Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), organe de direction militaire, ayant pris le pouvoir au Niger en renversement du régime politique incarné par Mohamed Bazoum supporté par la France, ex-puissance coloniale. Cette structure dont le discours est le salut public par la réhabilitation de l'État, est dirigée par le général de brigade Abdourahamane Tiani (au milieu).
L’Afrique et la contre-révolution démocratique
Le processus d’achèvement de la décolonisation et des indépendances des années soixante
Le grand retour du Panafricanisme ‘‘combattant’’ et ‘‘souverainiste’’
Lente et sévère agonie de la FrançAfrique
‘‘Le feu qui te brûlera, c’est celui auquel tu te chauffes.’’ Proverbe africain
Par Joël Asher Lévy-Cohen
Après quasiment mille trois cents ans d’esclavage arabo-musulman et quatre cents ans de traite négrière, l’Afrique qui est, par définition, ‘‘le berceau de l’Humanité’’, amorce sans répit au XIXe siècle une autre étape de sa vie continentale. Celle-ci est, d’ailleurs, faite d’occupations ininterrompues, d’exactions et d’injustices inhumaines très lourdement infligées par des Nations étrangères d’Orient comme des Peuples de l’Occident. Qualifiée non sans morgue de ‘‘colonisation[i]’’ par ses concepteurs les plus zélés et ses promoteurs idéologiques visiblement guidés par le matérialisme, cette énième ‘‘étape de sévices corporels et contraintes physiques et morales’’ coïncide très pratiquement avec la naissance du capitalisme[ii]. Force est de mentionner que cette pratique avilissante du point de vue strictement moral et spirituel est essentiellement fondée non pas sur la production des richesses normalement censées irriguer la société mais bel et bien sur l’exploitation de l’homme par l’homme[iii].
C’est, donc, naturellement cet esprit de domination farouche et d’écrasement brutal qui dicte au XIXe siècle le régime de conquête ou d’occupation du continent africain par bon nombre d’États européens[iv] en vue de l’extraction sauvage de ses ressources minérales et naturelles. Bref du pillage de ses richesses matérielles et de l’oppression mécanique de ses habitants. De 1885 à 1960, ce système colonial réputé tout à fait injuste et destructeur de l’être humain, de son habitat, de sa culture millénaire et de ses traditions immémoriales, de son environnement et de la nature domine non sans quelques résistances nationalistes, d’ailleurs, sévèrement réprimées, et même émasculées dans le sang[v].
En 1960, vient rapidement la nécessité d’établir un autre type de rapports entre l’Occident irréversiblement animé par la rapacité économique[vi] et l’Afrique qui rêve de sa liberté, de son autonomie, mais qui est loin de maîtriser parfaitement son destin politique en raison de moult contraintes internes liées à la constitution d’États-Nations. C’est naturellement dans ce contexte sociologique [sociopolitique et socioculturelle] que la formule alléchante d’indépendance lui est finalement proposée. Pour l’Europe qui n’abdique aucunement dans sa vision hégémonique, dans sa démarche dominatrice, le terme ‘‘indépendance’’ signifie, à vrai dire, ‘‘remplacement de l’administrateur blanc (autorité coloniale) par l’administrateur noir (relais autochtone)’’.
Cependant, en qualité de pantin dans la majorité des cas choisi voire même imposé par l’ancien maître colon, ce nouveau pouvoir indigène qui s’apparente plutôt à un préfet de discipline, assure la continuité du régime d’asservissement colonial. C’est ce qu’on appelle le ‘‘néocolonialisme’’. Dans cette position, cette nouvelle autorité autochtone accepte sans broncher l’application des injonctions qui lui sont directement données à partir de la métropole coloniale. Le cas échéant, toutes ces directives contraignantes transitent via la représentation diplomatique et consulaire ‘‘établie’’ à l’État d’accueil qu’est réellement le territoire soi-disant décolonisé[vii].
