ailleurs, très largement la voie au développement économique de la Collectivité publique et au progrès social du Citoyen.
Comme quoi une telle ‘‘foi inébranlable’’, un tel niveau de ‘‘croyance’’ et, surtout, un tel degré de ‘‘religiosité’’ font indéniablement des militants de l’UDPS de véritables ‘‘Kamikazes’’ de la démocratie et de la liberté. Un tel ‘‘sens de sacrifice national’’ et une telle ‘‘abnégation de soi’’ font inexorablement de ces adhérents on peut plus particuliers et on ne peut plus singuliers de vrais ‘‘Soldats’’ de la justice et de la dignité humaine. Bref de véritables ‘‘Combattants’’ pour une cause noble !
[i] L’émergence politique de l’UDPS en République démocratique du Congo (RDC) et la consolidation de son ancrage dans le champ national ont profondément libéré des énergies dans la société. Ces deux phénomènes sociologiques ont entraîné conséquemment et consécutivement l’irruption de la société civile. Celle-ci est devenue un acteur national majeur sur les plans politique et social autant que culturel et économique.
[ii] Article 211 de la constitution du 18 février 2006.
[iii] Article 212 de la constitution du 18 février 2006.
[iv] Cas du ministre Alexis Thambwe Mwamba.
[v] Article 64 de la constitution du 18 février 2006.
[vii] Cette lettre des parlementaires frondeurs du MPR destinée à Mobutu Sese Seko est aussi qualifiée de mémorandum de 52 pages.
[viii] Étienne Tshisekedi wa Mulumba, en tant que prophète de la démocratie en République démocratique du Congo, est tout à fait vénéré par les militants et sympathisants de l’UDPS au même titre qu’un ange, un saint voire un dieu vivant.
Philosophie ‘‘politique’’ et doctrine ‘‘spirituelle’’ de l’UDPS
À voir l’UDPS fonctionner et se comporter, il y a lieu de poser la question de savoir si ce parti avant-gardiste qui s’inscrit éminemment dans la logique du pacifisme politique pour défaire la tyrannie, est carrément une religion[i] ou une secte[ii].
Ce qui est sûr et certain, l’UDPS est, d’abord et avant, tout une religion fondée sur des dogmes ou des croyances inébranlables. Celle-ci est ‘‘spirituellement’’ et ‘‘essentiellement’’ politique. À ce titre, l’UDPS a, certes, réussi par un tour de passe-passe magique à faire littéralement de son leader charismatique – en l’occurrence [Étienne Tshisekedi wa Mulumba] – l’équivalent d’un prophète annonciateur de la Bonne parole divine qu’est, sans nul doute, la démocratie.
En tant que religion, l’UDPS repose, essentiellement, sur la foi inébranlable de ses membres. Ceux-ci croient dur comme fer au message de liberté que représente, certes, la démocratie. Celui-ci est, bien entendu, porté par un leader charismatique qui sacrifie sa vie personnelle en vue de permettre à la multitude de vivre en paix, dans l’allégresse et l’amour, la prospérité et la sécurité, la fraternité et la solidarité, la justice et la dignité, la liberté et l’harmonie.
Il convient d’admettre que cette personnalité s’identifie personnellement aux malheurs de son environnement, ainsi qu’à la misère populaire et la précarité des membres de sa famille politique. Sa mission politique ou son obsession spirituelle consiste à les libérer du joug de la tyrannie. En cela, Étienne Tshisekedi wa Mulumba ressemble à s’y méprendre à Jésus de Nazareth[iii].
Selon le regard des membres de l’UDPS, cette personnalité politique congolaise est, en fait, l’équivalent parfait de ce personnage central de la Bible chrétienne, d’ailleurs élevé au rang privilégié de ‘‘Fils de Dieu’’. À preuve, les militants et sympathisants du parti lui ont consacré une chanson au ton manifestement évocateur. Celle-ci est, d’ailleurs, directement tirée de la liturgie catholique.