Cette administration autochtone est, en réalité, le masque de l’ancien régime oppresseur et étranger incarné par le maître blanc. Elle est concrètement la façade locale de l’ordre anti-africain. Cette dernière est littéralement le faciès endogène, le paravent du système d’exploitation capitaliste de l’homme par l’homme. De ce fait, elle a pour rôle immédiat de garantir à la métropole coloniale toutes les sources d’approvisionnement en matières premières tant naturelles et minérales que précieuses et stratégiques. En vérité, celle-ci n’a pas d’autre choix que de garantir coûte que coûte à l’ancien pouvoir colonial dont elle est, par essence, le porte-parole attitré des débouchés économiques en vue d’écouler toute sa production économique et industrielle.
C’est de cette façon scandaleuse qu’a généralement fonctionné le système colonial en terre africaine. En pratique, ce modus operandi substantiellement fondé sur la notion exclusive de monopole économique, garantit la spoliation des richesses africaines à l’ancien régime colonial dont le pouvoir autochtone est, par excellence, l’instrument patenté. Force est, en effet, de reconnaître que ce système de substitution purement néocolonial refuse très nettement et très clairement la liberté et la dignité aux Peuples négro-africains. Autant que son prédécesseur de triste mémoire, il privilégie ostensiblement le pillage éhonté des ressources matérielles du Continent au travers de nombreux accords d’assistanat public, de développement et de coopération. Par conséquent, il paralyse tout naturellement le développement[viii] et bloque tout progrès[ix].
Aussi convient-il d’admettre que cette manière d’agir on ne peut plus cavalière observée dans le chef de l’ancien système colonial s’est manifestement révélée la méthode prisée par la France en vue de garder une mainmise sur ses anciennes possessions coloniales tant en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique centrale ou équatoriale. Toutefois, en raison de toute une panoplie de contraintes[x] qui le caractérisent, ce modèle de spoliation devient rapidement la cible des critiques acerbes de la part des experts locaux et commentateurs de l’actualité internationale. Il devient, surtout, l’objet de sévères critiques de la part des populations meurtries qui rejettent ce modèle colonial de substitution. En effet, celles-ci refusent un modèle d'administration et de gestion dont l’enjeu primordial consiste à maintenir sans autre forme de procès l’espace négro-africain dans la servitude coloniale, la précarité ou la misère la plus absolue.
En raison du fait qu’il nie catégoriquement l’indépendance des pays africains, favorise le régime de spoliation sous le couvert manifeste d’une ‘‘démocrature[xi]’’ qui ne dit vraiment pas son nom, le néocolonialisme[xii] est rejeté par l’ensemble des Peuples négro-africains. Ceux-ci réclament ouvertement la fin du pillage des ressources nationales par la France sous le prétexte fallacieux de la dette coloniale qu’ils doivent impérativement honorer en compensation de différentes infrastructures[xiii] que cet État européen a matériellement construites avec l’apport des capitaux financiers par lui supposément investis[xiv].
À ce propos, la goutte qui a fait déborder le vase, est la lutte antiterrorisme qui s’avère une arnaque au détriment des pays africains. En effet, les terroristes djihadistes qui écument depuis plus d’une dizaine d’années la région aussi tourmentée que mouvementée du Sahel sont, en réalité, une fabrication artificielle de services de renseignement occidentaux dans l’intention de monopoliser les ressources précieuses et stratégiques desdits États[xv]. Sous prétexte de venir en aide à ces pays fragilisés par la menace djihadiste, les gouvernements occidentaux interviennent militairement par le biais des accords de défense et de sécurité censés protéger tant les institutions politiques que l’intégrité physique de leurs territoires poreux[xvi].
En échange de cette protection sécuritaire, les multinationales occidentales investissent rapidement les régions dotées de matières premières ultra-recherchées en vue d’assurer leur suprématie économique et industrielle. Force est de constater que ces zones occupées pour des besoins d’exploitation économique deviennent catégoriquement des territoires qui échappent immédiatement à la souveraineté ‘‘politique’’ et ‘‘administrative’’ des États africains. Celles-ci échappent, bien entendu, à l’autorité ‘‘publique’’ et ‘‘militaire’’ de ces entités locales.
Autre motif de rejet de la France en Afrique est la devise FCA[xvii] imprimée à Chamalières. En effet, grâce à la sensibilisation massive de la société civile africaine et à l’opposition de nombreux experts du Continent, celle-ci est bel et bien perçue, de nos jours, comme une monnaie qui freine littéralement le développement de l’Afrique. Ceci en raison du fait que le Trésor public français confisque systématiquement et automatiquement le produit tiré de l’exportation des matières premières ou de l’exportation des fabrications africaines[xviii]. En échange de ce racket digne de la piraterie moderne, la France propose, plutôt, des politiques d’assistanat public réputées maintenir ces anciennes colonies soit dans un état de précarité résolument inédite soit dans une situation d’endettement monétaire qui les étrangle ‘‘financièrement’’ et ‘‘économiquement’’. D’où le ras-le-bol des ressortissants africains qui misent dorénavant sur des partenariats gagnants-gagnants et rejettent, par voie de conséquence, la logique de spoliation.
Il sied de remarquer que ce mécontentement des Négro-africains n’est pas un phénomène récent[xix]. À cet égard, il faut relever les nombreuses récriminations émanant, d’ailleurs, très curieusement des acteurs clés de la fameuse FrançAfrique. À ce propos, en août 2015, Idriss Déby Itno du Tchad a solennellement appelé les pays africains à sortir carrément de la zone Franc CFA. Dans ses critiques acerbes, il mettait en avant le caractère exogène de cette devise. Il soutenait urbi et orbi que ‘‘cette monnaie ne serait pas africaine aussi longtemps qu’elle serait garantie par la France’’.
Par ailleurs, les toutes premières salves critiques à l’endroit du Franc CFA sont venues du Togolais Kako Nubukpo [xx]. Cet universitaire de renom qui critique très durement la mise en commun de cette devise par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), préconise ouvertement ‘‘l’établissement d’une nouvelle monnaie africaine capable de répondre aux véritables besoins des pays utilisateurs, d’assurer leur stabilité financière et monétaire et, surtout, de protéger le pouvoir d’achat économique de leurs populations respectives’’. Il sied de mentionner que cette idée alléchante de fabrication d’une nouvelle devise africaine qui tient réellement compte de particularismes locaux, est très vivement partagée par la nouvelle génération des porte-parole panafricanistes[xxi] dont la figure de proue est, à n’en point douter, le Franco-béninois Stellio (Stélio) Gilles Robert Capo Chichi, alias ‘‘Kemi Seba’’. Ceux-ci sont très farouchement opposés à l’intrusion – même par effraction – de la France coloniale dans les affaires intérieures africaines[xxii].
Autre motif de rejet de la France en Afrique est la tolérance des régimes essentiellement ‘‘compradores’’, la promotion des pouvoirs politiques sans conteste ‘‘corrompus’’ dont la préoccupation majeure est indubitablement ‘‘le bidouillage électoral’’ et ‘‘le tripatouillage constitutionnel[xxiii]’’. Ce qui est totalement aux antipodes de la fameuse déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 restée pratiquement lettre morte[xxiv]. Celle-ci assimile, sans autre forme de procès, la tricherie aux scrutins à un putsch militaire, à la subversion ou un acte de pure rébellion, à l’écrabouillage de la constitution. Outre le soutien stratégique et logistique aux diverses factions terroristes au Burkina Faso, au Mali et au Niger, y compris dans l’Est de la République démocratique du Congo pour le compte spécifique de ses entreprises, cet aspect purement politique et diplomatique énerve sans nul doute la très grande majorité des Africains éminemment décidés à défaire le système néocolonial au service exclusif de Paris.
Aussi cette posture française, d’ailleurs faite de duplicité et teintée d’hypocrisie, énerve-t-elle sérieusement la classe politique, plus particulièrement et plus singulièrement les forces de l’opposition. À chaque élection, toutefois tripatouillée par des partis au pouvoir à la solde de Paris, toutes ces entreprises politiques s’estiment roulées dans la farine dans la mesure où les vainqueurs africains, pourtant pour la plupart des violeurs certifiés de la légalité constitutionnelle, sont publiquement reconnus par les autorités administratives et gouvernementales françaises. Pupilles de l’ancienne métropole coloniale, ces derniers sont même officiellement invités à se rendre en France. Intérêts vitaux et stratégiques obligent !