En vérité, cette chanson lui procure symboliquement le visage divin d’un Messie. Elle lui fournit les contours d’un Prophète. En réalité, elle lui confère la taille d’un serviteur patenté de l’Éternel. À ce propos, il importe de relever que les militants et sympathisants de l’UDPS ont attribué à Étienne Tshisekedi wa Mulumba, devenu très rapidement une icône de la lutte démocratique, le surnom de Moïse. Ils l’ont, ainsi, surnommé en étroite référence à ce grand personnage de la ‘‘Torah’’ hébraïque. Dans les Saintes Écritures, celui-ci a vaillamment libéré et miraculeusement sorti le peuple israélite d’Égypte.
En résumé, cette chanson dédiée à Étienne Tshisekedi wa Mulumba et, surtout, entonnée par les militants lors de grands-messes de l’UDPS se traduit littéralement de la manière suivante : ‘‘Dieu vous a choisi pour le servir en chair et en esprit[iv]’’.
Nzambe aponi Yo
Osalela Ye
Na Nzoto pe
Na Motema
Mua Yo Mobimba
Nzambe aponi Yo
Le refrain ci-dessus mentionné prouve de manière limpide, irréfutable que l’UDPS présente un caractère religieux indéniable en raison de ses nombreuses références spirituelles. Cette religiosité est encore visiblement renforcée, accrue lorsque son secrétaire général Jean-Marc Kabund a Kabund qui assume la présidence ad interim, affirme solennellement pour montrer la grande capacité de ce parti à conserver indéfiniment le pouvoir politique : ‘‘L’UDPS ne cédera le pouvoir que lorsque Jésus reviendra sur terre’’.
Si elle peut très exactement fonctionner comme une religion avec un prophète messianique, un livre sacré et des ouailles investies à la cause politique et démocratique, l’UDPS est-elle également une organisation sectaire ? Présente-t-elle nombre de caractéristiques propres à une secte en tant que cercle d’initiés ou regroupement d’individus dont l’objectif primordial est, en réalité, la libération psychique et mentale de la population congolaise ?
À vrai dire, le mot secte a effectivement une double racine latine. Il dérive du verbe ‘‘secare’’ qui signifie couper. Ce qui, dans le contexte politique congolais, veut dire, sans nul conteste, le fait d’être littéralement coupé de la dictature qui chosifie certes l’être humain ou la Nation. Il signifie le fait de se débarrasser définitivement de la tyrannie ‘‘meurtrière’’ et ‘‘assassine’’ pour inventer un nouvel être congolais sustenté par une nouvelle ‘‘identité politique autant que culturelle’’ et, par conséquent, porté par une nouvelle ‘‘personnalité animique’’.
Aussi ce terme découle-t-il du verbe ‘‘sequi’’ qui signifie suivre. Du point de vue de la culture politique congolaise, il s’avère le fait de suivre un enseignement manifestement sacré. Cette formation pédagogique repose essentiellement sur la démocratie dont l’objectif primordial consiste à libérer le pays du joug idéologique de la tyrannie. En effet, les chaînes mentales et physiques du despotisme qui entravent autant l’indépendance de l’État ou la souveraineté de la Nation que la liberté du Citoyen ou l’expansion de la population, ont vite contribué à inverser les valeurs tant morales et spirituelles que matérielles et intellectuelles.
Vue sous cet angle unique, l’UDPS se veut entièrement une organisation sectaire. Au regard de sa philosophie qui consiste à combattre mains nues la dictature féroce jusqu’à la victoire finale, cette formation politique fonctionne exactement comme une secte de ‘‘Stoïciens’’ de la Rome antique qui ont littéralement maîtrisé, apprivoisé, la souffrance physique. En effet, ses militants ou adhérents voient dans les brimades et exactions despotiques un moyen de se sublimer, un art spirituel et moral afin de se transcender, se dépasser mentalement. Ceux-ci voient dans la souffrance physique tant occasionnée par l’acharnement de la lutte politique un véritable tremplin en vue d’accéder pleinement à la liberté collective. Par conséquent, ils ‘‘daignent’’ s’offrir en martyr en vue de faire accéder – coûte que coûte – par le truchement de la démocratie l’ensemble de leurs compatriotes au stade du bonheur libérateur que sont, en réalité, le développement économique de la Nation et le progrès social du Citoyen.