[i] Processus d’exportation forcée vers les différents pays et territoires d’outre-mer de la civilisation occidentale dérivée du christianisme au confluent du judaïsme, de l’hellénisme et du latinisme romain. Processus dicté par la notion biaisée de hiérarchisation des races, d’infériorisation des peuples non leucodermes.
[ii] Idéologie économique essentiellement fondée sur la notion de détention privée des moyens de production de masse, l’accumulation à l’infini du capital physique ou des investissements matériels au nom de la liberté d’entreprendre et la réalisation de la plus-value ou principe du profit économique.
[iii] En d’autres termes, celle-ci est axée sur le piétinement brutal de la dignité humaine sur les plans administratif, social, politique, économique et culturel.
[iv] Parmi les pays européens qui ont, à la faveur du capitalisme naissant, colonisé le continent africain dès la deuxième moitié du 19e siècle, figurent bien sûr l’Allemagne (l’empire Prusse), l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal. Par contre, de grandes communautés helvétiques (Huguenots) et néerlandaises (Boers) fuyant les conflits interconfessionnels (Catholiques vs Protestants) et les persécutions religieuses entre les 16e et 18e siècles en Europe se sont indéfiniment établies en Afrique du Sud avant même l’ère de la colonisation qui a sensiblement duré de 1885 à 1962. Il sied de mentionner que ces entités européennes ont prospéré à la faveur du régime ségrégationniste d’Apartheid démantelé en 1990 par la double volonté politique de Frederick de Klerk du Parti nationaliste et de Nelson Mandela du Congrès national africain (ANC).
[v] La guerre d’indépendance du Cameroun opposant l’armée française et l’union des populations du Cameroun (UPC) entre 1955 et 1971 s’est soldée par le génocide des Bamilékés entre février et mars 1960. Ces massacres de masse sont l’œuvre des troupes armées du Cameroun fraîchement indépendant et sous la direction d’Ahmadou Ahidjo mais dirigées par des officiers français encore aux commandes. Au cours de ces opérations d’extermination des populations qui militent farouchement pour la liberté et la dignité, cinquante-six villages sont complètement rasés et incendiés. Il ne faut point oublier les massacres répétitifs des Algériens par l’armée française dans les années cinquante. Parmi les autres massacres en terre africaine qui exige absolument l’indépendance, la révolte des Mau Mau, d’essence ‘‘Kikuyu’’, au Kenya a donné lieu à plus de trois cents mille morts entre 1952 et 1956. Au cours de cette révolte mémorable, des civils et rebelles sont massacrés par l’empire colonial britannique. Il y a aussi le génocide des peuples herero et nama en Namibie par l’ordre colonial allemand et celui des Congolais par l’entreprise léopoldienne (Belgique) au début du 20e siècle. Enfin, l’on peut citer les massacres des peuples sud-africains par le régime ségrégationniste d’Apartheid.
[vi] Après la seconde guerre mondiale qui a été excessivement meurtrière, l’Europe manque cruellement des bras pour sa reconstruction. Fortement affaiblie une démographie déclinante, elle ne peut vraiment plus fournir aux colonies d’outre-mer un personnel administratif exogène. Elle ne peut que s’appuyer sur des autochtones corrompus dont le rêve premier est de mimer l’homme blanc dans ses moindres faits et gestes afin de préserver ses intérêts primordiaux et légitimes, vitaux et stratégiques.
[vii] Généralement, ces directives ou injonctions sont transmises lors de voyages officiels qualifiés pompeusement de visites de travail dans les deux sens (lorsque le suzerain visite le vassal dans sa tenure ou lorsque le vassal se rend auprès du maître dans son fief).
[viii] En termes d’infrastructures économiques et matérielles qui sont pratiquement inexistantes.
[ix] En termes d’avantages sociaux et culturels qui sont soit inexistants soit démantelés.
[x] Résistances populaires, oppositions idéologiques et campagnes internationales de dénonciation ou de boycott.
[xi] C’est le système politique propre aux républiques bananières. Ces dernières ont naturellement l’apparence formelle d’une démocratie au niveau des structures politiques. Cependant, elles fonctionnent, en réalité, comme une véritable dictature – c’est-à-dire : ‘‘un régime verrouillé politiquement’’ –. En effet, elles sont pratiquement dotées d’un appareil de contrainte répressive au niveau administratif et sécuritaire dont la mission fondamentale est de terroriser l’ensemble de la population. Depuis peu, la ‘‘démocrature’’ en tant que régime hybride s’est littéralement investie dans des pays à tradition démocratique dont les autorités publiques, politiques, administratives et gouvernementales méprisent les parlements nationaux. Quoi que manifestement élues par leurs pairs citoyens, celles-ci sont, en fait, au service exclusif des forces économiques et financières ou des puissances supranationales non désignées par des électeurs dont ils doivent, en principe, défendre les intérêts primordiaux. En raison de cette dépendance étroite, celles-ci agissent aux dépens de la population qui est totalement méprisée en termes de droits politiques, civils ou sociaux. Ce système de ‘‘démocrature antipopulaire’’ est de plus en plus en vogue aux USA et au sein de l’Union européenne [UE] (le rejet de la Constitution européenne en 2005 par la population des États membres n’est nullement respectée). Entre autres en France en ce qui concerne la réforme des retraites, la vaccination de la population et le confinement relatifs à la pandémie du COVID – 19 en 2021 et 2022.
[xii] Dans l’exemple français, ce régime de spoliation des richesses africaines est porté à bout de bras par la FrançAfrique. En réalité, ce terme définit les relations incestueuses entre Paris et les capitales africaines, lesquelles relations ‘‘se manifestent au travers des réseaux souterrains établis pour la survivance des intérêts français par le célèbre Jacques Foccart sous la présidence du général Charles de Gaulle dans les années soixante’’. L’essentiel des orientations et liens politiques et diplomatiques de la FrançAfrique est déterminé par la fameuse ‘‘cellule africaine de l’Élysée’’. Cette institution plus ou moins informelle est placée sous la discrétion du seul président de la République. Cependant, en vue de lui conférer un aspect plus formel et plus légal, et par voie de conséquence plus constitutionnel, il se cristallise autour du ministère français de la coopération et du développement.
[xiii] Il s’agit bel et bien des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires, scolaires et académiques, hospitalières, économiques et industrielles, etc.
[xiv] Le régime colonial européen fondé plus largement sur l’exploitation des territoires que le peuplement des terres a été imposé en Afrique par les armes et grâce au travail forcé. Cependant, c’est avec les ressources africaines que l’Europe s’est copieusement enrichie sans pour autant apporter surplace des capitaux frais. Même les infrastructures édifiées sur place les ont été à partir la plus-value économique directement tirée de l’exploitation des ressources africaines, fussent-elles matérielles ou humaines.
[xv] Le démantèlement violent de l’État libyen du colonel Abū Minyar Muʿammar ʿAbd al-Salām al-Qaḏhdhafî à la suite de l’intervention militaire de l’OTAN, d’ailleurs, triplement pilotée par le Royaume-Uni, la France et les États-Unis a permis aux différents mouvements terroristes se réclamant du djihadisme de s’établir dans cette région semi-désertique très riche en hydrocarbures, or, uranium, etc.
[xvi] Les opérations militaires ‘‘Barkhane’’ et ‘‘Serval’’ au Mali et ‘‘Épervier’’ au Tchad ont permis à la France d’intervenir militairement dans l’immense région du Sahel dans le dessein d’éradiquer les forces terroristes salafistes et djihadistes ou de mettre hors d’état de nuire les factions rebelles opposées aux régimes africains. Celles-ci ont été décriées dans la mesure où elles ont contribué sur le terrain à la partition de fait de ces États qui cherchaient à recouvrer l’intégrité de leurs territoires.
[xvii] Cette monnaie utilisée par 14 pays africains d’extraction francophone a pris naissance le même jour que la mise en place des Institutions de Bretton Woods le 26 décembre 1945. Sa signification originelle est le Franc des colonies françaises d’Afrique (Franc CFA). Elle est ensuite rebaptisée Franc de la communauté française d’Afrique (Franc CFA). De nos jours, cette monnaie porte deux dénominations différentes relativement à sa zone d’utilisation. Celle-ci est dénommée en Afrique occidentale ‘‘Franc de la communauté financière africaine’’ (Franc CFA), d’une part. Et, d’autre part, elle est dénommée ‘‘Franc de la coopération financière en Afrique centrale’’. Il y a lieu de souligner que cette devise est imprimée à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, en France.