Le comportement stoïque des militants de l’UDPS n’est pas vraiment sans rappeler l’attitude intransigeante des Esséniens ou la secte de ''Qumrân''. En antiquité, ce groupe auquel ont appartenu Jean le Baptiste et Jésus le Christ, formait inlassablement une secte à la fois réformatrice au sein du judaïsme primitif et rigoriste en matière de principes et de valeurs censés régir la société. Ce cercle d’initiés qui professait sans complexe le retour imminent du Messie divin, a été aux premières loges de la contestation de la présence étrangère ou de l’occupation romaine en Terre sainte.
Ce qui est clair, la détermination et la volonté sans failles des militants de l’UDPS ne sont pas sans rappeler la foi extrême et la croyance des Chiites du Moyen-Orient qui s’auto-flagellent pour commémorer le martyr d’Ali. Pour l’UDPS, les souffrances que s’infligent physiquement l’ensemble de ses membres, rentrent logiquement et forcément dans le processus de rachat de l’indépendance nationale. Celle-ci est, d’ailleurs, accaparée par la dictature féroce en tant que système d’oppression des droits humains fondamentaux au profit exclusif de puissances internationales, sous-produit du néocolonialisme et filiation du colonialisme.
En d’autres termes, la démocratie balise doublement la voie à la plénitude du citoyen et à la liberté de l’État. Ce phénomène sociopolitique ouvre largement la voie au développement économique de la Collectivité publique et au progrès social du Citoyen. Force est de souligner que, en tant que facteur national de libération du peuple et de l’État, celui-ci est totalement pris en otage par des intérêts nébuleux[v].
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen.over-blog.com
www.joelasherlevycohen.centerblog.net
[i] Foi et croyance permettant à l’être humain de vivre dans l’espérance du salut. En l’occurrence le salut politique.
[ii] Les membres d’une secte sont généralement mus par des notions morales de fraternité et de solidarité. Ceux-ci sont reliés par la quête mystique et spirituelle de la Sagesse et de la Vérité véhiculées par des enseignements qui professent la libération humaine de contraintes physiques et matérielles autant que morales et spirituelles.
[iii] Le fait qu’il ait été combattu par de puissants intérêts exogènes et endogènes, fait éminemment de lui un martyr – [de la démocratie et de la liberté] – au même titre que son homonyme sanctifié par la chrétienté romaine et immortalisé dans les Actes des Apôtres.
[iv] Pour l’UDPS, sa lutte en faveur du changement politique et démocratique trouve toute sa légitimation dans la Bible chrétienne. La tyrannie représente la puissance pharaonique d’Égypte. Le martyre du peuple congolais est assimilé aux injustices criardes subies par les hébreux sous l’empire pharaonique. L’avènement de la démocratie est interprété comme la sortie d’Égypte. Si Moïse est incarné par Étienne Tshisekedi wa Mulumba (ETM), son fils Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (FATSHI) est sincèrement perçu comme le célèbre personnage biblique Josué. Celui-ci présente cette particularité et cette singularité d’avoir conduit immédiatement le peuple israélite à la Terre promise, d’ailleurs, résumée en trois mots : ‘‘Démocratie’’, ‘‘développement économique’’ et ‘‘Progrès social’’ ou ‘‘Paix’’, ‘‘liberté’’ et ‘‘dignité’’ ou ‘‘Sécurité’’, ‘‘Prospérité’’ et ‘‘Justice’’ (Équité).
[v] Dans le cas spécifique de la République démocratique du Congo (RDC), il s’agit, en réalité, des réseaux maffieux et pédopornographiques qui contrôlent étroitement des États et gouvernements.