[xviii] Libellées en devise américaine (dollars US), les réserves de change des pays africains qui dérivent directement de l’exportation de leurs biens (ressources naturelles et minérales), y compris des biens manufacturés, sont totalement déposées dans des comptes d’opération logés à la Banque de France et exclusivement gérés par un haut fonctionnaire de ladite Institution publique. Toute cette manne confisquée par la France apparaît directement dans son budget. Ces fonds sont estimés annuellement entre 400 et 500 milliards de dollars US. Il importe de constater que ceux-ci sont utilisés par la France au titre de ‘‘prêts financiers accordés aux divers États africains dans le cadre de la politique d’assistance publique’’. En d’autres termes, la France prête aux Nations africaines leur propre argent en vue de se faire rémunérer grassement en intérêts ayant des taux soit prohibitifs soit usuraires.
[xix] Bien des États africains ont dû précipitamment quitter pour des raisons idéologiques (pérennisation de la domination coloniale française sur les États nouvellement indépendants en cas de turbulences économiques) qu’économiques et financières la zone Franc CFA. Il s’agit de la Guinée-Conakry d’Ahmed Sékou Touré en 1960, du Mali de Modibo Keita aux lendemains de la décolonisation en 1962 (le Mali y est retourné en 1984). On peut également citer le Madagascar et la Mauritanie en 1973, ainsi que les Iles Comores. Cependant, d’autres pays africains non-francophones ont accepté de rejoindre la zone franc CFA pour des raisons de stabilité et d’efficacité économique. Il s’agit, bien entendu, de la Guinée équatoriale (ancienne possession coloniale espagnole) en 1985 et de la Guinée-Bissau (ex-colonie portugaise) en 1997.
[xx] Ancien ministre de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques de la République du Togo sous la présidence de Faure Essozimna Gnassingbé entre 2013 et 2015.
[xxi] Le mouvement panafricaniste est véritablement né dans le sillage des sociétés esclavagistes au 19e siècle au sein de la diaspora négro-africaine dont la tête de proue est le Jamaïcain Marcus Garvey. Dans le but d’échapper aux pires conditions de vie et exactions inhumaines imposées à l’homme noir brutalement extrait de son milieu naturel, celui-ci était essentiellement marqué par le sentiment de retour à la Mère-Patrie qu’est, certainement, l’Afrique. D’où le fameux slogan : ‘‘Back to Africa’’. Par contre, le panafricanisme moderne revisité par la jeune génération est en soi un point de ralliement entre Afro-descendants de la diaspora et Africains directement issus de l’immigration dans le dessein de renforcer leur dialogue socioculturel permanent et de briser le cycle de précarité socioéconomique et des injustices dont ils sont principalement victimes dans les sociétés d’accueil au niveau international. Ce nouveau panafricanisme repose sur la double notion de pouvoir culturel et de souveraineté économique. Cette vision idéologique revendicatrice de la place de l’être négro-africain dans le monde universel est pilotée aussi bien par l’anthropologue Jean-Michel Philippe Kalala Omotunde d’heureuse mémoire et le professeur de théologie Jean Fils-Aimé que par l’activiste Kemi Seba. Sur le plan musical, il est plutôt véhiculé par le journaliste Claudy Siar. Parmi les autres opposants acharnés à la FrançAfrique, a fortiori leaders panafricains qui agitent quotidiennement les réseaux sociaux et sont péjorativement voire abusivement catalogués d’influenceurs à la solde de la Russie dirigée par Vladimir Vladimirovitch Putin, il y a le professeur Franklin Nyamsi wa Kamerun et la militante Nathalie Yamb.
[xxii] Pour manifester son rejet total de la domination française en Afrique, le panafricaniste franco-béninois Kemi Seba avait brûlé un billet de Franc CFA émis par la BCEAO au Sénégal. Ce geste lui a valu l’expulsion immédiate du territoire sénégalais par le gouvernement du président Macky Sall (un des piliers majeurs de la FrançAfrique) inféodé à Paris en septembre 2017 au motif de la ‘‘menace grave pour l’ordre public’’.
[xxiii] Au cours d’une entrevue accordée à la chaîne francophone TV5, [entrevue qui donne, d’ailleurs, un éclairage parfait sur les méandres de la FrançAfrique], le président tchadien Idriss Déby Itno accuse nommément la France de lui avoir conseillé et même imposé de tripoter le texte constitutionnel, de triturer les lois électorales en vue de rempiler pour un troisième mandat. https://www.youtube.com/watch?v=MvgqYDiuT4w.
[xxiv] La France est, pourtant, parmi les promoteurs et signataires de cette motion, d’ailleurs, consécutive aux multiples critiques africaines et internationales sur le cautionnement autant implicite qu’explicite des tricheries flagrantes par les pouvoirs africains lors des scrutins électoraux.
Ce qui est clair, au sein de l’espace politique et culturel ‘‘francophone’’, la multiplication à l’infini des coups d’État électoraux, constitutionnels et institutionnels dans l’optique de se succéder continuellement au pouvoir a convaincu les hommes en treillis de la nécessité de reprendre sans tarder du service à la tête de la Nation. Elle les a rapidement convaincus de la nécessité d’écarter du pouvoir une classe dirigeante décidément corrompue. Celle-ci a pactisé avec l’extérieur aux dépens de la collectivité étatique. En effet, elle a réussi à transformer littéralement la collectivité publique en marchepied de l’élite ‘‘politique’’ et ‘‘dirigeante’’ en mal d’enrichissement sans cause. Elle a, donc, réussi, par l’entremise des entreprises concessionnaires, à transformer les États africains en comptoir économique et financier pour les puissances étrangères, a fortiori occidentales.
Cet avis ou constat de la prolifération des putschs militaires dans la zone géographique de la CEDEAO[i], plus particulièrement et plus singulièrement ‘‘francophone[ii]’’, est, d’ailleurs, très largement partagé par le président libérien George Weah. Chose tout de même incontestable, les régimes directement issus de scrutins soi-disant démocratiques – régimes amplement soutenus par la France – n’ont pas contribué à l’amélioration des conditions de vie socioéconomique de leurs populations respectives, d’ailleurs, souventes fois abandonnées à leur triste sort. Tous ces dirigeants ont passé la majeure partie de leur mandat à dévaliser les caisses publiques. Aux manettes de l’État, ils ont, plutôt, appliqué servilement des politiques publiques décidées de l’extérieur par l’extérieur dans le but de démanteler l’économie et de détruire le social des pays africains. En l’occurrence des programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM). Ils n’ont point tenu à satisfaire les aspirations fondamentales des citoyens ou légitimes de la population. Pis, toute cette élite dirigeante a, plutôt, contribué de manière négative à mettre en péril l’unité nationale et l’intégrité du territoire[iii].
Il est un fait éminemment établi que ‘‘la démocratie en tant que système politique qui garantit l’expression des libertés fondamentales et la protection des droits humains’’ n’a pas du tout été promue par les puissances occidentales en terre africaine dans le dessein d’émasculer la dictature féroce en tant que force d’oppression et, surtout, vecteur du sous-développement économique et du sous-progrès social et humain. Ce régime politique a, plutôt, été promu afin de servir d’instrument de contrôle et de manipulation des pouvoirs négro-africains. À ce titre, ce fascinant concept politique et idéologique a été imaginé dans le but stratégique de favoriser pleinement et indéfiniment la spoliation des ressources africaines, d’incorporer dans le dispositif de direction continentale des relais du système colonial, des appendices de l’ordre oppresseur international. Certes, il a été imaginé dans le but de légitimer tous azimuts des régimes politiques tout autant serviles à l’Occident colonialiste que forcément antipopulaires ou antinationalistes[iv] sur le plan interne.
Par conséquent, la contre-révolution démocratique menée tambour battant par la grande muette incarnée par des ‘‘hommes en treillis et kaki militaire’’ se veut sur le terrain une réponse musclée à cette dérive démocratique qui est principalement dirigée contre les populations désabusées et États spoliés d’Afrique. Par ses prétentions légitimes, elle vient, en fait, corriger et même démanteler les liens de proximité existant entre ‘‘pouvoir africain’’ et ‘‘régime colonial’’. En effet, les relations adultérines entretenues par les deux entités ou composantes et aussi épinglées par la population et les experts demeurent, à ce jour, totalement préjudiciables aux intérêts vitaux et stratégiques du Continent africain.
Toutefois, la grande question est de savoir si cette contre-révolution démocratique portée, d’ailleurs, par un immense élan populaire et une vague nationaliste sans précédent[v], tiendra très longtemps. Quand on sait que les militaires africains, en dehors du capitaine Thomas Isidore Noël Sankara du Burkina Faso et du colonel-guide de la Jamahiriya libyenne Abū Minyar Muʿammar ʿAbd al-Salām al-Qaḏhdhafî, n’ont généralement pas bonne presse en matière de gestion politique et administrative. Cette contre-révolution finira-t-elle un jour par s’essouffler très rapidement ? Rien n’est moins sûr !
En effet, les militaires bénéficient présentement d’une conjoncture favorable. Ils sont en parfaite symbiose avec la population. En vérité, les deux composantes vivent en parfaite osmose. Hier rejetés par la masse, les soldats vibrent à l’unisson avec leurs concitoyennes et concitoyens. C’est, à vrai dire, à proprement parler, la lune de miel car leurs agissements s’inscrivent réellement, tout bonnement, dans la droite ligne de l’affranchissement des États africains de l’ordre colonial qui, de toute évidence, s’avère oppresseur et maffieux. Un ordre étranger qui détruit les espoirs africains.
Joël Asher Lévy-Cohen
Journaliste indépendant
www.joelasherlevycohen@centerblog.net
https://www.youtube.com/watch?v=MvgqYDiuT4w
Jacques Chirac : « Qu’on rende aux Africains ce qu’on leur a pris » - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=lXWJhmvkcLI
[i] Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
[ii] Partout en Afrique, les États francophones se sont spécialisés dans le viol de la constitution et le bidouillage des opérations électorales. L’alternance politique et démocratique est quasiment impossible dans cette partie du continent. On y assiste toujours à des contestations populaires et politiques issues du hold-up électoral. Ce qui n’est véritablement pas le cas chez les États anglophones. Hormis les cas spécifiques de l’Ouganda et du Kenya qui sont pratiquement les mauvais élèves des anciennes colonies britanniques. En effet, dans ces deux pays majeurs de l’Afrique orientale, c’est toujours le même parti qui se succède indéfiniment à lui-même depuis l’ère de la démocratisation politique pour des raisons ethnico-tribales et de confiscation délibérée du pouvoir.
[iii] C’est absolument dans cette perspective salutaire qu’il faut naturellement replacer les successives prises de pouvoir par des hommes en armes, béret et kaki au Burkina Faso, au Mali et au Niger. En Guinée-Conakry, c’est plutôt l’enjeu de l’unité nationale et de la toxicité de l’ambiance politique relativement à la prorogation du mandat présidentiel liée au mépris de la constitution et de l’assentiment populaire.
[iv] Dans leurs diatribes à saveur politique et idéologique, des activistes panafricains les plus en vue (Nathalie Yamb, Kemi Seba, Franklin Nyamsi wa Kamerun, Egountchi Behanzin, etc.) classent dans cette catégorie peu reluisante les pays et personnalités dirigeantes ci-après : le Bénin de Patrice Talon, le Rwanda de Paul Kagame, le Togo de Faure Essozimna Gnassingbé, le Sénégal de Macky Sall, la Guinée-Bissau d’Umaro Sissoco Embaló, le Gabon d’Ali Bongo Ondimba (ABO), la Côte-d’Ivoire d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), le Cameroun de Paul Barthélemy Biya'a bi Mvondo et la République du Congo-Brazzaville de Denis Sassou Nguesso.
[v] Ce large mouvement qui traverse pratiquement l’ensemble des couches de la population, n’est pas sans rappeler l’hystérie collective ayant marqué la période historique des indépendances.